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Meurtre à Bonnevoie au nom de Dieu : le parquet conclut à l’irresponsabilité pénale


Alberto ne serait pas responsable de l’arrêt de son traitement, selon le parquet. (photo Sophie Kieffer)

Prison à vie ou internement psychiatrique, les options sont claires pour éviter un nouveau passage à l’acte d’Alberto. L’enfermement n’est plus une option. Seul le lieu reste à préciser.

L’arrêt du traitement a-t-il entraîné la rechute ou la rechute a-t-elle entraîné l’arrêt du traitement? De la réponse à cette question dépend l’issue pénale du procès d’Alberto pour meurtre et tentative de meurtre. Pour les avocats des parties civiles, le prévenu doit être jugé responsable de ses actes et incarcéré pour éviter une nouvelle décompensation et une éventuelle nouvelle attaque.

Alberto n’a pas encore terminé sa mission. Il le reconnaît lui-même. Il doit encore supprimer le démon Baphomet, le pape François, Kim Jong-un et Shakira. Quatre démons. Le premier, à tête de bouc, aurait emmené un certain Carmelo en enfer d’où le prévenu l’aurait libéré depuis. C’est au décès de cet ami que le prévenu aurait rechuté il y a plus de deux ans.

L’hidalgo soufre d’une forme exceptionnelle de schizophrénie paranoïaque. Depuis le début du procès, vendredi dernier, se pose la question de l’après et du sort réservé à Alberto. Deux solutions s’offrent à la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg : la réclusion à vie ou le placement judiciaire.

Les parties civiles s’opposent à ce qu’Alberto soit déclaré irresponsable. Pour elles, le prévenu a commis la faute d’arrêter de prendre une partie de son traitement médicamenteux, «peu importe la raison», quelques jours avant les faits. «Il savait qu’il devait prendre son traitement. Il l’a dit à la police et au juge d’instruction», a rappelé Me Rollinger.

Le temps passé en prison n’a pas profité au prévenu, selon le procureur qui a conclu à l’irresponsabilité d’Alberto. Cela implique son acquittement et son internement en milieu psychiatrique fermé. Il s’appuie sur les conclusions d’experts psychiatres et sur la littérature consacrée pour conclure que «le malade n’a pas de libre arbitre pour décider en pleine possession de ses moyens de l’arrêt de son traitement». Il ne retient pas la notion de faute antérieure.

La victime se serait «trouvée au mauvais endroit au mauvais moment», a conclu le procureur. L’acte n’était pas prémédité. La préméditation est incompatible avec la maladie du prévenu qui a «cédé à une impulsion irrationnelle». Alberto, après de nombreuses tergiversations relatées dans ses messages à son amie, a finalement décidé que la victime était le démon à abattre. «Les démons peuvent entrer dans n’importe qui», a-t-il témoigné mercredi.

Aux ordres du Saint-Père

On a assisté à un interrogatoire surréaliste mercredi après-midi. La présidente de la 13e chambre criminelle a interrogé Alberto sur ses relations avec Lucifer et le Saint-Père, entre autres. Le prévenu, âgé de 47 ans, lui répond avec un naturel déconcertant. Il est convaincu d’avoir exécuté une mission divine et paraît fier de l’avoir mené à bien avec succès.

Plus de deux ans après les faits qui lui sont reprochés, Alberto navigue toujours dans son délire mystique. «Les gens disent que je souffre de schizophrénie. Ce n’est pas vrai, mais personne ne me croit», répond le prévenu. «Je prends les médicaments parce que les autres me disent de les prendre.» Il est convaincu d’avoir «été élu entre tous les hommes pour en finir avec les démons», par le Saint-Père.

Le 22 décembre 2022 au matin, «on a toqué six fois à ma porte. Le Saint-Père m’a dit qu’il s’agissait de Lucifer.» Lucifer était, pour lui, la compagne de Diego, son colocataire. Il l’a décapitée, démembrée et dépecée partiellement. «J’ai libéré 50 millions d’âmes des enfers et leur ai permis de gagner le ciel en tuant Lucifer», a indiqué Alberto. Il devait également supprimer son colocataire Mohamed.

«J’étais en train de découper la viande de Lucifer et le Saint-Père m’a demandé de m’attaquer au démon», poursuit le prévenu qui a failli dans sa mission. «Ce qui compte, c’est que j’ai tué Lucifer. J’étais très fatigué.» Sa première victime lui aurait donné du fil à retordre. Il s’est allongé au sol, a envoyé un message d’adieu à son amoureuse et a attendu calmement l’arrivée de la police. «La police, c’est le monde réel», a constaté la juge. «Je n’avais plus la force de lutter.»

La logique, les croyances, les réalités et les dimensions différentes coexistent dans son discours et font sens pour lui. Le Saint-Père justifie tout, pardonne tout. «Je n’ai jamais perdu le contrôle, j’ai toujours fait ce que mon Saint-Père m’a dit.» Son univers est inaccessible au commun des mortels et donc à leur justice. Le traitement qu’il prend ne change apparemment rien à son état depuis le crime dont il est accusé. Il reconnaît avoir arrêté de le prendre quelques jours avant parce que «je me sentais bien». «Je suis la même personne, que je le prenne ou pas.»

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