Quoi de mieux pour connaître une ville que de suivre une visite commentée ? Et si l’on a la chance de tomber sur un guide passionné, comme Nico Margue, elle sera inoubliable.
«J’ai revêtu mon plus bel uniforme», plaisante Nico Margue en désignant le badge passé autour de son cou, avant d’aller s’asseoir sur l’un des bancs du Knuedler à la demande du photographe.
Pour une fois, le flash crépite non pas devant l’un des monuments de la capitale, mais face à celui qui les raconte. À 78 ans, Nico Margue fait partie de la centaine de guides du Luxembourg City Tourist Office (LCTO). Pas tout à fait le doyen, mais pas loin.
Depuis 18 ans, il fait découvrir Luxembourg à des groupes aussi divers que des touristes de passage, des élèves en sortie scolaire ou des cadres en goguette, tous descendus d’un bus pour deux heures de visite.
Ingénieur électricien de formation, Nico Margue a passé la fin de sa carrière dans le secteur social, aux côtés de personnes âgées. En parallèle de cette vie bien remplie, une passion ne l’a jamais quitté, l’Histoire, transmise par un grand-père et un oncle professeurs, et alimentée par d’innombrables lectures.
Alors que la retraite approche, il demande à des amis, déjà guides au LCTO, de l’avertir quand une séance de recrutement surviendrait : «Ça m’intéressait. Lors de mes années d’activité dans le secteur industriel, quand des clients venaient pour deux-trois jours, je me faisais toujours un plaisir de leur montrer ma ville.»
Car Nico Margue connaît Luxembourg sur le bout des doigts : «J’y suis né. J’ai connu ma femme à l’âge de 16 ans et on s’est mariés huit ans plus tard. On avait bien eu le temps d’explorer la ville dans tous les petits recoins, surtout dans la vallée de la Pétrusse», dit-il, malicieux.
En 2007, l’occasion se présente et il rejoint une formation du LCTO. Le 16 septembre, il est prêt pour son premier circuit. «J’étais quand même un peu nerveux et je ne savais pas trop comment m’y prendre.
À l’époque, on avait peu d’informations sur les visiteurs. J’avais juste un nom, j’ai fouillé sur internet pour en savoir un peu plus… et je me suis renseigné sur la mauvaise personne (il rit). Finalement, c’était un groupe de six dames d’une société de carnaval de Bâle, venues en excursion à Luxembourg. Je leur ai même annoncé que c’était ma première visite», se souvient-il.
Un coup de cœur au Kirchberg
Parmi les nombreuses visites guidées que propose le LCTO, celle du patrimoine religieux de trois heures est l’une de ses préférées, «mais elle est relativement peu demandée», regrette-t-il. C’est d’ailleurs sur ce parcours, une fois entré dans l’église protestante, qu’il raconte l’une de ses anecdotes historiques préférées, la façon dont «notre dynastie actuelle est passée du protestantisme au catholicisme». Il faut le voir en parler, comment il sait mêler l’humour et le suspense pour accrocher son auditoire.
Un autre circuit qui le touche, c’est celui de la Seconde Guerre mondiale. «J’ai acquis un certain nombre de connaissances qu’on n’apprend pas dans les livres ni dans les conférences, mais dont mes parents, mes grands-parents m’ont parlé.»
C’est d’ailleurs de cette visite qu’il garde l’un de ses souvenirs de guide les plus émouvants. «Ce jour-là, j’explique à un groupe de clubs seniors la grève générale de 1942 : le tribunal spécial, le Standgericht, et j’évoque les exécutions, parmi d’autres, de trois ou quatre employés des postes grévistes.»
Nico Margue marque une pause. «Et là, un monsieur du groupe, me dit, « écoutez, moi j’étais l’un de ces employés de la poste. C’est parce que j’étais trop jeune que je n’ai pas été exécuté ».» Nouveau silence. «Ça vous prend ça, vous n’oubliez jamais.»

