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Monsanto condamné à verser 2 milliards de dollars à un couple malade


(illustration AFP)

Troisième revers judiciaire majeur pour le Roundup et son fabricant Monsanto, absorbé l’an dernier par l’allemand Bayer : un jury américain l’a condamné à verser 2 milliards de dollars à un couple de septuagénaires atteints d’un cancer.

Ce jugement record intervient alors que Bayer est aux prises avec une polémique en France autour d’un fichage – par une agence de communication employée par Monsanto – de centaines de personnalités concernant leur position sur les OGM ou le glyphosate, des révélations qui ont conduit à l’ouverture d’une enquête. Bayer, enlisé selon la presse allemande dans le « champ de mines » judiciaire qu’est Monsanto, perdait encore 2,55% à 55 euros mardi à la Bourse de Francfort. Le chimiste allemand a vu s’évanouir près de 45% de sa capitalisation depuis qu’il a racheté le groupe américain en juin 2018 pour 63 milliards de dollars.

Lundi, un jury d’Oakland, près de San Francisco, a accordé deux milliards de dollars aux époux Pilliod, tous deux atteints d’un lymphome non-hodgkinien, au titre de dommages « punitifs » destinés à sanctionner Monsanto. Bayer, qui s’est dit dans un communiqué « déçu » et compte faire appel, affirme toujours que le Roundup et son principe actif, le glyphosate, sont sans danger. Très lucratif, cet herbicide est vendu dans le monde entier depuis une quarantaine d’années.

« Malveillance, oppression »

« Nous aurions aimé que Monsanto nous prévienne, qu’il y ait quelque chose sur l’étiquette qui dise que cela pouvait causer le cancer, nous ne l’aurions pas utilisé », a déclaré d’une voix faible Alberta Pilliod, qui se déplace avec une canne comme son mari, lors d’une conférence de presse à San Francisco. Le couple a commencé à utiliser le Roundup en 1982. Son mari a été diagnostiqué en 2011 et elle en 2015. « Ils ont vu les publicités à la télé et pensaient qu’ils pouvaient faire confiance à l’entreprise, ils avaient tort », a assené un de leurs conseils, Michael Miller.

Ce jugement est « le plus clair possible (…) : Monsanto doit changer son comportement », a aussi déclaré un autre avocat, Brent Wisner, ajoutant que « Bayer avait fait une erreur » en rachetant Monsanto. Bayer a rappelé lundi que l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) avait réaffirmé fin avril que le glyphosate n’était « probablement pas cancérigène pour les humains ». Accusant l’EPA et Monsanto de collusion, Me Wisner a affirmé que « l’EPA ne travaille pas pour le peuple américain, elle travaille pour Monsanto ».

Le jury a aussi accordé 55 millions de dollars aux Pilliod à titre compensatoire (pertes économiques, préjudice moral…). « Le jury a estimé que l’exposition au Roundup a causé le cancer des Pilliod et que Monsanto avait failli à l’obligation de prévenir de ce grave danger pour la santé. Surtout, le jury a également reconnu que Monsanto avait agi avec malveillance, oppression ou fraude et devait être puni pour son comportement », a souligné dans un communiqué la firme Baum, Hedlund, Aristei & Goldman, un des cabinets qui défendaient le couple.

Ce procès s’était ouvert fin mars, juste après la condamnation – pour les mêmes raisons – de Monsanto à verser 80 millions de dollars à un septuagénaire.

13 400 procédures

En août, Monsanto avait déjà été condamné à verser 289 millions de dollars à un jardinier atteint lui aussi de ce cancer, une somme réduite ensuite à 78 millions par une juge. L’horizon s’assombrit donc encore pour Bayer, qui faisait face fin avril à 13 400 procédures visant le seul glyphosate aux États-Unis. Le 26 avril, les actionnaires de Bayer ont d’ailleurs infligé au groupe un rare désaveu en votant contre sa direction, lors de la première assemblée générale tenue après le coûteux rachat de Monsanto.

Le chimiste allemand martèle depuis l’été dernier qu’aucun régulateur dans le monde n’a conclu à la dangerosité du glyphosate depuis sa mise sur le marché au milieu des années 1970, et met en avant « 800 études rigoureuses » sur ses effets. Le Centre international de recherche sur le cancer, une émanation de l’OMS, a considéré en 2015 que le glyphosate était « probablement cancérigène », mais pas l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ou l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

LQ/AFP