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[Musique] La Rockhal entre dans l’âge adulte


(Photo : rockhal)

Cette semaine, la Rockhal fête ses 20 ans, couronnés samedi par un show «monumental» célébrant l’endroit qui l’a vue naître et ouvrant un nouveau chapitre au cœur d’une industrie musicale indocile. Avant-goût.

Vingt ans, le bel âge? Assurément, répond la Rockhal. C’est avec un œil de jeune adulte que la salle où «la musique compte» («Where music matters») regarde aujourd’hui derrière elle, fière du chemin parcouru, des obstacles qu’elle a réussi à surmonter et des leçons retenues. Même l’épisode de la crise sanitaire, qui a sérieusement fait trembler ses acquis, semble digéré. En 2024, elle a ainsi organisé 216 évènements et accueilli 257 000 personnes. De quoi espérer battre rapidement le record de 2019. Et pourquoi pas dès cette année, d’ailleurs. Oui, la confiance l’anime. Torse gonflé, posture gaillarde et tête tournée vers l’horizon, elle est à l’image du territoire qui l’a vue naître. Celui qui a troqué le bleu de travail et le crachat brûlant des usines pour un monde nouveau, où la culture, l’art, la science et l’éducation se portent en étendard, sûrement pour conjurer un futur aux contours incertains.

C’est pourtant loin de ses bases que son anniversaire a débuté la semaine dernière. Et pas n’importe où! Au château de Chambord, formidable palais du XVIe siècle aux tours aiguisées et d’un blanc «tape-à-l’œil», surplombé par deux illustres figures : son créateur François Ier, roi-architecte visionnaire, et Léonard de Vinci, dont l’esprit brillant se planque dans les escaliers. Sans souffrir du poids, c’est juste en dessous de ces fantômes que le DJ Michael Canitrot a posé ses consoles. C’est lui qui, vendredi dernier, a lancé les journées européennes du Patrimoine (œuvrant au passage au financement des travaux de restauration d’une aile de la bâtisse). Et c’est lui qui, samedi, sera de nouveau aux platines au pied des hauts-fourneaux à Belval, énième étape de son Monumental Tour qui, depuis 2019, mixe musique, mise en lumière, mapping et Histoire.

De Chambord aux hauts-fourneaux

Son slogan pourrait être : «Chaque concert laisse un héritage pour les générations d’après». Et sa philosophie la suivante : amener la house et la techno dans des endroits inhabituels, et faire profiter ces derniers de son rayonnement et sa modernité. Interrogé sur place, il confirmait l’idée : «Mon objectif, c’est de démocratiser la musique électronique, lui donner une autre dimension. Et de valoriser le patrimoine. À partir du moment où on le met en lumière de façon artistique, ça crée une connexion avec le public. C’est, selon moi, la première pierre nécessaire à son attachement et sa préservation». Les 10 000 personnes réunies dans les jardins ont apprécié la démonstration, entre drones scintillants et effets optiques à gogo. Des symboles, il n’en manquait pas non plus, à l’image du nom d’un de ses nouveaux morceaux, Renaissance, ou de cette fresque de 15 tableaux projetée sur les murs, dont La Joconde qui avait été protégée des nazis à Chambord durant la Seconde Guerre mondiale.

En France ou plus loin, une vingtaine d’autres monuments ont déjà bénéficié de ce «dépoussiérage» en règle, et non des moindres : la tour Eiffel, la basilique del Pilar à Saragosse ou Notre-Dame de Paris, selon les «coups de cœur» de Michael Canitrot, partant souvent d’une simple «inspiration architecturale et historique». Ils réclament en tout cas une sacrée flexibilité, puisque qu’en une semaine, il va sauter d’un château vieux d’un demi-siècle à l’interminable façade (150 mètres) à un site industriel, tout en rouille et en hauteur. «Oui, c’est un grand écart!, rigole-t-il. Ce sont deux styles et deux univers très différents.» Un vrai «challenge» pour lui et son équipe, qu’il évacue toutefois, confiant et positif. D’abord parce qu’il se dit heureux de retrouver le Luxembourg, lui qui y a joué «plusieurs fois» en tant que DJ. Ensuite parce que les hauts-fourneaux l’inspirent, particulièrement pour ses sonorités «sombres et mécaniques» aujourd’hui disparues.

