Cet été, la rédaction du Quotidien vous emmène à la découverte de lieux et d’activités insolites à travers le patrimoine du Grand-Duché. Nous partons à la rencontre de celles et ceux qui, animés par la passion, font vivre ces petits bouts d’histoire dissimulés.
Si les casemates du Bock, le Palais grand-ducal ou encore le château de Vianden sont des lieux incontournables pour tout touriste digne de ce nom, le Luxembourg recèle également de nombreux lieux et activités insolites qui prennent vie grâce à des passionnés amoureux du patrimoine secret du Grand-Duché.
Musées du tram ou des calèches, visite avec un passionné de l’histoire de la capitale, nous vous emmenons, pendant tout l’été, à la rencontre des lieux et des histoires dissimulés.
Ce samedi, nous avons rendez-vous avec Camille Diener, policier à la retraite. Ce passionné des forces de l’ordre luxembourgeoises propose depuis quelques années une visite thématisée dans les rues de Luxembourg.
Il est à peine à 10 h quand nous rejoignons le guide devant le commissariat de la gare centrale. «Je serai votre colonel pendant deux heures», s’exclame-t-il, avant de se rendre devant le parvis de la station ferroviaire.
Car si aujourd’hui, le commissariat de police se trouve sous les verrières de la gare, dans le passé, il se trouvait près de la grande entrée. «Il y avait un important poste de gendarmerie. On avait privilégié ce lieu puisque les stations de train étaient des lieux de grands rassemblements», explique Camille Diener.
Aussi étonnant soit-il, à l’époque, les gendarmes et les policiers se partageaient le contrôle et la surveillance de la ville. «Il y a eu pendant longtemps deux services de police. Le terme de gendarmerie remonte à l’époque napoléonienne. Il est resté jusqu’au 31 décembre 1999. Au 1er janvier 2000, la réforme policière a permis la fusion des deux anciens corps. Ce qui a donné naissance à la police nationale et locale», précise-t-il.
Un gendarme tué par trois malfrats
Une époque aujourd’hui révolue qui a également eu son lot de faits marquants. À l’endroit de l’actuel commissariat de police se trouve une plaque commémorant un tragique événement.
En 1987, un gendarme, du nom de Lucien Do Rego, est tué par trois malfrats. La veille de l’assassinat, trois prisonniers du centre pénitentiaire d’Arlon ont réussi à prendre la fuite, après avoir pris en otage les gardiens de la prison.
L’information est alors transmise à la police luxembourgeoise. «À l’époque, tout se faisait par radio ou fax. Malheureusement, il y a eu un problème de communication. Le fax était arrivé dans le bureau du chef, parti en vacances. Deux gendarmes étaient de poste ce jour-là. Lors d’une patrouille, ils tombent sans le savoir sur les trois criminels qui n’avaient pas leurs papiers sur eux. Refusant de les donner, ils décident de prendre les armes. Un premier coup part sans faire de dégâts. Le deuxième touche la ceinture d’un gendarme et ricoche sur son collègue, le blessant mortellement», raconte Camille Diener.
Le deuxième (coup de feu) touche la ceinture d’un gendarme et ricoche sur son collègue, le blessant mortellement
Les cadeaux du 1er janvier
La visite se poursuit avenue de la Gare. Ici, nous découvrons que le bâtiment, occupé aujourd’hui, par la Spuerkeess, a abrité, pendant la Seconde Guerre mondiale, le bureau de police des Allemands.
«Durant l’occupation nazie, ils avaient décidé de transférer le poste général de police vers l’hôtel Star. Le bâtiment a été rasé dans les années 1970», précise l’ancien policier à la retraite, montrant une photographie d’époque sur laquelle figurait un policier allemand à bicyclette.

Dans les années 1980, les forces de l’ordre étaient divisées entre la gendarmerie et la police. Ici, il s’agit du poste de gendarmerie de la gare.
Quelques mètres plus loin, nous arrivons au croisement du pont de la Passerelle, près du boulevard d’Avranches et de la Pétrusse. Ici, durant de nombreuses années, des policiers régulaient le trafic directement sur place.
«C’était l’un des endroits les plus dangereux de la ville, car la circulation venait de trois directions. Il fallait aussi gérer les piétons et le tramway qui passait en double ligne depuis la gare (…). À l’époque, il y avait beaucoup d’agents dans les rues. Les feux tricolores n’existaient pas encore», détaille Camille Diener.
Si aujourd’hui, les policiers ont été remplacés par les feux de signalisation, dans le passé, ils faisaient partie intégrante du paysage de la ville. Reconnaissables avec leur casque blanc et leur sifflet, ils étaient aussi parfois remerciés par les piétons ou les automobilistes.

Dans les années 1960, les policiers devaient gérer le trafic en ville. Les feux tricolores n’existaient pas encore.
«Chaque 1er janvier, le policier de service recevait des cadeaux. C’était une vraie coutume. Certains passants l’invitaient également à boire un peu d’alcool, de la goutte, du vin ou de la bière. C’était une autre époque, on ne verrait plus du tout ça aujourd’hui», plaisante le guide.
À ce croisement, qui donnait autrefois du fil à retordre aux forces de l’ordre, se trouvait un bâtiment qui a, de nos jours, complètement disparu. «À cet emplacement, il y avait ce que l’on appelle l’octroi.
Avant les années 1920, les automobilistes qui souhaitaient se rendre en ville devaient payer une taxe. En fonction du poids des marchandises, celle-ci était plus au moins importante.
Si cette redevance a disparu après la Première Guerre mondiale, le bâtiment a servi de poste de nuit à la police locale. Il y en avait d’autres en villes, notamment près du parking du Glacis», précise Camille Diener.
Le 1er janvier, certains passants invitaient le policier de service à boire un peu d’alcool. C’était une autre époque
«Ils s’amusaient à escalader le toit»
Nous poursuivons la visite de la capitale en rejoignant la cité judiciaire de Luxembourg. «Il y avait, ici, la caserne de gendarmerie, c’est-à-dire les bureaux de brigade de Luxembourg, la section criminelle, les bureaux du commandement et les logements des gendarmes.
Ce système a fonctionné jusque dans les années 1950», explique Camille Diener. Ce lieu a également accueilli de grands événements, comme la fête nationale qui se déroulait alors le 23 janvier. «Il y avait un rassemblement de l’ensemble des corps.
À l’époque, le Prince Félix était le commandant des forces armées. Lors du défilé, il était précédé des trois compagnies de gendarmes et des volontaires. La cavalerie terminait le cortège, comme aujourd’hui avec les motards», poursuit le guide.
Après quelques pas dans les rues de la capitale, la visite continue par le chemin de la corniche. Ici, on peut apercevoir une vue impressionnante du Grund et de la Ville-Basse. C’est aussi cet endroit qui abritait l’ancienne prison du Luxembourg : l’abbaye de Neimënster.
Pendant près 200 ans, elle a hébergé les prisonniers du pays. «Elle a été vite surpeuplée. Les cellules étaient très petites. Alors parfois, ils s’amusaient à escalader le toit de la prison», sourit l’ancien policier à la retraite.
La visite sur le thème de la police s’achève par un dernier lieu emblématique, la maison de l’ancien responsable des exécutions de la ville. «Son métier lui avait été transmis de père en fils. Il n’était pas simplement responsable des exécutions, car elles étaient assez rares. Il devait aussi s’occuper des toilettes publiques et de la gestion des déchets dans la ville (…) Sa dernière exécution remonte à 1871.»
Après deux heures d’explication, la promenade touristique prend fin. Un voyage passionnant à travers le passé d’une profession qui n’a jamais cessé d’évoluer.