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[C’était mieux avant] Laurent Carnol : «Je n’avais jamais vu la Coque comme cela»


Il revient sur les événements marquants de sa superbe carrière.(Photo : Julien Garroy)

Laurent Carnol a été l’un des plus grands brasseurs du monde. Il revient sur les événements marquants de sa superbe carrière.

L’adversaire le plus fort que vous ayez affronté ?

Laurent Carnol : Le Hongrois Daniel Gyurta. Il a été vice-champion olympique à 15 ans, champion olympique en 2012, champion d’Europe, il a détenu le record du monde. La première fois que j’ai nagé contre lui, c’était aux championnats d’Europe juniors en 2007 à Anvers, il était vachement au-dessus. En 2011, je sortais d’une année exceptionnelle en 2010 où j’étais invaincu jusqu’à la finale des championnats d’Europe. Je voulais vraiment continuer sur cette voie. Et encore à Anvers, on s’est retrouvés. Après 100 m, on se tenait à un centième, alors j’ai tout tenté pour le déstabiliser sur le troisième cinquante. Je tourne avec une demi-seconde d’avance sur lui, mais il fait un virage énorme, ressort devant moi et finalement me bat d’une bonne seconde. Mais j’avais tout donné. Et en 2017, pour ma dernière course aux championnats d’Europe chez lui, à Budapest, je me retrouve dans la même série. Pour lui aussi, c’était sa dernière course. À la fin, on a échangé nos bonnets.

Remporter une demi-finale des championnats d’Europe, c’est quand même quelque chose

Votre meilleur souvenir ?

Beaucoup de gens pensent à l’Euro Meet 2012, mais en fait, je dirais quand même ma demi-finale aux championnats d’Europe en 2010 à Budapest. Je faisais une super saison, j’avais gagné la course à Paris. En série, je suis vraiment fort, je peux gérer, regarder mes adversaires et garder des forces pour le soir. En demi-finale, je suis au couloir 4 puisque j’étais 2e après les séries. Je suis à côté d’Alexander Dale Oen et d’un Hongrois, du coup il y a une super ambiance. Sur le dernier 50 m, je réussis à dépasser tout le monde, je suis clairement en tête et je peux même gérer. Remporter une demi-finale des championnats d’Europe, c’est quand même quelque chose de spécial. Et battre Dale Oen, c’est un sacré truc !

Découvrez tous nos autres épisodes dans la rubrique dédiée « C’était mieux avant »

Votre meilleure course ?

Là on va parler de l’Euro Meet 2012. Ça reste mon meilleur chrono. Ma meilleure course. Une course exceptionnelle. En plus, en 2012, c’est le moment où le système de qualification pour les JO change complètement. Avant, on pouvait passer avec un temps B. Pour aller à Pékin, il fallait nager 2’18 ». Pour aller à Londres, c’était 2’11 », du très haut niveau international. C’était la course où je voulais me qualifier. J’avais tout fait pour, j’étais parti trois semaines en stage en altitude en Afrique du Sud. Je me rappelle de l’atmosphère de folie qu’il y avait, je n’avais jamais vu la Coque comme cela. En revanche, je ne me souviens plus trop de la course, j’étais dans une forme de transe. Quand je touche, je crois que je dois regarder trois fois le temps pour réaliser ce que j’ai fait.

Votre plus grosse déception ?

La finale aux championnats d’Europe en 2014 à Berlin. Je pense que j’avais le niveau pour m’attaquer au podium. Mais dans la nuit, je suis tombé malade. J’ai perdu 4 kilos pendant la nuit. Je ne pouvais pas manger. Ce n’est pas l’idéal avant une telle course. J’ai quand même terminé septième. Mais je pouvais faire beaucoup mieux. Ma demi-finale aux JO de Londres ne s’est pas non plus passée comme je le voulais. Ça reste une grosse frustration.

À Rio, on a fait la fête sur un rooftop à Copacabana avec Ronaldo, Michael Johnson et le prince Albert

Votre plus grosse blessure ?

