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Mort de Rafael : le parquet requiert 16 ans de prison contre Shayne


L’endroit à l’air paisible et pourtant les apparences sont trompeuses.

Les larmes de Jason, une fois cette dernière audience levée, résumaient toute la tension de ce procès et la douleur des parties. Le soulagement du prévenu aussi, après une semaine difficile.

«Shayne est la seule personne responsable de la mort de Rafael», lance Me Wies. «Rafael a fait une bêtise, nous l’avons tous compris (…), mais rien de ce qu’il a pu faire ne justifie ce qui lui est arrivé.»

Le 26 janvier 2021, le jeune homme de 18 ans est décédé d’un coup de couteau dans le cœur à Bonnevoie. Jason et lui avaient voulu jouer un tour à Filipe et Shayne : un faux deal de drogue dont le but était de dépouiller Filipe de son cannabis. Les deux amis n’avaient pas imaginé que les deux autres seraient armés de couteaux.

Des coups sont échangés de part et d’autre jusqu’à ce que «les armes entrent en jeu». Shayne a frappé «un coup direct, droit et net dans le cœur», selon le représentant du parquet qui se base sur les éléments objectifs du dossier, soit le rapport d’autopsie.

«Quand on emporte un couteau, on prend le risque de s’en servir.» On ne le répètera jamais assez dans les tribunaux. Pour le magistrat, Shayne doit être reconnu coupable du meurtre de Rafael ainsi que du coup de couteau dans l’aine de Jason. Shayne aurait dit à Filipe avoir frappé deux fois.

Une erreur de jeunesse due, selon le magistrat, à un manque de maturité qui amène Shayne face à une chambre criminelle pour être jugé comme un adulte.

Toutefois, le jeune âge du prévenu doit être pris en compte comme circonstance atténuante pour l’établissement de la peine, selon le parquetier qui a requis une peine de 16 ans de réclusion criminelle à son encontre assortie en partie d’un sursis qui ne devra pas excéder la moitié de la peine.

Le magistrat a requis une peine de 6 mois de prison assortie du sursis intégral à l’encontre de Jason pour coups et blessures. «Il s’est mis lui-même dans une situation dangereuse et a contribué à la faire dégénérer.»

Dans la peau d’un ado

«Il faut se mettre dans la peau d’un ado au moment des faits», conseille Me Lentz, l’avocat de Shayne. «Il était impressionné par l’agressivité» de ses opposants. «Il n’a jamais envisagé d’en arriver là et ne voulait pas.»

L’avocat a prié le tribunal de ne pas retenir l’intention de donner la mort. «Il n’y a pas assez d’éléments pour conclure au meurtre.» Son client aurait «réagi par réflexe, instinct et peur. Il était désorienté». De plus, il n’y a pas eu de menaces de mort. «Il a juste voulu garder Rafael à distance dans un geste de défense» en balayant l’air avec son couteau.

L’avocat ne partage pas du tout l’avis du parquet. Il met la légitime défense ou l’excuse de la provocation sur le tapis. «Shayne a été agressé par Rafael» et s’est «raisonnablement senti en péril». «Il y avait la présence de Rafael et l’ambiance générale. Il y a proportionnalité des moyens en raison du contexte», développe l’avocat.

Shayne a paniqué et ne se souvient pas avoir poignardé Jason. «Il y a un doute et mon client doit être acquitté», poursuit Me Lentz qui balaye les hypothèses et en soulève de nouvelles. «Il a très bien pu être touché par Filipe.» Assis sur le banc des accusés, Jason fait non de la tête. À côté de lui, Shayne accuse le coup.

En ce qui concerne la peine, Me Lentz s’inspire d’une décision de la Cour de cassation pour faire valoir que le placement de Shayne à l’Unisec – pendant 4 mois jusqu’à ses 18 ans – est à considérer comme une sanction et que le tribunal ne peut plus le condamner, juste émettre un jugement de culpabilité. Il est interdit de condamner une personne deux fois pour un même crime. Il fait également valoir des circonstances atténuantes et le dépassement du délai raisonnable.

Le procureur est d’un avis contraire; le placement avait pour but de «protéger, éduquer et réinsérer», ce n’était pas une mesure pénale. Il s’oppose également à la légitime défense et à l’excuse de provocation soulevées par les avocats de la défense.

Deux contre un

Jason est, quant à lui, toujours très affecté par les faits. Il s’est écroulé en pleurs une fois l’audience levée après avoir essuyé des larmes furtives pendant toute l’audience de vendredi matin. Son ami est mort dans ses bras et «il n’a pas oublié certaines images».

«Il s’est défendu comme il pouvait avec ses poing et la matraque», a constaté son avocate, Me Feith. «Il a eu de la chance de ne pas y passer lui aussi ce soir-là.» Son seul tort serait d’avoir eu l’instinct de survie face à Filipe, armé d’un couteau, selon l’avocate. «Il savait de quoi ils étaient capables. Rafael était à terre. Ils étaient à deux armés de couteaux contre lui.»

Elle plaide, elle aussi, la légitime défense et l’excuse de provocation alors qu’il était le seul à ne pas être armé et n’a pas initié l’agression. «Je demande son acquittement ou le cas échéant, la peine la plus basse possible assortie du sursis intégral.» Ou du travail d’intérêt général.

Les deux prévenus, qui ont présenté leurs excuses à la famille de Rafael présente dans la salle toute cette semaine, seront fixés sur leur sort le 13 novembre.