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Négociations de la convention collective dans l’impasse à Cargolux : la grève prend son envol


Des pilotes au personnel au sol, plus de 700 salariés de Cargolux ont répondu présents en ce premier jour de grève. (Photo : hervé montaigu)

De Sandweiler à Anchorage en passant par Hong Kong et Dubaï, c’était jour de grève ce jeudi pour une partie des salariés de Cargolux. Une mesure inévitable face à une direction inflexible.

L’image était impressionnante depuis la route de Luxembourg à Sandweiler ce jeudi matin. Vêtus de chasubles rouges et vertes aux couleurs des syndicats qui les soutiennent, plus de 700 salariés de Cargolux étaient rassemblés devant le siège de l’entreprise de fret aérien. Des écussons de pilote dépassaient aux épaules ou aux manches de certains. Pilotes et personnel au sol faisaient la grève depuis 6 h du matin. «La grève est le seul moyen à notre disposition pour tenter de faire plier la direction», explique Michelle Cloos, secrétaire centrale du syndicat Aviation civile de l’OGBL. «C’est triste de devoir en arriver là dans une entreprise qui a suffisamment de moyens financiers et dont l’État est actionnaire.»

Depuis plus d’un an, les discussions autour du renouvellement de la convention collective sont dans l’impasse. Vingt-huit réunions de négociation et cinq réunions de conciliation n’auront pas suffi à la direction et aux représentants des salariés pour trouver un terrain d’entente. «Nous nous sommes entretenus une dernière fois ce lundi avec la direction générale, mais nous n’avons rien réussi à obtenir. D’où la décision de faire grève, poursuit Michelle Cloos. Ce n’est pas un pas facile à franchir, mais il est nécessaire. Nous maintiendrons la grève jusqu’à ce que la direction de Cargolux réagisse.»

L’attitude du directeur général de la compagnie aérienne cargo, Richard Forson, est incompréhensible pour les représentants syndicaux. «Nos revendications sont réalistes. En refusant les augmentations de salaire que nous demandons, Cargolux perd de l’argent inutilement», note Michelle Cloos, qui est dans l’expectative quant à la durée de la grève et à son issue. «La solidarité des salariées est belle à voir. Ils ont pu voir ce matin qu’ils ne sont pas seuls à se battre, mais que les syndicats sont à leurs côtés.»

Des négociations
au point mort

Les salariés ont profité des négociations de la nouvelle convention collective pour demander une augmentation de salaire de 6 % sur quatre ans. «Entre 2002 et 2023, les salaires du personnel au sol ont augmenté de 7 % et ceux des pilotes de 4 %», précise Paul De Araujo, secrétaire syndical du LCGB. Ce qui représente une augmentation annuelle de 0,3 % pour le personnel au sol et de 0,19 % pour les pilotes.»

Le directeur général de Cargolux juge pourtant exagérée la revendication de ses salariés. Il a rappelé mercredi que le personnel avait bénéficié de primes exceptionnelles ces trois dernières années et a reproché aux syndicats de ne pas prendre en considération l’avenir de la société à moyen et à long terme. L’argument ne passe pas auprès du LCBG et de l’OGBL. Pour les syndicats, ces primes de participation aux bénéfices ne sont pas des acquis durables. D’autant plus que Cargolux compte procéder à des investissements pour développer sa flotte.

Mercredi, la direction générale de Cargolux a tenté une ultime proposition : une augmentation des salaires de 5 % sur cinq ans. Une proposition refusée par les syndicats. Ils campent sur leurs positions et indiquent qu’elle «n’a jamais été officiellement soumise» et qu’elle constitue «une tentative de négociation sur la place publique».

Un système
paralysé

À 22 000 euros de l’heure perdus par avion immobilisé au sol, la grève, très bien suivie pour son premier jour, risque de coûter cher à Cargolux. «Les vols en Asie, aux États-Unis et au Moyen-Orient sont au sol pour le moment. Les vols prévus au départ de Luxembourg ne décolleront pas», indique le capitaine Johannes Wingenfeld, secrétaire du conseil d’administration de Cargolux. «Nous continuerons la grève jusqu’à ce que la direction générale accepte nos revendications.»

À 10 h 30 hier matin, un seul avion de fret de la compagnie luxembourgeoise avait décollé du Findel. Il transportait des chevaux et a été opéré par des pilotes du management. Onze autres n’ont pas quitté le tarmac à Bakou en Azerbaïdjan, à Dubaï et à Chicago et à Anchorage aux États-Unis, entre autres. La grève prend une dimension mondiale. «Ces vols non opérés auront des répercussions énormes sur les jours à venir, poursuit le capitaine. La direction en a conscience. Un avion qui ne décolle pas d’ici à destination de l’Asie ou des États-Unis paralyse les équipes qui s’y trouvent, qui ne peuvent pas prendre le relais.» Il précise : «Vingt-quatre avions de Cargolux devaient décoller aujourd’hui. Vingt-deux ne le feront pas, selon nos estimations.»

Soit un manque à gagner énorme pour l’entreprise. «Une somme à sept ou huit chiffres», estime Johannes Wingenfeld. «Cela dépend de la manière de calculer les coûts. Si la direction décide de donner droit à nos revendications, les conséquences de la grève se répercuteront sur les jours à venir. Selon nos calculs, nos revendications salariales représentent 25 % de ces pertes. Six heures de grève coûtent plus à l’entreprise que le total de nos revendications.»

Pour l’heure, nul ne sait combien de temps va durer ce bras de fer. Les compteurs tournent. Outre l’argent perdu par Cargolux, sa réputation et sa fiabilité auprès de ses clients sont en jeu, de même qu’auprès de futurs employés potentiels.

Les pilotes de Luxair solidaires
avec le personnel de Cargolux

La division de l’Association luxembourgeoise des pilotes de ligne (ALPL) auprès de Luxair s’est déclarée «entièrement solidaire avec les revendications légitimes et justifiées du personnel entier de Cargolux». Dans un communiqué, elle a également tenu à souligner «qu’il existe de grands problèmes auprès de la compagnie aérienne luxembourgeoise Luxair», sans pour autant préciser lesquels. Cependant, «au vu de la situation actuelle, l’ALPL Division Luxair a décidé de réunir son comité afin d’effectuer un état des lieux et de tirer les conclusions nécessaires».