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Muller : « remporter une victoire sur cette terre battue peut tout changer »


Gilles Muller, le meilleur tennisman luxembourgeois, veut rebondir ce lundi à Rolland-Garros. Et il en a les moyens ! (Photo d'illustration : Marcel Nickels) Photo Marcel Nickels

Endeuillé par le décès de son papa voici quelques jours, «Mulles» entame ce lundi ses Internationaux de France, face à l’ancien demi-finaliste Ernests Gulbis. L’affiche est belle, il se confie.

Quand vous avez appris que vous affrontiez Ernests Gulbis au 1er tour, vous vous êtes dit que c’était un bon ou un mauvais tirage?
Gilles Muller : Ni l’un ni l’autre en fait. Je n’aime jamais dire qu’un joueur est un bon tirage. Et puis ici, si je devais choisir, j’opterais plutôt pour un mauvais tirage. En tout cas, je n’ai pas fait un saut de joie lorsque j’ai vu son nom. Même si, désormais, il est redescendu au-delà de la 160e place mondiale, on sait de quoi il était capable. En est-il toujours capable aujourd’hui? Ça, c’est une autre question dont je n’ai pas la réponse. Mais si on a été 10e mondial, on ne peut pas avoir tout perdu. Après, sur le papier, je suis le favori. Pour le reste, on verra bien…
C’était le nom le plus ronflant sorti des qualifications, non?
Il y en a quelques-uns quand même. Je pense à Martin Klizan (NDLR : ex-24e mondial), Santiago Giraldo… Plus certains jeunes espoirs. Ce n’est jamais évident de jouer un qualifié. Ce sont des gars qui sortent de trois victoires, qui ont leurs repères. Et puis, c’est une grosse émotion de parvenir à sortir des qualifs. Je la connais, tout comme la confiance que cela peut procurer.
Comment vous sentez-vous? Vous êtes prêt pour un Grand Chelem?
Je l’espère. Je ne peux pas dire que j’ai réalisé la meilleure des préparations pour un tel tournoi. Mais j’ai fait le maximum de ce que je pouvais faire. Il y a des circonstances qui ont fait que je n’ai pas pu m’entraîner comme je le souhaitais. Et puis, mentalement, depuis maintenant 15 jours, on ne peut pas dire que j’ai vraiment ce rendez-vous en tête. Ce qui fait que je ne sais pas trop à quoi m’attendre lundi. J’espère être à la hauteur. En tout cas, je suis content d’être ici.
Vous avez pensé un moment à ne pas venir?
Non. Franchement, je n’y ai pas songé. J’ai vite annulé la semaine de préparation que je devais effectuer avant de rejoindre Paris, mais il n’a jamais été question de ne pas jouer Roland-Garros. Je pense que mon père aurait voulu que je joue ce Grand Chelem.
Vous avez peu joué et surtout peu gagné ces derniers temps. Vous vous sentez clairement en manque de confiance et de sensations?
Oui, on peut le dire. Comme vous le savez, depuis le début de l’année, c’est assez compliqué. Je manque de rythme, de confiance, de rencontres. Tout simplement parce que je n’en ai pas assez remporté. C’est simple, je pense que je dois en être à un tiers du nombre de matches joués à cette période-ci de la saison ces dernières années… C’est compliqué à vivre. Parce qu’à chaque fois, on repart sur un tournoi avec beaucoup d’espoir, après avoir bien bossé. Et puis, on se prend un claque. Pour le moral, ce n’est pas évident. Et derrière, on a, à nouveau, presque une semaine à attendre avant le prochain tournoi. On est dans le trou, déçu et un peu négatif. Cela demande pas mal d’énergie d’essayer de se relever. Et quand juste après, on se reprend une autre claque… Mais j’ai envie de sortir de ce trou. Et ma philosophie pour y arriver n’a pas changé : bosser dur. De manière aussi, à ne pas avoir de regrets.

« Je me mets souvent seul en difficulté, parfois en perdant bêtement un jeu…

Quand on regarde vos matches, on se dit souvent qu’il ne manque pas grand-chose. Voire que la saison dernière, vous les auriez sans doute remportés. À la longue, cela doit faire très mal, non?
Clairement. Surtout que je me mets souvent tout seul en difficulté. Parfois en perdant bêtement un jeu, en prenant un break à la con… Ou alors il y a ces moments où je joue très bien, où je me crée des occasions, sauve des balles de break… Bref, des moments très encourageants où je me dis : « ça y est, tu as trouvé le truc ». Et derrière, lorsqu’il faut conclure, cela ne va plus, je perds un peu le fil… C’est à la fois frustrant… et un peu encourageant. Car je joue quand même du bon tennis. Je ne me prends pas de « taules ».
Et quand on a 35 ans et qu’on vit une saison comme celle-là, on pense à un moment à tout plaquer?
Si je vous disais non, je mentirais. Cela m’a déjà traversé l’esprit. Comme ça a été le cas voici un an, deux ans, trois ans… Il y a toujours des moments difficiles où tu te demandes pourquoi tu fais encore ça. Mais je reviens toujours à la même conclusion : je vis quelque chose de fabuleux en pouvant disputer les plus grands tournois du monde. Beaucoup de points vont tomber bientôt, mais pour l’heure, je suis encore 34e joueur mondial. Ce serait dommage de tout plaquer. J’ai plutôt dans la tête de profiter de ce statut. Surtout que j’ai une grosse envie de jouer. Vous savez que je ne regarde pas beaucoup mon classement. Or, je l’ai fait en ce début de semaine. Et alors que je pensais être complètement à la rue, je me suis vu 93e à la Race (NDLR : le classement qui ne tient compte que des points glanés depuis le 1er janvier). Voici quatre ans, j’aurais signé des deux mains, en mettant les pieds avec si cela avait pu aider, pour obtenir un tel résultat. Je sais que j’ai parfois tendance à me mettre un peu trop de pression sur les épaules. J’ai envie de voir les choses de manière un peu plus relax. Ici, c’est mon dernier tournoi sur terre. Je n’y ai jamais brillé, avec seulement deux victoires dans le tableau final. Remporter une victoire sur cette terre battue peut tout changer. À commencer par mon moral.
Qu’est-ce qui serait pour vous un bon résultat à Roland-Garros?
Je serais déjà très content de remporter une partie. Après, si je pouvais partir d’ici en me disant que j’ai livré un match « complet », solide du premier au dernier point en développant mon jeu, ce serait déjà très bien.

Entretien avec Julien Carette, à Paris