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[Musique] Le Luxembourgeois Morfaz tombe les masques


Pour son projet Morfaz, Dorian Duhr incarne soit la créature extraterrestre Goros, qui évoque la douceur et la nature… (photo Caroline Martin)

Musicien depuis son plus jeune âge, le Luxembourgeois Dorian Duhr a mêlé la techno «live» et son autre passion, l’heroic fantasy, pour un projet fou : Morfaz, qui vient de sortir son premier EP.

Au Luxembourg, les amateurs de techno percutante et d’univers fantastiques auront déjà remarqué Morfaz, un projet à plusieurs visages mais un seul cerveau. «J’ai commencé sur les chapeaux de roues», analyse en toute honnêteté Dorian Duhr, le sorcier du son derrière Morfaz : depuis la création du projet, il y a deux ans, on l’a vu à deux Fêtes de la musique (2022 et 2023), aux Rocklab Sessions (puis, toujours à la Rockhal, en première partie de French79), au Dreamland Summer Vibes de Wiltz…

Cette année encore, Morfaz a pris le relais de la musicienne electro française Irène Drésel en février à la Kulturfabrik – un grand honneur et une immense joie pour le musicien : «Elle a été une énorme source d’inspiration, c’est elle qui m’a donné envie de faire du live» –, a pris part aux 40 ans du Melusina ou encore à l’Electro Discovery Night, en mars au Rocas, «une initiative que j’ai mise en place pour faire connaître la scène electro « live »».

Le trentenaire met en avant la différence entre un concert d’electro et un DJ set : «Un DJ serait comme un fleuriste qui compose son bouquet avec des sons, des ambiances, des couleurs. Dans un « live set », je viens sur scène avec mes instruments et je propose une expérience avec le public qui est plus intime.»

Et de regretter par ailleurs que «la scène electro (soit) représentée en majorité par des DJ sets», quand «le Luxembourg a tellement d’artistes cools» et qui proposent le type d’expérience musicale et immersive que défend Dorian : il cite Ryvage, Timelord, la house «très mélodique» de DoosC…

Mon seul besoin, c’est de faire vibrer les gens!

Avec un premier EP sorti fin mai, lui est encore un petit nouveau sur la scène electro du Grand-Duché, mais avec beaucoup d’idées, une force créative en plein bourgeonnement et «aucune limite dans la composition». «Mon seul besoin, décrit-il dans un éclat de rire, c’est de faire vibrer les gens !»

Ce qui n’entrave pas ses ambitions d’«explorer des atmosphères plus douces ou mystérieuses» et de «susciter» chez l’auditeur le sentiment que lui ont procuré, plus jeune, «des groupes comme Muse, Franz Ferdinand ou Limp Bizkit», qui ont marqué le rock de leur style unique, «sans être du rock».

Un objectif qu’il rêve d’atteindre «modestement», assure-t-il, mais pas sans pression. «Essayer de faire quelque chose de nouveau, c’est une motivation pour créer, c’est sûr. Mais, en fin de compte, je fais de la musique parce que j’aime ça et que ça me procure un plaisir énorme.»

Dualité des personnages

La musique, il est tombé dedans à l’âge de 10 ans par le biais d’un instrument, la guitare. «Mon problème est que j’ai tout de suite eu envie de composer, et je ne savais pas comment faire. À 15 ans, j’ai découvert avec un pote (le logiciel de composition) FL Studio», qui a changé sa vie.

Avec son «premier job et une indépendance financière», il commence à acheter du matériel «qui tient la route», s’entoure d’un ingénieur du son… Son «apprentissage» dure une dizaine d’années, et au terme duquel Dorian Duhr s’est retrouvé avec une tonne de maquettes sur son disque dur.

«Ma passion première, c’est vraiment la musique. Mais après toutes ces années à composer, il fallait que je trouve une « patte », et c’était évident : il fallait que ce soit un truc un peu magique», rembobine-t-il.

