La réunion sur la mobilité transfrontalière, qui s’est déroulée vendredi à Metz, a permis de faire un pas de côté sur les problèmes de transport entre la Lorraine et le Grand-Duché. Avec une réflexion sur l’origine de tous ces bouchons : la trop grande disparité économique entre les territoires.
Différents groupes de travail ont restitué leurs réflexions à la ministre chargée du transports en France, Élisabeth Borne. On a pu entendre de nombreuses thématiques connues, à propos des problèmes de transport entre la Lorraine et le Luxembourg : favoriser le covoiturage, les plateformes multimodales, penser les transports à l’échelle de la Grande région etc.
Mais c’est bien l’enjeu d’un meilleur codéveloppement qui est apparu comme « nouveau » dans les discours des frontaliers eux-mêmes.
En poussant le modèle jusqu’à l’absurde, vu les distorsions de compétitivité fiscale entre les deux territoires, on connaît déjà la fin de l’histoire : tous les Lorrains finiront frontaliers au Grand-Duché… C’est grossir le trait, évidemment : ils ne sont « que » 102 000 (soit 20 nouveaux frontaliers par jour ouvré de travail !). On peut donc légitimement s’interroger sur la façon de mieux maîtriser ce flux, puis qu’aucune solution de transport ne semble convenablement y répondre.
Pour traiter le problème à la racine
On a pu entendre différentes propositions de la part des groupes, avec le sentiment qu’il faut rééquilibrer le dynamisme économique pour traiter le mal à la racine. Voici quelques interventions entendues :
• « Réduire les écarts économiques et sociaux des entreprises sur le territoire, afin de favoriser un rééquilibrage de l’attractivité des différents secteurs sur la Grande-Région. On peut penser aux zones franches fiscales, soit le long de la frontière, soit plus à l’intérieur des territoires, selon la volonté de rééquilibrage. L’harmonisation fiscale et la certification des démarches administratives sont en jeu. »
• « Créer une instance politique supra-nationale avec un budget propre qui lui permette de remplir ses missions ».
• « Arrêter le cercle vicieux des flux de mobilité qui grandissent plus vite que la capacité des transports publics, avec différents axes autour de ce défi […] Dont un travail à la source sur le codéveloppement du territoire, avec une solution de rétrocession fiscale d’une partie de l’impôt des frontaliers, comme cela se fait dans le canton de Genève (envers les départements français) par exemple. Le montant de ressources serait estimé pour le territoire lorrain à environ 160 millions d’euros par an. »
On peut ajouter ici, qu’en assumant seule les frais de résidentialisation des frontaliers — école, ramassage des ordures etc.— la France finance la compétitivité fiscale du Luxembourg, qui est donc toujours plus attractif, qui attire donc toujours plus de frontaliers etc.
• « Les déplacements transfrontaliers quotidiens, finalement, résulte d’un développement économique différencié entre les territoires. Si les gens vont travailler au Luxembourg depuis la Lorraine, c’est parce qu’ils y trouvent des avantages, mais ce n’est pas simplement pour le choix d’y aller… Il faut revoir les politiques d’aménagement du territoire, en matière d’emploi notamment, avec des conditions fiscales plus harmonisées » (qui permettraient de travailler près de son lieu de vie).
Pour traiter le problème en sortie de flux
Évidemment, le moteur de l’emploi frontalier comptera toujours, même dans l’optique de territoires rééquilibrés. D’où quelques propositions fortes entendues sur la mobilité au sens plus stricte, que nous illustrons avec des exemples tirés de précédentes conférences sur la mobilité :
• « Penser l’urbanisme autrement, mieux accompagner les collectivités locales dans leurs choix. » (On peut illustrer ici, avec le problème de l’étalement urbain des villages de frontaliers qui rajoutent aux distances résidence / lieu de travail).
• « Mettre au point un RER (train de banlieue français) entre Nancy-Metz-Thionville et Luxembourg. » Sur cette voie propre, aucun train de fret ni aucun TGV ne peuvent circuler, ce qui évite les retards de gestion des flux. La ministre Élisabeth Borne est visiblement favorable à cette initiative, qui reste embryonnaire.
• « Créer les conditions d’un changement culturel dans la manière de se déplacer » ( Exemple : l’image encore trop « alternative » du covoiturage).
• « Abaisser la mobilité inutile et la rendre qualitative. » (Exemple : La culture du présentéisme dans les entreprises est un frein au télétravail… mais pourquoi un employé qui reste derrière un écran toute la journée devrait faire 150 bornes par jour ?)
• « Accorder un plus grand pouvoir décisionnel à la région Grand-Est pour négocier avec le Luxembourg ».
La Ministre Élisabeth Borne a redit l’enjeu d’une « responsabilité forte dans le rapprochement entre l’Europe et les citoyens », notamment dans des problèmes quotidiens. Elle s’est au passage excusée de l’horaire mal choisi (16h30, pour des frontaliers…) et a promis une restitution des travaux.
Une grande partie des échanges est à retrouver dans la vidéo ici.
Hubert Gamelon