Nicolas Schmit est aux anges alors qu’il accède par miracle à la Commission européenne. Il n’y croyait plus et hérite en plus d’un portefeuille (Emploi et Affaires sociales) qui lui va comme un gant. En succédant à la Belge Marianne Thyssen, le Luxembourgeois aura en premier lieu la difficile mission de mettre en œuvre un cadre légal pour un salaire social minimum qui permette à tous les Européens de vivre dignement dans leur pays.
La perspective d’un commissaire luxembourgeois en charge des Affaires financières européennes avait déclenché une avalanche de commentaires aigrelets comme seule la toile peut en produire. Les réseaux sociaux avaient amplement relayé une composition de la future Commission purement spéculative qui attribuait à Nicolas Schmit le portefeuille des Finances. «C’était une piste aberrante», lâche l’intéressé, pas forcément amusé.
«Imaginez-vous un Luxembourgeois se présenter devant le Parlement européen avec un portefeuille pareil!», poursuit Nicolas Schmit, pas vraiment enchanté par la perspective de se faire manger tout cru dans l’hémicycle.
Le social revient par la grande porte
«Cela n’aurait été ni bon pour moi ni pour le Luxembourg et pas bon non plus pour la Commission», conclut celui qui succède finalement à la Belge Marianne Thyssen à l’Emploi et aux Affaires sociales. Un poste taillé sur mesure pour l’ancien ministre qui admet volontiers que c’est un moment «historique» pour «un socialiste luxembourgeois».
C’est aussi une nomination inespérée pour Nicolas Schmit qui n’y croyait plus jusqu’à ce que la coalition parvienne in extremis à se maintenir au pouvoir en octobre dernier. Il avait bien failli retrouver une instance européenne en 2016 quand il était pressenti pour prendre la succession de Henri Grethen à la Cour des comptes. Ce dernier a échoué à l’examen de passage devant la Banque centrale européenne dans sa tentative de prendre la présidence de la BCEE et a donc conservé son siège.
Nicolas Schmit, qui ne se voyait plus devenir commissaire un jour, est aujourd’hui membre de la Commission et heureux de constater que «le social est finalement revenu par la grande porte». Il n’avait pas mâché ses mots en jugeant la prestation d’Ursula von der Leyen devant le Parlement européen, qualifiant de «médiocre» et «d’inacceptable» un discours dans lequel la dimension sociale brillait par son absence. Les choses ont bien changé depuis et la lettre de mission que la nouvelle présidente lui a confiée énonce clairement qu’il aura la tâche «de renforcer la dimension sociale de l’Europe et d’assurer à chacun de mener une existence digne», livre-t-il.
«C’est un beau programme», convient Nicolas Schmit, dont les travaux vont se consacrer, entre autres, à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux cher à Jean-Claude Juncker. Un pilier qui comprend une vingtaine de principes, dont le droit à un salaire équitable. «Ce qui est important pour moi, c’est de mettre en œuvre un instrument légal pour garantir un salaire social minimum dans tous les pays de l’Union européenne», relève-t-il. C’est même une priorité pour les 100 premiers jours de la nouvelle Commission. «Il ne s’agit pas de mettre en place un salaire unique mais de fixer un cadre qui définit des critères pour que dans chaque État membre on puisse vivre dignement.» On devine l’ampleur de la tâche au vu des différences de traditions.
Jobs verts et économie digitale
Il ne va pas tarder à plancher sur des dossiers qu’il connaît déjà bien : le dialogue social donc les relations patronat/syndicats; les compétences professionnelles, surtout mises en relation avec la digitalisation; la transition écologique avec les jobs verts «surtout dans les régions charbonnières en Pologne», précise-t-il. Nicolas Schmit devra se pencher sur un autre cadre légal, celui qui concerne les travailleurs des plateformes du style Uber, donc de tous les nouveaux jobs de l’économie digitale.
Autant de dossiers qui le «stimule énormément» surtout «pour un vieux socialiste», comme lui. Cette mission reste «un honneur» pour lui, mais surtout «un défi formidable». Sa tâche colle parfaitement aux attentes du groupe socialiste qui avait résumé sa pensée dans une missive adressée à Ursula von der Leyen au cœur de l’été. «Je retrouve beaucoup d’éléments de notre manifeste», se réjouit le nouveau commissaire luxembourgeois en constatant que le volet social allait enfin être renforcé dans le semestre européen, la bible des politiques économiques.
Nicolas Schmit qui n’y croyait plus, retrouve doucement la foi.
Geneviève Montaigu