…soit le «sorcier noir» Gülaajhan. «Il n’a pas la fibre mélodique, mais ses pouvoirs musicaux sont aussi intéressants», détaille le musicien.

Ses deux autres passions «de très longue date», l’heroic fantasy et les jeux vidéo, ont longtemps vécu «en marge, sans jamais se mélanger» à ses bidouillages musicaux. Il a beau citer ses nombreuses influences (Deadmau5, Nicolas Jaar, Vitalic, Daft Punk…), dans Morfaz, c’est principalement en allant puiser dans les imaginaires fantastiques que le musicien «trouve l’inspiration pour composer».

En retour, le mariage des passions lui a aussi permis de créer des personnages et de «raconter leur histoire avec la musique».«Morfaz, c’est le nom de l’univers» dans lequel vivent ces créatures, éclaire-t-il.

«Ayant fait du cosplay avant, j’avais très envie de porter un masque sur scène», explique Dorian Duhr, qui a «mis à profit (ses) « skills »» en la matière pour construire celui de Goros, une créature à tête d’arbre «qui arrive d’une autre planète (et) a découvert la musique avec les humains».

Son ennemi juré, Gülaajhan, porte lui un «masque de la mort» en acier et un style «steampunk». «Il est cynique, n’a pas la fibre mélodique, mais ses pouvoirs musicaux sont aussi très intéressants», détaille le musicien. Si Dorian n’a pas «le talent d’Arturo Brachetti» en matière de transformisme, il instaure une atmosphère différente selon le costume.

Et note aussi que cette dualité entre lumière et obscurité, entre nature et industrie, peut aussi être rapportée à l’échelle du Luxembourg : «On crée des trucs pour découvrir après coup que ça vient de quelque chose qui est profondément ancré en nous.» Mais le contraste peut aussi être interprété comme un miroir de l’«absurdité du monde», glisse celui qui continue d’alimenter son projet.

Élargir sa mythologie

Crépuscule, son EP de quatre titres, dévoile déjà beaucoup de l’univers de Morfaz : Le Diable et La Potion pour son côté sombre et violent associé au «sorcier noir» Gülaajhan, Le Tertre et Le Rituel pour le versant lumineux et féérique invoqué par Goros.

Avec une narration à la voix caverneuse qui dévoile les origines et les aspirations des personnages, l’EP, en plus d’être un objet unique et bien remuant, pose les bases d’une mythologique dont son auteur ne sait «pas encore très bien où elle va (l’)amener», mais dans laquelle il s’épanouit. Y compris lorsqu’il propose une version alternative de l’EP, sans narration – mais qui accentue paradoxalement le côté cinématique de sa musique, avec des nappes hypnotiques qui tendent vers l’ambient.

La scène, c’est très gratifiant : ça prouve que ce que je fais parle à quelqu’un

Pour l’artiste derrière Morfaz, sa présence sur scène, très forte depuis l’année dernière, «est très gratifiante : ça prouve que ce que je fais parle à quelqu’un». Mais il vise à «trouver (son) public», et le fera pour le moment loin des «spotlights», en préparant actuellement deux nouveaux EP, l’un sous les auspices de Goros, «plutôt tourné vers la nature», l’autre autour de Gülaajhan, «clairement plus « dark »».

S’il souhaite se «reconcentrer sur la production», c’est d’abord parce que «sans booker, c’est difficile de se faire une place et d’être pris au sérieux», mais aussi parce que le studio lui permet de s’accomplir : «Je veux m’améliorer, élargir mon catalogue et mon univers, proposer un nouveau concept live…», égrène-t-il. En fait, tout ce qui manque à son univers évoquant mille images, c’est le clip. Là encore, Dorian Duhr prend les devants : «C’est déjà prévu!» Mi-septembre, le musicien embarque avec une équipe et des figurants en forêt pour tourner la vidéo du Rituel. Qu’on se le dise, ce n’est encore que le début pour Morfaz.

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