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[Musique] Koll an Aktioun : l’autre festival


(photo jil zago)

Programmé en même temps que les Francofolies, le festival Koll an Aktioun défend une approche écologique et communautaire plus radicale encore. Et prouve la nécessité d’un rendez-vous alternatif, avec toutes les difficultés que cela implique.

Par essence, un festival est-il écologique ? La réponse est simple : non. Malgré les labels «verts», idéaux pour montrer patte blanche, il ne peut faire autrement qu’utiliser beaucoup d’énergie et emporter dans son sillage artistes comme spectateurs, qui doivent s’y rendre et une fois sur place, consommer. Un schéma difficile à contourner mais aménageable. C’est d’ailleurs ce qui s’observe dernièrement, un peu partout : on y mange et boit mieux, plus sainement et local, avec d’autres efforts tout aussi louables en termes de recyclage, de mobilité, de durabilité…

Mais tout cela reste paradoxal, à l’image de la venue de David Guetta aux Francofolies d’Esch-sur-Alzette l’année dernière, avec ses exigences artistiques et sa tonne de matériel technique à déplacer. Ne parlons même pas du cachet, probablement autour du million d’euros, qui aurait pu servir, justement, à soutenir des projets environnementaux. Disons alors que divertissement est à ce prix, et qu’il n’est plus à une invraisemblance près.

À une tout autre échelle, visant trente fois moins de partisans que son alter ego du Gaalgebierg (et sa jauge de 40 000 spectateurs), Koll an Aktioun, lui aussi programmé dès demain et sur trois jours, se veut d’abord une expérience humaine, ou comme le précise son site, un rendez-vous à la fois «créatif, engagé et communautaire». «C’est une petite utopie», lâche Georges Goerens, connu aussi sous le nom de Bartleby Delicate, une fois sur scène. Par son côté multidisciplinaire et débrouillard, le festival ressemble à son cousin aujourd’hui disparu, le Food for Your Senses. On y trouve en effet d’anciens membres et un sens partagé pour des principes comme l’autonomie, le collectivisme et le volontariat. Mais il se démarque de son modèle, à l’époque balloté de place en place, en ayant un lieu fixe et sûr où il peut se développer à son rythme : le site du musée de l’Ardoise à Haut-Martelange. Il y a posé ses bagages il y a maintenant dix ans, et il s’y sent bien.

Une question
de survie

Derrière l’initiative, on trouve l’association Kollibri, née la même année, en 2016. À sa tête, Marc Thein qui, hier encore, faisait des allers-retours en camionnette, avec à son bord des palettes de bois pour la confection du décor, de gradins… Entre deux souffles, il lâche : «C’est comme les vacances, mais avec du travail!». Dans ses efforts, il sait qu’il pourra compter sur l’aide de 150 bénévoles – des «partenaires» comme on les appelle – répartis en douze groupes et coordonnés par un conseil d’administration de neuf personnes. Dans ce fourmillement énergique, personne ne parle de hiérarchie. Non, les termes sont autres, comme «transversalité», «autonomie» et «échange». Une preuve ? La création d’une troisième journée  («Noisy Friday») consacrée au punk et au metal, car «dans l’équipe, certains aiment ces styles et se sentaient sous-représentés par la programmation», explique Georges Goerens, avant de préciser : «Ici, tout le monde est intégré et s’investit.»

Au Koll an Aktioun, être soudé et persévérant répond aussi à un calcul à un seul zéro : personne ne gagne d’argent. Du pur «bénévolat» auquel s’ajoute un financement à plusieurs têtes : la commune de Rambrouch, le ministère de la Culture et quelques collaborateurs amicaux (comme Maskénada, que Kollibri a soutenu à l’occasion de son trentième anniversaire). Côté privé, c’est plus compliqué, car certains sponsors «ne partagent pas nos valeurs», affirme Marc Thein.

«Il y a une éthique dont on ne peut s’éloigner». Ce qui pose forcément des contraintes économiques, surtout depuis la crise sanitaire, les préventes en baisse et l’explosion des budgets. Autre exemple : le festival a eu, en toute dernière minute, la possibilité de faire venir samedi le duo King Hannah (dont le dernier disque, Big Swimmer, est l’un des plus réussis de 2024). L’affaire s’est jouée à 2 000 euros près… «C’est la dure réalité», lâche Georges Goerens, conscient de la vulnérabilité d’un tel festival, où il est souvent question de «survie».

Une aventure au sec

Mais quand on a «la fête dans les tripes et la durabilité dans le cœur» comme slogan, il faut trouver des solutions sans se compromettre, et surtout, sans oublier ceux qui font vivre le Koll an Aktioun. «Il faut que tout le monde prenne du plaisir!», soutient-il, parlant de «bienveillance» au cœur même de l’équipe. Car travailler une semaine durant, à monter, organiser et démonter, «ça prend du temps et ça demande beaucoup d’énergie».

En retour, cette année, et pour la première fois, elle a à sa disposition, juste pour elle, des fourneaux et deux cuisiniers qui s’y affairent depuis hier. De quoi redonner des forces et du moral, un brin entamés après deux éditions mouillées et «frustrantes» en 2022 et 2024. «Ces petits repas entre nous, c’est notre highlight!», se marre Marc Thein. Avec sa bande, il a aussi retenu la leçon et mettra pour le coup le public au sec grâce à deux chapiteaux de cirque et des scènes couvertes. Plutôt bien vu avec cette météo capricieuse.

Concrètement, autour d’une vingtaine de concerts (dont ceux de Marcel, Francis of Delirium et Gwendoline) et d’autres propositions à portée familiale (spectacles de rue, ateliers, installations, marché de créateurs, village culinaire…), le festival Koll an Aktioun propose une «bulle d’air» dans un esprit libertaire et à la cool, propice aux mélanges et aux rencontres. Un terrain fertile où l’on croisera les curieux venus de tout le canton de Redange, comme les amateurs de rock, les mêmes que l’on remarque aux Rotondes, à la Kulturafrik et au Gudde Wëllen.

Pour les premiers, la «belle aventure» est gratuite. Pour les seconds, ce sera payant (15 euros pour le vendredi, 25 le samedi et le dimanche, et 40 pour le week-end). Selon le précepte «payez ce que vous pouvez», on peut même mettre un peu plus de sa poche, afin de pérenniser de telles actions, rares, et par extension, essentielles.

«Koll an Aktioun». Dès vendredi et jusqu’à dimanche. Site du musée de l’Ardoise – Haut-Martelange.

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