Seize ans que, dans la blouse blanche de Mister Science, il titille les neurones des scientifiques en herbe : Joseph Rodesch évoque ses débuts, ses doutes et Take Off, son nouveau jeu qui cartonne.
Médiateur scientifique le plus connu du pays sous les traits de Mister Science, Joseph Rodesch a captivé toute une génération de petits Luxembourgeois avec ses expériences à la fois loufoques, ludiques et éducatives, dans une émission télé devenue culte.
Un costume de professeur un peu barré, taillé pour ce chimiste, toujours plus inventif pour pousser la science hors des laboratoires. Lancé il y a un an, son nouveau jeu Take Off cartonne sur YouTube et les réseaux sociaux. Un moyen ultra-efficace pour s’adresser aux ados.
Chimiste et moniteur de colo
«La vulgarisation scientifique m’a attiré très tôt. Étudiant, je faisais déjà des démonstrations pour le grand public avec une association.»
«J’étais aussi moniteur en colonies de vacances et j’utilisais la science pour des ateliers ou des histoires. Combiner la science et l’animation, c’était ça que j’avais envie de faire», confie-t-il.
Deux émissions dès 2009
Alors, quand le Fonds national de la recherche (FNR) crée pour la première fois un poste de médiateur scientifique en 2009, il n’hésite pas une seconde.
«Mon but, c’était de faire entrer les sciences dans notre quotidien. On n’est pas tous musiciens, ça ne nous empêche pas de parler musique : c’est pareil avec la science!»
Cette année-là, Mister Science apparaît à la télévision et à la radio, des émissions que le jeune scientifique est seul à concevoir et à monter. «Pour écrire le concept, je me suis inspiré de C’est pas sorcier, qui existait depuis longtemps en France, et de Quarks & Co, l’équivalent allemand.»
Trois semaines pour quelques minutes
«C’était beaucoup de boulot : trois semaines de travail pour une séquence de quelques minutes», se souvient-il.

Rejoint ensuite par toute une équipe, le public familial adopte immédiatement Joseph Rodesch et il devient une véritable mascotte nationale. Jusqu’en 2021, il répond à toutes les questions imaginables sur les ondes de la radio locale Eldoradio, tandis que son émission Pisa sur RTL – en pause depuis décembre – cumule pas moins de 17 saisons à l’antenne.
«On nous ouvre toutes les portes»
«On est les seuls à faire ça au Grand-Duché, donc on nous ouvre toutes les portes, les gens sont motivés pour concrétiser n’importe quelle idée un peu folle.»
Mister Science se retrouvera tantôt enfermé dans une cave inondée, à bord d’un petit avion faisant un looping, dans un lit de cendres long de sept mètres à traverser, ou encore au pied d’un geyser géant artificiel.
A l’heure des smartphones
En 2020, la période de la crise sanitaire s’accompagne de nombreux doutes pour Mister Science, qui a envie de changement sans vraiment savoir vers quoi se diriger.
Les petits téléspectateurs ont grandi et Joseph Rodesch cherche comment continuer à parler aux jeunes, à l’heure où les smartphones les détournent de la télé.
«Les ados ne consomment plus les contenus comme avant, donc il faut penser autrement. Et c’était aussi le moment d’évoluer pour moi», résume-t-il.
Un concept estonien
Il planche alors sur une façon innovante d’atteindre son public, en intégrant aussi ceux qui ne parlent pas le luxembourgeois, ce qui ne lui avait pas été permis auparavant.
«En Estonie, ils avaient lancé un talent show scientifique, je suis parti sur place découvrir ce concept et j’ai adoré!»
«Mais produire une telle émission demandait près de deux millions d’euros par saison, là où on plafonnait à 5 000 euros pour Mister Science.»
Sous-titrée en français : une première
Finalement, grâce au soutien du FNR et de la fondation André Losch, Take Off débarque en ligne sur YouTube en janvier 2024 : 12 jeunes de 15 à 21 ans répartis en trois équipes – dont une internationale parlant l’anglais – s’affrontent au fil des épisodes dans une série de 30 défis scientifiques à relever, avec un prix de 10 000 euros à la clé pour le grand gagnant.
Sous-titrée en français, l’émission rassemble désormais près de 50 000 fidèles à chaque vidéo, avec un pic à plus de 83 000 vues le mois dernier, sans compter l’audience télé puisque RTL diffuse les épisodes en parallèle.
150 candidats ont postulé pour rejoindre la saison 2, dont la finale sera diffusée à la fin du mois. «On associe les réseaux sociaux Instagram et TikTok, et ça marche vraiment bien. La preuve, maintenant, ce sont des jeunes adultes qui me reconnaissent dans la rue et me demandent des selfies en boites de nuit», s’amuse-t-il.
«On lie les émotions fortes à la science»
Une troisième saison est déjà en préparation tandis que des contacts sont établis pour exporter le programme à l’étranger. «Ce qui est génial dans Take Off, c’est qu’on lie les émotions fortes à la science. Et on contribue également à changer le regard sur les jeunes : ce ne sont pas les zombies qu’on imagine absorbés par leur téléphone.»
Joseph Rodesch constate auprès des jeunes du Luxembourg que leur attrait pour les sciences est toujours aussi vif, voire plus important qu’avant. Un signe encourageant pour l’avenir, avec la satisfaction d’y contribuer à sa manière.