Claudia Monti se met en colère. Lors de sa visite au centre pénitentiaire de Schrassig, elle a constaté la présence de quatre mineurs alors que l’unité qui leur est réservée à Dreiborn a été inaugurée en novembre.
Plus rien ne justifie aujourd’hui le placement d’un mineur au centre pénitentiaire de Luxembourg. Depuis l’ouverture en novembre dernier de l’Unité de sécurité à Dreiborn (Unisec), voisine du Centre socio-éducatif de l’État, les mineurs y sont non seulement enfermés mais surtout accompagnés et encadrés.
Quand le médiateur, Claudia Monti, également contrôleur externe des lieux privatifs de liberté, constate lors de sa visite le mois dernier que quatre mineurs, un de 16 ans et trois de 17 ans, sont en prison à Schrassig, elle voit rouge.
«Autant vous dire qu’à Schrassig ils ne s’attendaient plus à recevoir de mineurs depuis l’ouverture de l’unité de sécurité, alors les conditions dans lesquelles ces jeunes sont détenus ont empiré», observe-t-elle, amère.
Alors que le personnel en poste à l’Unisec ne demande qu’à remplir ses missions, à Schrassig, il doit composer avec les moyens du bord étant donné que les effectifs ont migré vers Dreiborn pour l’encadrement des jeunes.
Sauf qu’ils n’y sont pas. Du moins pas tous. Seuls quatre mineurs occupent l’unité de sécurité, qui peut en accueillir douze. Et s’il faut séparer les filles, ou isoler un individu si nécessaire, il reste encore neuf places sur les quatre unités qui disposent chacune de trois chambres individuelles.
«Nous n’avons jamais eu neuf mineurs en prison en même temps», affirme l’ancienne avocate et ex-membre de la commission consultative des Droits de l’homme.
Alors que François Biltgen, alors ministre de la Justice, avait affirmé en 2009 que plus aucun mineur ne se retrouverait à Schrassig, il semblerait que cette possibilité existe encore. «Félix Braz est revenu en arrière», constate Claudia Monti.
Le ministre de la Justice admet que des mineurs sont encore enfermés à Schrassig, mais cela rentre dans les exceptions chèrement défendues par le parquet. En cas de saturation de l’Unisec et de dangerosité extrême du mineur, celui-ci peut être placé à Schrassig.
Un personnel qui attend
La réforme de la protection de la jeunesse, pourtant élevée au rang de priorité dans le programme gouvernemental de 2013, tarde à venir. Le régime actuel permet encore l’incarcération de mineurs au CPL et le nouveau texte en cours d’élaboration ne prévoit pas de l’interdire.
«Qu’on nous dise alors quels mineurs sont dirigés vers Schrassig? Actuellement, alors qu’il y a largement de la place à l’Unisec, on retient au CPL des jeunes qui ont commis des délits mineurs. Ils sont loin d’être des terroristes», constate Claudia Monti.
Elle ne partage pas l’avis du parquet qui insiste sur ces exceptions, mais elle aimerait surtout être fixée sur le sort que le gouvernement entend réserver à ces jeunes délinquants. «À l’Unisec, il y a des encadrants qui ne demandent qu’à travailler, alors quand on voit que rien ne bouge, on utilise les grands moyens», prévient le médiateur.
D’où la lettre ouverte envoyée aux rédactions et au gouvernement. Personne n’a encore réagi au ministère de la Justice, selon Claudia Monti.
La menace, et c’en est une, est claire : si le projet de loi concernant la protection de la jeunesse maintient ces cas d’exception, le contrôleur externe des lieux privatifs de liberté contactera les instances européennes.
«Il s’agit d’une loi sur la protection de la jeunesse, pas une loi pénale contre la jeunesse», rappelle Claudia Monti.
«Comment vont-ils réagir le jour où un jeune mineur se suicidera dans sa cellule?», questionne tristement l’ancienne avocate.
Le ministre de la Justice est invité à livrer rapidement son texte réformateur.
Geneviève Montaigu