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Mort de Marcel Azzola, accordéoniste des grands de la chanson française


Nombreux sont ceux qui connaissent sans le savoir ce génie de l'accordéon (à gauche sur la photo) grâce aux musiques de films de Jacques Tati et à la chanson Vesoul de Jacques Brel. (archives AFP)

« Chauffe, Marcel chauffe ! » Avec la mort de Marcel Azzola, à l’âge de 91 ans, disparaît un très grand « Monsieur » de l’accordéon, qui a donné en France un souffle nouveau à l’instrument en l’emmenant vers le jazz.

« Son cœur a lâché » lundi matin, chez lui à Villennes-sur-Seine dans les Yvelines, a annoncé Lina Bossati, sa compagne de scène puis de cœur. Nombreux sont ceux qui connaissent sans le savoir ce génie de l’accordéon grâce aux musiques de films de Jacques Tati et à la chanson Vesoul de Jacques Brel. Marcel Azzola est entré de plain pied dans la légende avec son chorus d’accordéon époustouflant sur ce titre, en 1968, et le fameux « Chauffe Marcel, Chauffe ! » que lui avait alors lancé, survolté, Jacques Brel pendant l’enregistrement.

Outre ce morceau de bravoure, le musicien a aussi contribué à faire progresser l’accordéon d’un point de vue technique et lui a donné un souffle nouveau en « osant le jazz », selon l’expression de Philippe Krümm, responsable du magazine Accordéon Accordéonistes. Ses héritiers le vénèrent : « Il a toujours été un point de mire », affirme Richard Galliano. « Marcel, c’est une figure emblématique pour ma génération », estime Francis Varis. Son jeu tout en nuances, « dans lequel on ne trouvera jamais une trace de vulgarité » (dixit Francis Varis) et son phrasé « avec une dynamique très particulière, très bebop » (Richard Galliano) forçaient l’admiration.

Avec Fréhel et Piaf

Né le 10 juillet 1927 dans le XXe arrondissement de Paris, de parents immigrés italiens installés à Pantin, le petit « Marcello » a été sensibilisé très tôt à la musique. Après le violon, son père, maçon et musicien amateur, l’oriente vers l’accordéon. Attilio Bonhommi, son second professeur, lui a inoculé l’amour de cet instrument. Après son premier concours en 1937, il accompagne l’année suivante au débotté la chanteuse réaliste Fréhel lors d’un radio-crochet. Sa carrière est lancée.

Depuis les années quarante, en se perfectionnant auprès de Médard Ferrero, « Il Professore », il a promené son piano à bretelles partout, de brasseries en dancings, de studios en Six Jours cycliste au Vel’d’Hiv, de tournées avec Yves Montand en aventures dans le jazz, de duos en grands orchestres. Sa culture classique, son habileté à déchiffrer, ont fait de lui dès la fin des années 40 un accordéoniste de studio très demandé.

En 1949, il participe à l’enregistrement de Sous le Ciel de Paris d’Édith Piaf. Puis vinrent Gilbert Bécaud, Barbara, Boris Vian, Mouloudji, Juliette Gréco, Francis Lemarque, Yves Montand, entre autres… L’accordéon de Marcel Azzola parcourt aussi la bande-son de nombreux films, comme cette petite mélodie accompagnant M. Hulot sur son solex dans Mon Oncle de Jacques Tati. Il a aussi côtoyé les rois du musette : Gus Viseur, et surtout Tony Murena. Il a également fait du bal, animé plusieurs Six Jours cycliste au Vel’d’Hiv, un événement « people » à l’époque, suivi trois Tours de France dans la caravane…

« Une classe folle »

Sa technique lui a aussi permis de se glisser avec aisance dans le monde du jazz, aux côtés de Stéphane Grappelli, Dany Doriz ou Toot Thielemans, et d’être un acteur du rapprochement entre jazz et musette dans les années 80. Professeur à l’École de musique d’Orsay pendant vingt ans, il a milité depuis les années 70, avec ses collègues Joe Rossi, Joss Baselli et André Astier, pour la reconnaissance de l’accordéon. Aboutissement de cet acharnement : l’inscription de cet instrument au Conseil national supérieur de musique de Paris en 2002.

Ce musicien de grande classe se doublait d’un homme charmant, loué pour sa gentillesse et sa modestie. « Il a toujours eu du respect pour les gens », assure Philippe Krümm. Statufié au Musée Grévin de 1969 à 1981, proposé pour la Légion d’Honneur qu’il avait refusée, Marcel Azzola souffrait depuis très longtemps de la Maladie de Dupuytren à la main droite. Le mal s’étant accentué, son activité s’était singulièrement réduite ces dernières années. Il passait l’essentiel de son temps dans la gentilhommière de Villennes-sur-Seine qu’il partageait avec Lina Bossatti, pianiste et violoniste talentueuse.

LQ/AFP