Pas d’unanimité pour la modification concernant l’octroi d’un sursis pour les faits graves, dont les violences faites aux femmes et les abus sexuels. L’opposition affirme que rien ne changera.
L’association La Voix des Survivant(e)s n’a de cesse de plaider en faveur de la fin du sursis pour les auteurs de violences sexuelles. Hier, les députés ont voté en faveur d’un texte qui est censé durcir la loi en matière de sursis. Le rapporteur du projet, Laurent Mosar, a d’ailleurs cité l’association pour justifier cette modification qui s’inscrit aussi dans le cadre des efforts renforcés visant à lutter contre les violences domestiques. Il cite l’accord de coalition qui exprimait que «pour les infractions graves, telles que l’abus sexuel, les mauvais traitements ou les violences à l’égard des enfants, le gouvernement introduira une législation exigeant une motivation explicite pour l’octroi d’un sursis».
Cependant, il n’y aura pas d’automatismes. «On ne demande pas que le sursis soit rayé, mais qu’il soit justifié et ce projet de loi va dans la bonne direction», assure Laurent Mosar. Quel est le changement ? La modification de l’article 195-1 du code de procédure pénale limite désormais l’obligation de motivation spéciale du refus du sursis aux seules peines correctionnelles inférieures à deux ans. Une solution soutenue par le parquet qui, dans son avis, l’estimait équilibrée, «parce qu’elle corrige les excès du régime actuel sans tomber dans un tout répressif».
Avant, les magistrats devaient justifier leur décision d’infliger une peine de prison sans sursis en matière tant correctionnelle que criminelle, quelle que soit la durée de la peine. Il s’agissait dans l’esprit de la loi déposée par Félix Braz, ancien ministre de la Justice, de défendre des peines alternatives. Mais quand un violeur de quatre fillettes est condamné à huit années de prison avec sursis, La Voix des Survivant(e)s tire la sonnette d’alarme. La réforme visant la motivation de l’octroi du sursis répond aussi aux recommandations du Groupe d’action financière (GAFI).
Dans les rangs de l’opposition, on ne se félicite pas complètement de ce texte qui étend aussi les mini-instructions à une liste de nouvelles infractions. Concernant le sursis, la députée déi gréng Sam Tanson, ancienne ministre de la Justice, est très sceptique. «Je crains que ce texte ne change rien. Les victimes de violences demandent qu’il n’y ait plus de sursis du tout, mais ce ne sera pas le cas», analyse-t-elle. Un coupable sur deux bénéficie aujourd’hui d’une peine avec sursis et ce sera toujours le cas, illustre-t-elle. «Il est faux de croire que la loi de 2018 a aboli le sursis, mais le juge devait justifier une peine avec privation de liberté», souligne la députée écolo.
Les socialistes, comme les verts, craignent un virage répressif. L’élargissement de la mini-instruction à davantage d’infractions et la possibilité pour le parquet de multiplier les actes d’enquête sans ouverture d’instruction portent atteinte aux droits de la défense. «Dans cette procédure, la personne concernée n’a pas accès au dossier et découvre parfois le dossier seulement quelques jours avant l’audience», avait critiqué le Barreau. L’opposition reprend les mêmes arguments.
Marc Baum (déi Lénk) profite de l’occasion pour rappeler à la majorité la proposition de loi qu’il a déposée en mars dernier et qui n’est toujours pas apparue à l’ordre du jour, alors qu’elle se rapporte à l’assistance judiciaire renforcée des victimes de violences fondées sur le genre. «Si vous voulez vraiment un changement de paradigme, il faudrait discuter de la hauteur des peines et pas du sursis ou non», adresse-t-il à la majorité. Concernant les mini-instructions, il affirme encore que le gros problème demeure le manque d’effectifs pour lutter contre la criminalité.
La ministre de la Justice, Élisabeth Margue, insiste sur le fait que cette réforme va rendre les procédures plus efficaces. Quant au sursis, elle affirme que le gouvernement «fait une différence entre les faits graves et moins graves. C’est une nuance, on vise la criminalité grave. S’il y a des éléments pour un sursis, c’est au juge de le dire», précise-t-elle.
L’opposition n’en démord pas, qui plaide en faveur d’un bon équilibre entre droit de la défense et efficacité de la justice, mais qui observe que les droits de la défense sont bafoués.
Finalement, le texte passera avec 40 voix seulement. Les socialistes se sont abstenus, les verts, les pirates et déi Lénk ont voté contre.
En revanche, la motion déposée par Laurent Mosar (CSV) a fait l’unanimité. Elle invite le gouvernement à analyser le cadre légal actuel en matière de droit d’accès au dossier de la défense dans le cadre des différentes étapes de la procédure pénale et à présenter au plus tard avant la fin de l’année 2026 à la Chambre des députés un projet de loi renforçant les droits de la défense en matière d’accès au dossier dans le cadre de la procédure pénale.