Quand on lui demande l’endroit qu’il préfère, Nico Margue hésite un peu, puis répond avec un air amusé, qu’il n’en a pas. Mais il y a bien certains endroits ou monuments pour lesquels, dit-il, «j’aime transmettre mon impression, ma passion pour ce lieu».
Comme la sculpture Sarreguemines de Frank Stella, au Kirchberg, installée sur le parvis de l’Institut Max-Planck, bâtiment construit par Richard Meier à l’origine pour la HypoVereinsBank.
«À chaque visite au Kirchberg, on passe devant cette œuvre, dont certains disent que c’est un tas de ferraille. J’aime bien provoquer un peu», glisse-t-il dans un sourire. «Je fais descendre les gens du bus si j’ai l’occasion. On en fait le tour. J’aime bien leur expliquer ce qui se cache derrière cette œuvre d’art contemporain controversée, pourquoi elle me passionne.»
J’aime bien provoquer un peu
Un bon guide serait ainsi celui qui veut transmettre? Il faut «partager sa passion de cette ville, s’adapter à la personnalité ou aux attentes des visiteurs. Ce n’est pas toujours évident, ça ne marche pas toujours», dit-il après réflexion.
D’ailleurs, un jour, il a failli mettre fin à une visite plus rapidement que prévu. À une période où la politique financière du Luxembourg et sa Place n’avaient vraiment pas bonne presse, «il y a eu un gars, un Français, qui n’arrêtait pas de dire qu’on est des salauds, qu’on exploite les gens. Heureusement, les autres membres du groupe ont réussi à le calmer».
Un mini-incident, comme il le dit, le seul sur les 440 visites qu’il a assurées, guidant près de 7 000 personnes à travers la capitale. Et de la passion pour ce métier, qui l’aide à se maintenir en forme physiquement et mentalement, il n’en manque pas.
Ses yeux bleus pétillent quand il lance à brûle-pourpoint : «Vous savez qu’il y a un monument aux morts en ville… pour un ancien vainqueur du Tour de France?»
Il parle du cycliste luxembourgeois François Faber, vainqueur du Tour de France en 1909. Engagé dans la Légion étrangère pendant la Première Guerre mondiale, il est tombé au front en 1915.
«À l’origine, la Gëlle Fra rendait hommage aux soldats luxembourgeois morts durant la guerre», reprend Nico Margue. Moi, je dis aux visiteurs que c’est un monument aux morts pour un vainqueur du Tour de France.» Il rit de bon cœur. «Cette anecdote-là, je l’ai inventée moi-même. Mais elle est vraie, bien qu’un peu tirée par les cheveux.»
Sur les pas de Nico Margue
Le Luxembourg City Office propose plus de 40 visites guidées et 80 sites à découvrir. Dans les endroits les plus touristiques comme le Palais grand-ducal ou les casemates du Bock, mais aussi en fonction de l’actualité, comme les visites organisées pour découvrir la LUGA 2025 – Luxembourg Urban Garden.
La plupart portent sur des thèmes spécifiques : art(isanat) dans la ville-forteresse, Goethe, Vauban… ou sur la Seconde Guerre mondiale et sur le patrimoine religieux de la ville, les deux circuits préférés de Nico Margue.
Dans le premier, les visiteurs se rendent dans douze des lieux de mémoire les plus emblématiques, les sites historiques saisis par la Gestapo et apprennent comment la Grande-Duchesse Charlotte a réussi à adresser des messages au peuple luxembourgeois depuis son exil.
L’autre parcours leur fait découvrir en détail la cathédrale Notre-Dame avec ses tours majestueuses, l’église Saint-Michel, le plus ancien lieu de culte de la ville, et la chapelle Saint-Quirin taillée dans le roc et située près d’une source rocheuse, dont l’eau paraît avoir des effets miraculeux, indique le LCTO.