Michel Leflochmoan face à la maladie : «Un match que je ne gagnerai pas»

L’ancien coach de la Jeunesse, du F91 et de Differdange, 67 ans, est malade. Célébré samedi avec Sedan, il a entamé un combat qu’il dit perdu d’avance. Mais avec force et courage.

Sedan, que vous aviez fait monter en Division 2 il y a près de trente ans, fête ses 100 ans avec un match de gala opposant ses anciens joueurs au F91 que vous dirigiez quand il a franchi son 1er tour de Coupe d’Europe, en 2005. Mais c’est le centenaire du club ou une apologie de votre carrière personnelle ?

Michel Leflochmoan : (Il rit) Ah non, mais moi, attendez, je n’y suis pour rien ! Ils ont invité les anciens du club, comme je l’ai appris il y a quelques semaines, et il était juste question que je sois présent. Et puis, un jour, on m’appelle en me disant qu’il y aura un petit clin d’œil à la première équipe du F91 qui a passé un tour de Coupe d’Europe et qui comprenait justement beaucoup d’anciens Sedanais… Moi, je suis juste invité.

Oui, enfin, vous serez sur le banc de touche quand même, non ?

Oui, je serai le coach du F91 ! Ce sera au stade Louis-Dugauguez et ils attendent tout de même 7 000 à 8 000 personnes dans l’après-midi. Et mes anciens joueurs, je vais les engueuler comme avant, il est hors de question qu’ils perdent ! Non mais, vous rigolez ! J’ai déjà annoncé à mon homologue que malgré Cédric Mionnet, Pius N’Diefi… ils allaient prendre une fessée !

Quels anciens joueurs dudelangeois allez-vous retrouver à cette occasion ?

Je n’ai plus énormément de contacts avec qui que ce soit, ces derniers mois. Ça devient discret. Hormis quelques coaches comme Pascal Carzaniga, Emilio Lobo ou Michel Lollier. C’est comme ça : chacun suit sa route. Vous aussi d’ailleurs ! Vous étiez parti sur une autre planète ? Bon, depuis que ce match s’est dessiné, j’ai reçu quelques appels d’anciens joueurs et Loïc Mouny m’a déjà dit que certains venaient justement pour moi. Cela fait plaisir. Je retrouverai la défense de Mostar, les Borbiconi, Hug, Mouny, Kabongo… Mais il y aura aussi Gruszczynski, Lukic, Louadj, Antonicelli, Rodrigues, Cicchirillo, Lecomte, Bendaha, Marchal…

Vous nous dites que ce n’est pas par considération pour vous que Sedan a invité le F91. C’est donc que le champion du Luxembourg bénéficie d’une certaine image ?

Pour faire court, quand je suis parti au F91, personne n’a compris pourquoi. Moi, quand j’ai su que je devais quitter Sedan, j’ai pris un compas pour trouver quelque chose dans un rayon de 150 km autour des Ardennes. Je ne voulais pas d’un lieu exotique et faire mes valises. J’ai choisi le Luxembourg et dans la région, on a commencé à en parler parce que j’y entraînais. Ça manquait de considération – et quand je pense à ce qu’on disait du Grand-Duché en Belgique alors que Virton cartonnait systématiquement les clubs de DN à la fin des années 90… –, mais c’est compréhensible. Depuis, ça a bien changé et il y a carrément un autre regard et le président sedanais a tressé des louanges à ce club du F91. C’est pour ça que les anciens sont très contents de venir, samedi (avant que le leader du groupe A de N2 n’affronte Sainte-Geneviève, le 4e).

Et les nouveaux, cette génération qui s’est qualifiée pour la première fois pour une phase de poules de l’Europa League, la saison passée, qu’en avez-vous pensé ?

Hé, mais rappelez-vous, on n’en n’était pas si loin avec Differdange contre Tromsø (NDLR : en 2013). On était seulement à un penalty des poules puisque dans la foulée, l’équipe turque (NDLR : Besiktas) que l’on aurait affrontée avait été éliminée sur tapis vert. Si Philippe Lebresne n’avait pas raté son penalty, on aurait affronté Tottenham notamment. Mais ça, les gens l’ont déjà oublié. Bon, concernant l’équipe du F91 de la saison passée, cela ne s’est pas su, j’ai fait dans la discrétion, mais j’ai envoyé un message de félicitations au président Schumacher. Peut-être que 1% de ce parcours m’est imputable, peut-être que j’ai ouvert des voies dans lesquelles d’autres se sont engouffrés et tant mieux !

Vous avez assisté à des rencontres de cette qualification historique ?

Non, je n’en ai vu aucun. Le dernier match auquel j’ai assisté au Luxembourg, c’était le match du Progrès contre Oufa alors que Paolo Amodio et Emilio Lobo étaient encore aux commandes. J’aurais aimé venir voir, mais j’ai eu quelques soucis de santé et je les ai encore.

Vous avez subi plusieurs interventions. Où en êtes-vous ?

Oh vous me connaissez, j’ai toujours été quelqu’un de très positif et j’ai repris du poil de la bête par rapport aux derniers mois. Mais on m’a enlevé une grosse partie du foie. En fait, 65% de mon foie était mort sans que l’on sache vraiment pourquoi. On a fait tout un tas d’examens alors qu’il n’y avait aucun signe de problèmes, pas de douleurs, rien d’alarmant. On ne peut pas m’en retirer plus. Si je descends à moins de 35%, je ne peux plus vivre. Pourtant voilà, il me reste deux nodules cancéreux sur cette partie du foie. Alors voilà, je vais jouer un match que je ne gagnerai pas. Mais on peut le rallonger ce match, essayer de gagner du temps. (Il rit) Finalement, je vais faire ce que je n’ai jamais fait comme coach, essayer de faire traîner, jouer les prolongations, voire, si possible, aller aux tirs au but.

Mais quelles sont vos perspectives ?

Aucun médecin ne se hasardera à me dire le temps qu’il peut me rester ni même à quel point je peux étirer ce temps. Je sais juste qu’on peut vivre avec des nodules cancéreux. Il faut juste qu’ils ne grossissent pas.

On ne vous verra donc pas forcément non plus cet automne pour la deuxième campagne consécutive ?

En ce moment, non. Conduire aussi longtemps me fatigue de trop. Même en tant que passager. Mon foie n’élimine plus les toxines comme il le devrait et, des fois, je me retrouve complètement vidé, paralysé. Donc je ne m’éloigne pas trop de la maison. Pourtant, j’aimerais bien voir ça ! Si je n’avais pas ce souci, vous me verriez aux matches.

Est-ce pour cela que vous avez refusé la proposition du Fola de reprendre la suite de Jeff Strasser en 2018 ?

Non, ma maladie ne s’est déclarée qu’en octobre 2018. Par respect pour les clubs, je ne citerai pas leurs noms mais j’ai reçu trois propositions ces deux dernières années. C’est juste que je n’ai pas souhaité y donner suite. J’ai refusé et pas pour motif de santé.

Un dernier mot peut-être sur Dino Toppmöller, qui vous avait succédé au F91, en 2016, et qui maintenant occupe un autre de vos anciens bancs, celui de Virton…

Mais il me suit à la trace ! Ah lui, il est jeune ! Il a de l’avenir. J’ai suivi tout leur parcours européen la saison passée. Legia, Cluj… ce qu’il a fait, c’est bien. Les poules, c’était plus délicat mais c’est logique. Ils n’ont pas été ridicules. Non vraiment, c’est bien…

Entretien avec Julien Mollereau