En 2016, avant les championnats d’Europe. Au stage de Pâques, avant les championnats d’Europe de Rome, je me blesse à la cheville. Les ligaments sont touchés. On voulait que je mette un plâtre pendant six semaines, mais on était trop près des JO de Rio. La première semaine, je n’ai pas pu nager du tout. Puis pendant deux semaines, je ne pouvais nager qu’avec les bras. Pas de jambes, pas de musculation pour les jambes non plus. Je n’ai recommencé avec les jambes qu’une semaine avant les championnats d’Europe. Et j’ai effectué mon premier plongeon la veille de ma course. Et lors des Jeux de Rio, je ne pouvais pas faire de squats. Donc je manquais de puissance. Cette blessure a beaucoup impacté ma saison. C’est vraiment dommage, car je pense que je pouvais aller chercher un podium à Rome. J’étais vraiment très fort à l’entraînement.

La plus belle fête ? 

Il y en a eu plusieurs. On en faisait toujours après les grandes compétitions. Mais si je dois en citer une seule, ce serait celle des JO de Rio. On était sur un rooftop à Copacabana avec vue sur le Corcovado. Ça a duré jusqu’à 11 h du matin! Il y avait du beau monde, Ronaldo, le Brésilien, le prince Albert de Monaco, Michael Johnson. J’étais avec des nageurs islandais et du Liechtenstein et j’ai décidé d’aller parler au prince. Il parlait avec Michael Johnson. On a eu une discussion très intéressante. On a fait des photos. Et le lendemain, Michael Johnson perdait son dernier record du monde, battu par Van Niekerk. Alors, on s’est dit en riant qu’on allait effacer les selfies vu qu’il n’avait plus de record!

Votre plus grand fou rire ? 

Je pense que ça doit être à Shanghai en 2012. On était avec Raphaël (Stacchiotti), Fränz (Jean-François Schneiders) et Ingolf (Bender). Fränz avait sorti quelques blagues, je ne me souviens plus à propos de quoi, et avec Raphaël, on était en larmes tellement on riait. 

Le jour où vous avez décidé d’arrêter votre carrière ?

Au début, l’idée était peut-être d’arrêter après les JO de Rio. Mais après la blessure, je ne voulais pas terminer ainsi. J’ai donc décidé de faire encore une dernière saison, de participer aux JPEE – auxquels je n’étais pas souvent, car j’étais souvent en période d’examens – et de terminer sur les championnats du monde à Budapest. C’était aussi un moyen de rendre au sport luxembourgeois ce qu’il m’avait donné. De guider l’équipe des nageurs et de prendre du plaisir.

Ses faits d’armes

Triple participant aux JO (Pékin-2008, Londres-2012, Rio-2016), Laurent Carnol a atteint les demi-finales à Londres (15e). Deux fois finaliste aux championnats d’Europe en grand bassin (5e en 2010, 7e en 2014), il atteint également la finale en petit bassin en 2010, où il échoue au pied du podium. Il dispute deux demi-finales aux championnats du monde (2013 et 2014). Son record national sur le 200 m brasse (2’09″78) à l’Euro Meet 2012 lui avait permis de se qualifier pour les JO de Londres dans une Coque pleine à craquer. Détenteur de cinq records nationaux individuels, il est également multiple médaillé d’or aux JPEE.

Aujourd’hui

Après de brillantes études en chimie à Loughborough, en Angleterre (bachelor en chimie, master en chimie analytique et pharmaceutique), il passe également un postgraduate diploma en management du sport. Il débute sa carrière professionnelle en tant que chargé de cours au Sportlycee, puis développe le concept de double carrière au ministère des Sports tout en donnant des cours à la Lunex. Il rejoint ensuite le Luxembourg Institute for High Performance in Sports (LIPHS). En février 2022, il intègre le COSL dont il est actuellement le directeur technique adjoint.