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[Musique] First Mote : à deux, c’est mieux!


Ce vendredi soir First Mote sera aux Rotondes, pour l’ouverture des Congés annulés. (Photo archives editpress/fabrizio pizzolante)

Une guitare et une batterie, sans chant ni personne pour les épauler : voici First Mote, duo d’amis qui, dans le fond et la forme, dénote dans le paysage luxembourgeois. Rencontre avant l’ouverture des Congés annulés aux Rotondes.

Après une discussion apéritive, Jamie Reinert, voix de la radio 100,7, se marre tout en cherchant l’approbation dans le regard de son ami, Christophe Demart : «La confiance… Je crois que c’est un mot que l’on a répété au moins dix fois!» C’est vrai, le terme est revenu régulièrement dans la conversation, mais il compte : c’est cette foi qui leur a permis de croire qu’un jour ils porteraient un projet juste tous les deux, à la vie, à la mort. C’est cette conviction qui les a amenés à oublier les modes pour défendre un groupe à la structure ténue : une guitare baryton, une batterie, sans chanteur, ni autre musicien en renfort. Et c’est cette assurance qui, aujourd’hui, leur fait pousser les ailes et les idées, qu’ils démontrent en jouant parfois au milieu du public dans un numéro de haute voltige. En effet, ils n’ont pas besoin de filet de réception, certains qu’ensemble ils sont plus forts.

Pour comprendre ce qui anime First Mote et fait son identité, il faut remonter trois décennies en arrière. Les deux garçons partagent alors la même école et le même quartier, au Cents à Luxembourg. Puis arrive l’adolescence, moment où les rêves se touchent du bout des doigts. Dans le garage de la maison familiale, Christophe Demart a déjà posé une batterie. Jamie Reinert est lui aussi présent, guitare en bandoulière. «On avait un amour commun pour l’album live de Woodstock», se souvient-il. À quinze ans, ils font cracher les watts sur Soul Sacrifice de Santana et Little Wing de Jimi Hendrix, s’octroyant un écart avec T.N.T d’AC/DC. Plus tard encore, jamais bien éloignés l’un de l’autre, ils vont se croiser, par hasard ou «par besoin», au sein d’autres formations comme Rufus Ready ou Kate (désormais The Tame and the Wild). «Je suis retombé sur une photo récemment : la tête que l’on avait!», rigole à pleines dents le batteur, suivi par son compère.

Un «dialogue» façon ping-pong

Il y aura, enfin, une dernière collaboration avec Bartleby Delicate, qui accouchera d’un album enregistré en direct à la Philharmonie (To Pin Your Hopes on Someone / Something). On est fin 2022 et First Mote, né en pleine crise sanitaire, s’est déjà montré au Gudde Wëllen et a sorti un six-titres (Middlecroft). Comme beaucoup, ils ont «profité» de la pandémie pour «travailler plus intensivement» sur ce projet qu’ils ruminent depuis des années et qui leur tient à cœur : avoir un groupe rien que pour eux. «Jouer avec lui, c’est quelque chose qui m’a construit. Ce sont mes premières expériences musicales, de beaux souvenirs…», confie Jamie Reinert. «Et on savait que ça fonctionnait», renchérit Christophe Demart, disant se sentir plus «créatif» en compagnie de son vieux camarade. «En tant que batteur, on est rapidement vu comme un métronome, un simple accompagnement. Ce n’est pas le cas ici.»

La méthode qu’ils mettent en place est simple : la plupart du temps, c’est le guitariste – de son propre aveu, il s’est longtemps «perdu dans sa chambre» à composer –, qui arrive avec des bribes de chansons. «Mais ça peut aussi marcher dans l’autre sens!», se défend Jamie Reinert. Réunis, les deux musiciens se lancent alors dans un ping-pong sonore, en équilibre entre improvisations et parties plus définies. Explication du guitariste : «Tout tient au dialogue. C’est toujours le moment qui compte, celui où l’on sera sur la même longueur d’onde.» Évidemment, le batteur a lui aussi son mot à dire. «J’aime parler d’écoute. Celle qui permet de rebondir sur la proposition de l’autre, que l’on va contrôler ou, au contraire, pousser plus loin, juste pour voir ce qui se passe, tout en cherchant une harmonie.» D’où cette musique libre comme l’air qui prend des accents multiples : rock, folk, jazz… En deux mots : «minimaliste et cinématique».

