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Mort de Fidel Castro : les Cubains entament une semaine de deuil national


photo AFP

Passée la commotion de l’annonce du décès de Fidel Castro, les Cubains devaient dimanche observer une semaine de deuil ponctuée de plusieurs cérémonies d’hommage et d’une procession de quatre jours pour honorer le père de la Révolution cubaine.

Point culminant de ces célébrations, les funérailles du « Comandante », personnage unique qui a forgé l’identité de l’île caribéenne et l’a fait entrer dans les livres d’Histoire, se tiendront le dimanche 4 décembre à Santiago de Cuba, dans l’est, berceau de la Révolution.

Auparavant, le transfert des cendres de Fidel Castro de La Havane à Santiago – quelque 900 kilomètres – lors d’une procession de mercredi à samedi devrait constituer un autre moment fort avec la probable mobilisation de millions de Cubains.

« C’est un grand leader, on aurait dû décréter 30 jours de deuil, vraiment », s’emportait le boucher Andy Lores dans le quartier populaire du Cerro, dans le sud de La Havane.

La journée de dimanche s’annonce plutôt calme sur l’île, aucune manifestation officielle n’étant prévue. La première cérémonie de recueillement a été programmée pour lundi sur l’emblématique Place de la révolution, dont les accès sont barrés par la police depuis samedi.

Partout à Cuba, l’annonce de la mort du « Lider Maximo » à l’âge de 90 ans a été accompagnée par un épais silence, notamment à La Havane, d’ordinaire agitée par le tumulte de la musique omniprésente et des moteurs pétaradants.

De petits groupes se formaient discrètement ça et là dans les rues, notamment aux abords des universités. A La Havane, quelques centaines d’étudiants se sont notamment recueillis samedi soir lors d’une veillée nocturne devant la Faculté où le Comandante avait fait ses premières armes en politique à la fin des années 1940.

Deuil national oblige, rassemblements et spectacles ont été annulés. Les matches de baseball ont été suspendus et la vente d’alcool interdite, alors que la plupart les restaurants ont réduit leurs heures d’ouverture. Une présence policière était visible tout en demeurant discrète dans la capitale.

Les médias nationaux programmaient reportages, documentaires et débats à la gloire du « camarade Fidel ».

La crémation tenue secrète

Parmi les 11,2 millions d’habitants de l’île, beaucoup ne dissimulaient pas leur peine face à la perte de ce géant du XXe siècle, qui a su tenir tête pendant près d’un demi-siècle à la superpuissance américaine.

Car même s’il a maintenu une main de fer impitoyable pour faire taire toute opposition, emprisonnée ou exilée, et que la ferveur révolutionnaire a eu tendance à s’estomper, l’ex-président retiré du pouvoir depuis 10 ans demeurait très respecté et admiré sur l’île.

« J’aurais souhaité qu’il vive 30 ans de plus, mais bon, personne ne peut battre le destin », a notamment confié à l’AFP Guillermo Suarez, un maçon de La Havane.

Mais des Cubains exprimaient aussi le sentiment d’incertitude dans lequel les a plongés la mort du « lider maximo ».

« Fidel était le protecteur de l’île, il s’occupait de tout », dit Indiana Valdes, une employée de banque, « on ne sait pas s’il y aura des changements ».

« Est-ce que le socialisme survivra à Fidel », s’interroge cette femme en évoquant « toutes ces années » passées sous le règne des Castro. « Je ne sais pas », dit-elle en haussant les épaules.

Pour Armando Lobaino, un chauffeur de taxi qui avoue avoir pleuré à la mort de Castro et a du mal à trouver des clients, « les choses étaient en train de changer peu à peu » mais pour la suite « tout dépendra de ce qui se passera au sommet » du Parti communiste.

Le « Lider Maximo » avait cédé le pouvoir à son frère Raul en 2006 après une hémorragie intestinale. Entre février 2014 et avril 2015, il avait totalement disparu des écrans cubains, ce qui nourrissait de nombreuses rumeurs sur son état de santé. Mais depuis un an et demi, même si ses déplacements restaient limités, il avait recommencé à recevoir chez lui personnalités et dignitaires étrangers.

A l’ombre de son frère, Raul Castro a engagé depuis 10 ans un lent processus de réformes économiques destinées à sauver Cuba de la faillite avec une ouverture accrue à l’initiative privée et à l’investissement étranger.

« Le socialisme a survécu à la longue maladie de Fidel Castro et il continuera certainement après sa mort », juge Jorge Duany, directeur de l’institut de recherche cubaine à l’université internationale de Floride.

Toutefois, l’expert estime que ce décès « accélérera probablement les réformes économiques ». Mais « il faudra sûrement attendre le retrait de la présidence de Raul, annoncé pour 2018, pour évaluer plus clairement s’il y aura des changements substantiels à la tête » de l’Etat, ajoute-t-il.

« Dictateur » ou « figure historique » ?

Pour la deuxième nuit consécutive, des Cubains de Miami ont célébré dans leur quartier de « little Havana » la mort de Fidel Castro, jusqu’à l’aube dimanche.

« Je ne me fatigue pas de faire la fête (…) parce que je pensais que ce moment n’arriverait jamais », dit Delsy, une femme célébrant devant le Café Versailles, point de ralliement depuis des décennies des exilés cubains.

« Fidel, toi le tyran, emmène aussi ton frère », scandaient certains exilés dans une cacophonie de klaxons, tambours et chansons.

L’annonce de la mort de cette figure centrale de la Guerre froide a déclenché une pluie de réactions à travers le monde.

Le président élu des Etats-Unis Donald Trump a dénoncé un « dictateur brutal qui a opprimé son propre peuple », promettant de « tout » faire pour contribuer à la liberté du peuple cubain, et confirmant à demi-mot ses réserves sur le rapprochement engagé depuis fin 2014 entre les Etats-Unis et Cuba.

« L’Histoire jugera l’impact énorme » de Fidel Castro, a auparavant déclaré le président américain Barack Obama, ajoutant: « Nous avons travaillé dur » pour tourner la page de la « discorde ».

Le président russe Vladimir Poutine a quand à lui salué un « homme d’Etat émérite » et « un ami sincère et fiable de la Russie », tandis que le roi d’Espagne rendait hommage à une « figure d’une indiscutable importance historique ».

Le Quotidien /AFP