La mutilation des organes génitaux des jeunes filles reste une pratique courante dans une trentaine de pays à travers le monde. Reflet d’une profonde inégalité entre les sexes, cet acte cruel est lourd de conséquences sur la santé des femmes.
Acte barbare ancestral qui ne se justifie nullement sur le plan médical, la mutilation des organes génitaux féminins reste toujours tristement d’actualité et constitue «l’une des manifestations les plus vicieuses du patriarcat qui règne dans notre monde», ainsi que le dénoncent les Nations unies.
Deux cents millions de femmes et de jeunes filles – toujours en vie – ont été victimes d’excision, d’infibulation ou encore de clitoridectomie, d’après une étude de l’Unicef parue en 2016. «Rien qu’en 2023, quelque 4,2 millions de filles [risquaient] de subir cet acte de violence fondée sur le genre», alertait le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Dont 180 000 vivant dans l’Union européenne.
En cette journée mondiale de Lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF), les ONG engagées dans ce combat veulent rappeler la persistance de cette pratique dans les mœurs, qui reste liée aux croyances profondes de certaines populations en matière d’idéaux féminins ou de réduction de la libido féminine.
Les MGF sont encore courantes dans 27 pays africains, ainsi qu’au Yémen, en Irak et en Indonésie, et sont pratiquées sur des jeunes filles dès leur plus jeune âge, sans anesthésie. Les conséquences de cet acte peuvent être dramatiques, tant sur le plan physique que psychique, quand il n’entraîne pas la mort.
Toujours tabou
Si les tendances restent les mêmes, en 2030, au moins une fille sur cinq aura été mutilée au Sénégal. Le pays a pourtant promulgué en 1999 une loi interdisant les MGF et a mis en œuvre plusieurs plans d’action pour mettre fin à cette pratique. Les sages-femmes dans les centres de santé ont même l’obligation de déclarer les cas d’excisions constatés lors des accouchements.
Mais «ce qui pose surtout problème, ce sont les croyances au sein même des familles et le fait que les instances religieuses ne se positionnent pas contre cette pratique, ce qui n’aide pas dans certaines régions traditionalistes», relève Magali Getrey, directrice de Programmes d’aide et de développement destinés aux enfants du monde (Padem). L’ONG luxembourgeoise a développé depuis 2017 des programmes visant à lutter contre les MGF au Sénégal. Elle y a mis en place des points d’écoute et de comités de veille et de protection de l’enfance dans 25 villages.
«La pratique est très variable en fonction des régions», poursuit-elle. «Il y a un lien entre l’éducation des femmes et l’abandon de la pratique, car dans des villes comme Dakar, elle est effectivement un peu moindre. Mais dès qu’il s’agit d’une zone traditionnelle, où les chefs religieux sont très importants, comme c’est le cas dans les zones frontalières avec la Mauritanie (NDLR : où la pratique, très répandue, n’est pas interdite par la loi), la prévalence est très importante et ne baisse pas, sauf si on travaille dessus. C’est du travail de longue haleine. Une fois qu’on aura passé une génération, ça ira sans doute mieux, la pratique aura tendance à se perdre, mais il faut être extrêmement attentif à ce qu’il n’y ait pas de retour en arrière.»
Un travail d’autant plus difficile que le sujet reste encore tabou, comme en témoigne la directrice : «Au départ, nous ne pouvions même pas parler d’excision pour travailler sur le terrain, mais de « lutte contre les violences basées sur le genre« . Et quand on parle de ce sujet, on l’aborde de manière médicale, scientifique, on ne va pas sur le terrain des croyances coutumières».
Les Nations unies espèrent éradiquer cette pratique d’ici 2030. Un programme ambitieux, reconnaît Magali Getrey : «Beaucoup de régions ne sont pas soutenues… Et la dernière fois que je me suis rendue au Sénégal, on m’a parlé d’excisions qui sont faites dans les cliniques. Ce sera difficile à prouver, mais quand ça devient médicalisé, ça devient épouvantable. Le combat est encore long.»
Le Luxembourg en lutte
Le Luxembourg a introduit dans le code pénal l’incrimination spécifique des mutilations génitales féminines (loi du 20 juillet 2018). Il a aussi ratifié en 2018 la convention d’Istanbul, qui condamne et interdit les violences fondées sur le sexe à l’égard des femmes et des filles, et, de fait, les MGF. Le fait de retourner au pays pour y faire pratiquer l’excision est donc passible d’une amende et d’une peine d’emprisonnement. En 2019, l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) estimait que 12 à 17 % des filles (entre 0 et 18 ans), originaires de pays où les MGF sont des pratiques communes, étaient menacées par l’excision.
Le gouvernement a par ailleurs une «approche proactive» de sensibilisation. La lutte contre les MGF au Grand-Duché est également alimentée par un fort réseau associatif et institutionnel en mesure d’accompagner les victimes, former les professionnels et interpeller le grand public, entre autres : le Planning familial, la fédération GAMS (engagée dans la lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes et aux filles), les sites excisionparlonsen.org et alerte-excision.org.