Pluies suivies de fortes chaleurs, et nous voilà cernés par les moustiques. Pour l’instant, ils sont embêtants, mais inoffensifs. Cela pourrait changer avec l’aide du réchauffement climatique.
« Jamais nous n’avions vu autant de personnes venir pour des piqûres de moustique », annonce un pharmacien d’Esch-sur-Alzette. Les rayons des pharmacies et supermarchés sont bien achalandés en répulsifs en tous genres. Autour de la machine à café des entreprises, les discussions vont bon train sur le sujet : « Encore piqué cette nuit, ça fait dix jours d’affilée, ça ne m’était jamais arrivé ici. » Voilà de quoi piquer notre curiosité.
Le Dr Pierre Weicherding, chef de division de la division de l’Inspection sanitaire, a accepté de répondre à nos questions. « Nous n’avons pas de chiffres, mais lorsqu’il y a une période très humide, puis très chaude, comme cela a été le cas cette année, cela amène beaucoup plus de moustiques. »
Alors que peut-on faire pour que cette petite bête ne vienne pas nous persécuter tout l’été? « Il faut être conscient d’une chose, le moustique se multiplie très vite. Chez tous les moustiques, la femelle doit avoir de l’eau pour pondre ses œufs. Il faut donc éliminer l’eau qui stagne, comme les flaques d’eau ou celle retenue dans les coupelles sous les pots de fleur. Dans les étangs c’est moins grave, car il y a des prédateurs, ce n’est pas le cas dans l’eau stagnante. Vous voyez alors apparaître des petits vers noirâtres qui se développent dans l’eau. Ce processus va très vite et ensuite les moustiques ne volent pas très loin de là où ils sont nés, pas au-delà de 50 à 200 mètres. Les gens ne pensent pas à cette prévention car nous ne vivons pas dans une région où il y a des maladies tropicales transmises par les moustiques. »
Le moustique tigre n’est pas encore là
Pas de maladies tropicales pour l’instant, mais de plus en plus de conditions deviennent réalité pour qu’elles s’introduisent dans nos régions. Le moustique tigre n’est pas encore présent au Grand-Duché, assure le docteur, du moins « il n’a pas été détecté. Mais il se peut qu’un jour ou l’autre ce soit le cas. La région la plus proche où il s’est installé de façon durable c’est dans le Haut-Rhin et Bas-Rhin (Alsace). Avec le temps, il se peut qu’il soit importé ici. »
Selon lui, le long de l’autoroute « on retrouve toute une panoplie de moustiques véhiculés par des camions. Ils sont notamment transportés par les camions sur de vieux pneus qui avant de prendre la route ont été entassés pendant des semaines ou des mois dans des dépôts dans le Sud. Nos collègues belges avaient fait une étude et avaient trouvé différentes espèces exotiques. Ils avaient également fait le test à Steinfort, près de la frontière. » Mais heureusement pour le moment ces espèces, arrivées chez nous presque par hasard, ne survivent pas très longtemps dans nos contrées. Le froid de l’hiver les empêche de s’installer définitivement. « Leurs conditions de survie ne sont pas réunies », rassure le Dr Weicherding.
Pourtant, beaucoup de personnes sont persuadées d’avoir déjà croisé un moustique tigre au Luxembourg, certains ont même amené des spécimens au musée d’Histoire naturelle l’an passé. Une confusion qui s’explique facilement : « Il est difficile, voire impossible de distinguer le moustique tigre à l’œil nu. Car il y a d’autres moustiques qui vivent ici qui ont des traits blancs. On peut faire la différence uniquement au microscope. »
Autre aspect rassurant : « Les maladies qu’ils transmettent ne sont pas encore arrivées au Luxembourg. Ici, il n’y a pas de personnes qui ont, par exemple, la dengue. Mais avec le changement climatique cela pourrait changer. »
Et la fièvre du Nil ?
Une autre menace liée aux moustiques se précise particulièrement : la fièvre du Nil. « Le moustique qui la transmet vit déjà ici », indique le chef de division de l’Inspection sanitaire. Malgré la connaissance de ce risque, il n’y a pas grand-chose à faire pour s’en prémunir : « Nous n’avons pas de moyens pour agir contre lui. En France, on a essayé par tous les moyens d’empêcher l’installation des moustiques qui posent problème, mais ça ne fonctionne pas. Par contre, nous avons déjà averti les médecins et la seule chose que nous pouvons faire c’est de tester les gens précocement pour détecter la maladie le plus tôt possible. »
Pour éviter d’être piqué, il y a une solution efficace : « Les répulsifs qui fonctionnent bien ont une légère toxicité. Mais si on les prend en petite quantité, seulement durant une période de l’année, il n’y a pas de risque. Par contre, au niveau européen, on essaye de restreindre son utilisation, car si on vit dans un pays où les moustiques sont présents sans cesse et que l’on en met régulièrement, cela reste un produit chimique. » Quant à la citronnelle, « elle n’est pas toxique mais elle n’agit pas longtemps », conclut le docteur.
Audrey Libiez