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Mobilité et emploi : «Une personne sur quatre travaille dans sa commune»


Un tiers des emplois du pays étant situé à Luxembourg, améliorer la mobilité et la qualité de vie des travailleurs s’avère difficile. (Photo : editpress/hervé montaigu)

Un rapport du DATer et du LISER publié ce lundi illustre les entraves à une meilleure mobilité des travailleurs, l’emploi étant concentré dans des zones déjà congestionnées : la capitale et près des frontières.

Abordée en long et en large en raison de sa dimension transfrontalière, la mobilité des travailleurs au Grand-Duché ne cesse d’être passée au peigne fin. Cette fois, c’est au tour du Département de l’aménagement du territoire (DATer) et du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (Liser) de publier un rapport mêlant emploi, lieu de travail, lieu de résidence et flux de déplacements. Rien de neuf au premier coup d’œil, tant ces thématiques sont régulièrement analysées par le Statec.

Et pourtant, «cette note a quelques points forts par rapport à d’autres qui sont régulièrement publiées par le Statec » annonce Antoine Decoville, chercheur au Liser, en prenant pour exemple la dernière publication de l’institut national de statistiques parue en avril 2024 sur les déplacements domicile-travail. «Cette note était concentrée sur les réponses données lors du recensement de la population en 2021 et ne concernait donc que les déplacements des résidents. Or, une grande partie des emplois des pays sont pourvus par des frontaliers.»

Le travail du DATer et du Liser permet, lui, d’offrir une vue globale sur la mobilité de tous les travailleurs et se base sur des données de 2023, plus récentes et plus précises grâce «à des fichiers administratifs produits par une collaboration entre l’Administration des contributions directes ACD), le Statec et le DATer». Basé sur le système d’information géographique TomTom, le calcul des distances est, lui aussi, plus rigoureux.

«L’aire d’attraction s’est élargie»

En somme, tous les curseurs d’analyses ont été poussés afin de mettre en évidence les disparités en matière d’emploi et de mobilité. L’une des plus évidentes concerne la distance moyenne effectuée entre le domicile et le lieu de travail. Sur ce plan, ce sont les travailleurs belges qui roulent le plus en réalisant 53,9 km pour le seul trajet aller. Les Allemands sont à la deuxième place avec 48 km et les Français troisièmes avec 44,7 km. Toutes nationalités confondues, un frontalier parcourt donc 97,6 km pour un trajet aller-retour, contre 33,4 km pour un résident.

 

Lieu de résidence des frontaliers en 2023 (DATer)

D’après Valérie Feltgen, analyste de recherche au Liser, la tendance n’est pas à la réduction des distances puisque l’«on observe que l’aire d’attraction s’est élargie sur ces dix dernières années». Par rapport aux données de 2014, l’aire urbaine fonctionnelle comprend de nouveaux territoires en Wallonie, Lorraine et Rhénanie-Palatinat, tous toujours plus loin des frontières du Grand-Duché.

Évidemment, le salaire est la principale raison qui pousse les frontaliers à accumuler les kilomètres, mais pas seulement. Avec un ratio du nombre d’emplois par habitant qui s’élève à 0,76, le pays est champion d’Europe en la matière, loin devant son dauphin Malte (0,53) et la moyenne européenne (0,44).

En 13 ans, le nombre d’emplois a bondi de 44 %, tandis que la population n’a, elle, augmenté que de 25,7 % (entre 2011 et 2021), ce qui profite donc aux frontaliers. D’après le DATer et le LISER, 16 communes ont même un ratio supérieur à 1, Leudelange remportant la palme avec 3,94 emplois pour un seul habitant.

Des pistes pour décongestionner

Dans une moindre mesure que les frontaliers, certains résidents sont néanmoins contraints de changer de zone urbaine afin de travailler puisque l’agglomération du centre concentre la moitié des 499 985 emplois du pays. Tandis qu’environ 83 % des habitants de l’agglomération centre y travaillent également, seuls 43 % et 33 % des actifs de la région sud et de la Nordstad ont un emploi dans leurs territoires.

«À l’échelle du pays, il y a 24 % des actifs, soit une personne sur quatre, qui travaillent dans leur commune de résidence», résume Frédéric Durand, chercheur au Liser. Sans surprise, la capitale est la commune qui possède le plus fort taux de travailleurs-résidents dans sa population. Le pourcentage s’élève à 68,76 %, soit environ 2,2 fois plus que Wiltz, pourtant en deuxième position du classement avec 29,9 %.

 

Localisation des emplois en 2023 (DATer)

Au-delà des enjeux de décentralisation de l’emploi, cette composition géographique du marché de l’emploi engendre de nombreux problèmes en termes d’aménagement du territoire «Cela pose des questions d’embouteillages, de trafic routier, mais aussi de qualité de vie des actifs, de leurs familles et des gens qui vivent dans les communes où il y a beaucoup d’emplois. Et comment allons-nous respecter cet objectif de réduire nos émissions de gaz à effet de serre?», ajoute le chercheur.

Voilà autant de points noirs qui se dégagent de la mobilité liée à l’emploi et pour lesquels le DATer le Liser proposent des pistes de réflexion. Sur le plan infrastructurel, la publication cite notamment l’interconnexion des pistes cyclables et les efforts de collaboration transfrontalière en matière de transports en commun. Sur le plan plus politique, le télétravail, l’adaptation des horaires de travail, la relocalisation des emplois dans des centres urbains secondaires ou en bordure des frontières ont également été cités.

Les frontaliers à la loupe

En 2023, le pays comptait 216 522 travailleurs frontaliers et le rapport permet donc d’analyser finement leur mobilité et de répondre à deux questions : où travaillent-ils et d’où viennent-ils?

Concernant leur répartition sur le territoire, ils sont, sans surprise, principalement au centre et dans le sud. 28 % d’entre eux, soit 62 295 personnes, travaillent à Luxembourg qui concentre un tiers des emplois du pays. Derrière la capitale se trouvent Esch-sur-Alzette (10 148), Bertrange (7 570), Niederanven (5 881), Leudelange (5 730) et Dudelange (5 652).

La localisation de ces communes, plutôt au sud, reflète la part majoritaire de Français parmi les frontaliers. Un peu plus d’un frontalier sur deux habite en France, les autres étant répartis à parts égales entre la Belgique et l’Allemagne. Les trois communes frontalières avec le plus grand nombre d’actifs au Luxembourg sont d’ailleurs toutes lorraines : Thionville (18 000), Longwy (14 891) et le Val de Fensch (11 801).