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Mobilisation massive en France contre la réforme des retraites


La cortège parisien, ce jeudi après-midi. Les premiers chiffres évoqués sont d'au moins 450 000 manifestants sur toute la France, dont 8 000 à Metz selon France Bleu Lorraine (Photo : AFP).

Plus de 450 000 personnes étaient dans la rue jeudi partout en France et des secteurs entiers d’activité tournaient au ralenti dans le cadre d’une mobilisation massive contre la réforme des retraites, promesse phare du quinquennat d’Emmanuel Macron, avec des incidents dans la capitale où le cortège était très fourni.

Dans l’après-midi, on comptait plus de 285.000 manifestants dans une trentaine de villes, selon un décompte à partir de sources policières et préfectorales. « C’est beau cette manifestation avec les avocats, les gilets jaunes, les soignants, les pompiers, ça fait plaisir », s’est réjoui Pascal Marichala, chercheur au CNRS venu en famille à Bordeaux, où 20.000 personnes ont battu le pavé selon la préfecture, 53.000 selon la CGT. Partout, les cortèges étaient fournis: 19.000 à Nantes, 15.000 à Clermont-Ferrand et 10.500 à Tours, plus de 10.000 à Rennes, autant à Tours, 9.200 à Saint-Nazaire, 9.000 à Caen, 8.000 à Angers ou 7.250 au Havre, selon la police.

« Ca me rappelle 68 ! C’est bourré, il y a plein de monde ! », commentait Désiré, 79 ans, 59 ans de militantisme à Lutte ouvrière, dans le cortège parisien, très compact et encadré d’un important service d’ordre syndical et de quelque 6.000 policiers et gendarmes, en présence de « blacks blocs ». Vers 16h, des incidents ont éclaté à Paris. Une remorque de chantier a été retournée et incendiée et plusieurs vitrines brisées non loin de la place de la République, tandis que les forces de l’ordre essuyaient des jets de projectile et répliquaient par des tirs de lacrymogène. A 15h30, la police avait procédé à 71 interpellations et le parquet de Paris recensait 41 personnes gardées à vue en marge de la mobilisation.

Un système plus lisible ou une précarisation des retraités?

« C’est une très forte mobilisation dans le public comme dans le privé », s’est réjoui plus tôt Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, derrière la banderole de tête « Retraite par points, tous perdants, retraite à 60 ans, tous gagnants, Macron retire ton plan ». De brefs affrontements entre jeunes cagoulés, « gilets jaunes » et forces de l’ordre ont éclaté en marge de la manifestation lyonnaise. Face au mouvement, le président Emmanuel Macron est « calme et déterminé à mener cette réforme, dans l’écoute et la consultation », a indiqué l’Élysée, précisant que « le Premier ministre s’exprimerait vers le milieu de la semaine prochaine sur l’architecture générale de la réforme ».

« Il reste des marges de négociation » d’ici là, a assuré la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, précisant que le système prendrait en compte les « situations spécifiques », notamment les métiers dangereux et les carrières longues. A l’origine de la mobilisation, le futur « système universel » de retraites par points, censé remplacer les 42 régimes existants (général, des fonctionnaires, privés, spéciaux, autonomes, complémentaires). L’exécutif promet un système « plus lisible » et « plus juste », quand les opposants s’attendent à une « précarisation » des retraités.

Sept des huit raffineries françaises en grève

Plusieurs récents sondages ont montré que le mouvement, à l’appel de la CGT, FO, la FSU et Solidaires ainsi que plusieurs organisations de jeunesse, était majoritairement soutenu par les Français. Pour Pierre Malige, 42 ans, professeur à l’université manifestant à Nantes, « on ouvre la voie à la capitalisation, parce qu’on va avoir une baisse des pensions ». Dans les transports, on comptait 90% de TGV et 80% de TER annulés, et 10 lignes du métro parisien fermées. Le taux de grévistes à la SNCF a atteint 55,6% en moyenne, jamais vu depuis 2007, et 85,7% parmi les conducteurs, selon la direction.

Sept des huit raffineries françaises étaient en grève et les compagnies aériennes ont été priées de réduire de 20% leur programme jeudi et vendredi. Air France a annoncé l’annulation de 30% de ses vols intérieurs et 10% de ses moyen-courriers. Nombre d’écoles sont restées closes. Le ministère de l’Éducation a recensé 51,15% d’enseignants grévistes dans le primaire et 42,32% dans le secondaire. Au total, un fonctionnaire sur cinq était en grève, selon le secrétaire d’État Olivier Dussopt.

Grève aussi dans la police à l’appel de plusieurs syndicats. Les fonctionnaires ont effectué un service minimum, bloquant certains commissariats. La police de l’air et des frontières a suivi une grève du zèle lors des contrôles, entraînant de longues file d’attente. A EDF, le taux de grévistes atteignait 43,9% selon la direction. Éboueurs, avocats, retraités ou transporteurs routiers appelaient également à l’action. De même que des « gilets jaunes », le PS, LFI, le RN ou le PCF.

Poursuite du mouvement vendredi

Des syndicats peu coutumiers des manifestations sont de la partie, dont des fédérations de l’Unsa. Quelque 200 personnes se sont rassemblées à l’appel de ce syndicat aux abords du ministère des Finances. Des syndicats de la CFTC et la CFE-CGC ont aussi appelé à manifester. Seule la CFDT continue de soutenir l’idée d’une réforme « universelle ». Mais son secrétaire général, Laurent Berger, a regretté jeudi que « la logique qui prévaut, c’est quand même de se mettre un peu sur la figure avant de commencer à discuter ».

Pour décider de la suite du mouvement, outre assemblées générales jeudi, une réunion des organisations à l’initiative du mouvement est prévue vendredi. « On ne pense pas qu’il y aura une amélioration significative demain » dans les transports publics, a déclaré la ministre des Transports, Élisabeth Borne, tout en assurant ne pas se mettre « dans l’idée qu’on s’installe dans un conflit long ». A la RATP, la reconduction du mouvement a été votée en assemblées générales jusqu’au lundi 9. A la SNCF, la direction prévoit encore 90% de TGV et 70% de TER annulés vendredi.

 

LQ / AFP