Sans sourciller, ils avaient suivi les récits des victimes du braquage avec séquestration et prise d’otage fin 2012. Depuis mercredi, les prévenus se trouvent sous le feu des questions de la 13e chambre criminelle. Dans cette affaire, l’argent semble avoir fait tourner la tête à tout le monde.
«Alors, comment étiez-vous habillé? Vous deviez représenter un prince des Émirats…» La question qui était sur toutes les lèvres a fini par tomber mercredi après-midi, au 5e jour du procès, lors de l’audition du prévenu Ali A. (48 ans). C’est la parquetière qui s’en est saisie. Pull-over blanc, cheveux foncés attachés en queue-de-cheval et lunettes sur le nez, le quadragénaire a lâché laconiquement : «J’étais habillé normalement, comme aujourd’hui. Je n’étais pas au courant pour le prince. Je ne le connaissais pas non plus.»
Ali A. a fini par reconnaître à la barre les faits qui lui sont reprochés. Mais à l’entendre, c’est Redda B. qui aurait eu l’idée de ce braquage. Lui n’aurait qu’«accepté», «sans avoir aucun détail» sur cette histoire de transaction de bijoux de luxe pour un prince arabe qui devait se terminer en un braquage avec séquestration et prise d’otage dans une fiduciaire rue de Mühlenbach.
En débarquant au Grand-Duché, les deux hommes, qui se sont connus en 2010 à la prison d’Avignon-Le Pontet, n’en sont pas à leur premier braquage. Mi-octobre 2012, alors que Redda B. est en cavale, le duo a récolté quelque 80 000 euros à l’hôtel Concorde-Montparnasse. «Comme cela s’était bien passé à Paris, j’étais en confiance!», indique Ali A.
«J’avais de grands trous sur mon CV»
Le 12 décembre 2012 au soir, Redda B. lui aurait refilé des armes factices pour intimider deux à trois personnes qui allaient ramener de l’argent. Voilà sa mission. Mais ce n’est pas tout à fait la tournure qu’avait pris le braquage. «Et vous n’avez jamais eu peur d’être pris? Vous étiez en compagnie d’un homme en cavale…», a tenté de le titiller la présidente.
– «Je venais de sortir de prison. J’avais de grands trous sur mon CV au niveau professionnel. À l’époque, je pensais que c’était la seule solution.»
Après avoir relâché l’otage à Paris, le duo était en possession de plus de 140 000 euros en liquide et de nombreuses montres de luxe. N’empêche, insiste Ali A., il n’aurait pas touché l’ensemble de son dû. Il aurait préféré ne prendre que 20 000 euros. Par prudence : «S’il se passait quelque chose en route, je n’avais pas tout sur moi.»
C’est par étapes qu’il aurait récupéré le reste de sa part de butin. Soit 40 000 à 50 000 euros au total. À la parquetière qui avait exprimé ses doutes quant à son dernier voyage en Espagne lors duquel il aurait ramené en avion une sacrée somme et une montre, alors qu’à Paris en voiture il avait été méfiant, il a rétorqué : «Je n’avais pas de problème pour payer deux billets d’avion à 200 euros afin de récupérer une grosse somme. J’en avais marre d’attendre de l’autre côté de la Méditerranée et de ne rien savoir.»
«J’avais 26 ans, je ne pensais qu’à l’argent»
Après les faits, Redda B. menait en effet la grande vie à Malaga en Espagne. C’est là qu’il avait été arrêté mi-janvier 2013. Avant, il avait réussi à filer une bonne partie du butin à Daniel V. (33 ans). Bijoutier à Marbella, le trentenaire est poursuivi aujourd’hui pour avoir recelé une partie des bijoux volés. À la barre, il a déclaré qu’on lui avait présenté Redda B. comme un «homme d’affaires parisien» qui aurait voulu ouvrir… un bar à milk-shakes. Ce n’est pas tout à fait la version qu’il avait livrée au juge d’instruction. Là, il avait parlé d’un homme d’affaires qui voulait investir dans les luminaires et dans les chaussures de sport de luxe. Ensuite, il était apparu avec les montres et bijoux. «Il ne peut être tout à la fois», remarquera la présidente.
Dans une chambre d’hôtel à Paris, Redda B. lui aurait présenté sa collection de montres. «Si j’avais su qu’elles venaient d’un braquage au Luxembourg, je n’aurais rien vendu», s’est défendu Daniel V. Alors que Redda B. lui avait demandé 190 000 euros, il avait évalué les montres à 1,2 million… Bref, tous les ingrédients étaient réunis pour qu’il ait la puce à l’oreille.
«Mais à l’époque, j’avais 26 ans et je ne pensais qu’à l’argent à gagner et je voulais montrer à mon père que je pouvais m’en sortir seul», dira-t-il.
«Décidément, tout le monde ne pense qu’à l’argent dans ce dossier», finira par constater la présidente. Suite du procès ce jeudi après-midi avec l’audition de Redda B. (49 ans) et celle de Mohamed F. (38 ans), le second prévenu poursuivi pour recel.
Fabienne Armborst
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