Un anniversaire gratuit et complet

Mieux, joueur, il va honorer son hôte du soir en glissant dans son set «des clins d’œil musicaux» qui rappelleront que Daft Punk, Justice, Evanescence ou encore M83 sont déjà passés par Belval. De quoi combler la Rockhal, qui en profite pour répondre à ceux qui espéraient un gros nom en guise de cerise sur le gâteau. Olivier Toth, son directeur : «Toute l’année, on fait des concerts. Là, on voulait trouver autre chose et remercier l’ensemble des gens qui ont fait notre succès». Mathieu Rosan, responsable marketing et vente, prend le relais avec son sens de la formule : «Le principe, c’est de dire : « C’est notre anniversaire, venez le fêter avec nous! »». Pas de folie donc et de tête d’affiche à 150 euros le ticket, mais une double soirée gratuite (et complète) conforme à l’ADN d’un Centre de musiques amplifiées (CMA) et à l’éthique d’une «institution publique» : respecter le territoire, les acteurs locaux et le public, tout en ne négligeant pas le divertissement.

Dans ce sens, dès ce mercredi soir, avec «Encore!», le Rocklab va faire monter sur scène toute une ribambelle d’artistes du cru, qui ont largement contribué, par leurs influences ou leurs activités, à l’implantation de l’établissement au Luxembourg. Un best of qui rassemblera près de 3 000 personnes à l’intérieur du Main Hall. Et samedi donc, pour emballer le tout, un spectacle XXL à la fraîche qui va mettre en lumière un quartier entièrement repensé, réinventé, qui, en 2005, sonnait creux. «Il n’y avait qu’une banque… et la Rockhal», se souvient Olivier Toth. Près de 14 000 visiteurs sont attendus, pour un nouveau record dans cette configuration après les affluences de Sting et d’Imagine Dragons. De quoi donner des idées pour la suite, avec, souffle-t-on sans l’affirmer, un possible retour du festival Sonic Visions, qui aimait justement investir les anciennes friches industrielles. «On aime toujours expérimenter et tester, confie le directeur sans spoiler ses intentions. C’est important pour se développer.»

Un public volatil et des prix qui gonflent

Il aurait pu dire vital, lui qui a connu les premières années où il fallait démarcher avec «un bâton de pèlerin» en main. «On faisait le tour des agences pour nous présenter et on nous disait : « La quoi? Où? À Luxembourg? »». Mais si désormais, la Rockhal a «quelque chose à montrer sur son CV» et qu’il compte sur l’effet multiplicateur d’une imparable équation (un artiste et un spectateur contents vont revenir avec des amis), elle doit également composer avec une industrie musicale qui, ces dernières années, joue avec la santé des programmateurs. En effet, il faut faire avec un public de plus en plus volatil, qui passe d’un artiste à un autre au gré des algorithmes, quand il n’est pas simplement distrait par tout ce qu’on lui met sous les yeux (streaming, jeux vidéo…). Il faut s’arranger aussi avec les musiciens, sensibles aux appels des stades et des festivals. Il faut jongler enfin avec le prix des cachets et du matériel qui explosent, avec au bout, le public qui paie la note et mesure ses concerts en fonction de son porte-monnaie.

C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre!

«C’est la vie d’une salle, souffle Olivier Toth. On pense avoir tout compris, mais le lendemain, c’est déjà différent… Au moins, ça rend notre quotidien sérieusement intéressant!» Dimanche, une fois les festivités terminées, moment où le silence règne et que l’on range, la Rockhal continuera d’avancer sur les sables mouvants, avec néanmoins une certitude en tête : «On va écrire la première page des prochaines années. C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre!, lâche Olivier Toth, subitement rajeuni. Quand vous avez 20 ans, vous devenez adulte. Vous passez à une autre phase de votre histoire.» À coup sûr, celle-ci passera par des réussites et des coups manqués, des stars et des anonymes, des salles pleines et d’autres clairsemées. Au bout, l’espoir, comme le sous-entend la venue de Michael Canitrot, que la Rockhal ait une place et un nom à se faire dans le patrimoine national. Son directeur le souhaite : «Un monument, c’est un endroit que vous reconnaissez immédiatement. Pour certains, peut-être qu’on en est un. Il y a tellement de souvenirs qui s’y créent».

«Encore! – 20 Joer Lëtzebuerger Musek»
Ce mercredi soir à 20 h 30.

«Monumental Tour»
Samedi à partir de 18 h.
Support : Anya, Stone
Van Brooken & WazToo

 

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