Show minimaliste et performance «démocratique»

Une orientation qui ne s’est pas faite sans décisions fortes. La première : décider de se passer de voix. «On a toujours eu cette impression qu’à deux, ça ne pesait pas lourd», explique Jamie Reinert. «Et qui écoute aujourd’hui de la musique instrumentale?», dit-il encore, reconnaissant au passage que ce choix l’arrangeait bien, lui qui s’est toujours senti plus à l’aise «à l’arrière de la scène», en soutien, «loin de l’attention». Pour Christophe Demart, qui chante parfois dans le groupe Autumn Sweater (vu en première partie de Fontaines D.C. à Neimënster), le problème est d’abord une affaire de «ton». «Dans le rock, on peut jouer plus facilement avec. Là, ça ne fonctionnait pas. Je voulais arriver à quelque chose de plus doux et, surtout, de plus juste! (rire)» Du coup, First Mote patine… «Ça a pris du temps pour se jeter à l’eau», confesse le guitariste, tandis que le batteur rembobine la scène : «À un moment, on s’est dit « merde, tant pis, on y va, on verra ce que ça donne ».» Au bout, une certitude : «Une guitare et une batterie, ça suffit. C’est même beaucoup!»

La seconde orientation renvoie à la précédente contrainte : sans leader au premier plan, comment faire vivre leur musique? «Côté show, il n’y a pas tellement à voir!», lâche dans un rire Christophe Demart. D’autant plus vrai que son ami et lui jouent «assis», «concentrés» sur le jeu et leur instrument. D’où cette parade : casser le quatrième mur (comme on dit au théâtre) entre la scène et le public en prenant place en son sein, «quand c’est possible». «Jouer au milieu des gens, c’est génial. On ressent la musique comme eux.  Et avoir du monde autour de soi, ça fait très intime», explique le batteur. Pour sa part, Jamie Reinert y voit même un procédé «démocratique» : «Il y a une proximité qui rend libre. C’est alors aux spectateurs de choisir leur place : près de la guitare, de l’ampli, à côté de Christophe…»

Légendes écossaises «au coin du feu»

Ce vendredi soir aux Rotondes, pour l’ouverture des Congés annulés, festival qui agite chaque été, un mois durant, une capitale désertée, le public aura l’occasion d’expérimenter les sonorités hypnotiques et faussement tranquilles de First Mote. Les yeux fermés, il pourra se faire son propre film, même si Jamie Reinert spoile : «Même sans paroles, il y a des histoires derrière les chansons», lâche-t-il, lui qui, d’origine écossaise, a été nourri aux légendes locales surgies des landes, celles que l’on raconte «au coin du feu, un whisky en main», imagine Christophe Demart. Ainsi, l’album Middlecroft tire son nom de la ferme de l’oncle habitant près de Glasgow, peinte sur la pochette. Et First Mote (pour «poussière» ou «étincelle») d’un strip humoristique lu dans The New Yorker, au jeu de mots quelque peu énigmatique. «Et puis, on est nous aussi un peu poussiéreux, bondit le batteur. On aime les vieilles choses», notamment le folk des années 1960-1970.

Il est pourtant question d’actualité avec, de un, un second EP qui se prépare et se présentera «avant la fin de l’année», sur lequel le duo, «moins puriste», «resserre» son jeu, tout en l’ouvrant à d’autres possibilités comme celle d’ajouter un banjo, un brin de percussion, du synthétiseur «pour les basses» et de la pedal steel. De deux, une soirée où le duo profitera une nouvelle fois de la «confiance» (encore) des Rotondes, leur «seconde maison» après le Gudde Wëllen, qui ont participé, de près ou de loin, à la majorité de leurs concerts – une bonne dizaine selon leur décompte. Celui qui arrive, promettent-ils, affirmera une nouvelle fois leur ADN : celui d’un groupe «qui vit du live», «singulier», aimant «laisser voir où la musique le porte». «C’est le moment qui compte», rappelle Jamie Reinert. Que ceux qui n’ont pas le sens du timing se rassurent. C’est le poète britannique Phyllis April King qui le dit : «La poussière n’est pas rancunière : une fois enlevée, elle revient toujours!».

«Congés annulés Opening Night». Avec Totorro, Ebbb et First Mote. DJ set : Loon et Luster Club. Ce vendredi soir à partir de 20 h. Rotondes – Luxembourg. Le festival se déroule jusqu’au 21 août. www.rotondes.lu

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