La chancelière allemande Angela Merkel a réussi à sauver son gouvernement en acceptant de renoncer définitivement à sa politique migratoire généreuse, mais ce répit pourrait n’être que de courte durée.
« Le climat dans une coalition gouvernementale n’a probablement jamais été aussi empoisonné que dans celle-ci », a commenté mardi le quotidien Bild, le plus lu d’Allemagne, après l’accord obtenu la veille aux forceps entre la chancelière et son ministre de l’Intérieur rebelle, qui réclamait de réduire fortement le nombre de demandeurs d’asile arrivant dans le pays.
La dirigeante conservatrice a fait l’objet d’une remise en cause sans précédent de l’intérieur même son équipe. Après presque 13 années au pouvoir, elle devra redoubler d’efforts afin de restaurer son autorité et consolider sa fragile coalition gouvernementale, difficilement mise en place en mars, entre son parti de centre-droit CDU, la droite bavaroise CSU et les sociaux-démocrates.
La présidente des sociaux-démocrate du SPD, Andrea Nahles, a salué la fin des hostilités dans le camp conservateur allemand, l’un des spécialistes des questions migratoires du SPD, Aziz Bozkurt, a fustigé des restrictions migratoires qui vont « totalement dans le sens » de l’extrême droite. Si le SPD devait rejeter ce compromis, tous les efforts d’Angela Merkel pour sauver son gouvernement seraient remis en cause.
Une réunion au sommet des trois partis de la coalition -CDU, CSU et SPD- est prévue ce mardi à 16h00.
Les élections régionales risquent de diviser encore
Angela Merkel reste une cible privilégiée pour les courants conservateurs les plus durs, y compris donc au sein de sa propre famille politique. En cause, toujours et encore: sa décision en 2015 d’ouvrir l’Allemagne à des centaines de milliers de candidats à l’asile. A la tête des frondeurs: le président de la CSU, Horst Seehofer, que la chancelière espérait pouvoir garder sous contrôle en le nommant ministre de l’Intérieur.
Ce dernier craint que son parti qui risque de perde sa majorité absolue lors d’élections régionales en automne en raison de la percée attendue de l’extrême droite. Si tel est le cas, les hostilités contre Angela Merkel, accusée de mener une politique trop centriste, repartiront de plus belle.
En apparence, Mme Merkel a obtenu une victoire en sauvant son gouvernement et se maintenant au pouvoir. Le fronde lancée contre elle par le parti bavarois CSU la visait aussi elle personnellement, de nombreux médias y voyant une tentative de « putsch » de son aile droite. Mais sur le fond, elle a dû céder beaucoup de terrain en acceptant de fortes restrictions à l’immigration.
Un « tournant de la politique d’asile »
Le compromis trouvé avec M. Seehofer sur la politique migratoire marque la fin de politique migratoire généreuse inaugurée en 2015 par la chancelière. L’un des proches du ministre de l’Intérieur, Markus Blume, a d’ailleurs parlé d’un « tournant de la politique d’asile » allemande.
Concrètement, les demandeurs d’asile arrivant en Allemagne désormais mais déjà enregistrés dans un autre pays de l’UE – c’est-à-dire la grande majorité d’entre eux – seront placés dans des « centres de transit » à la frontière avec l’Autriche en attendant leur renvoi vers le pays d’entrée en Europe.
Bernd Riexinger, un dirigeant de la gauche radicale allemande, a parlé de « camps d’internement de masse », dans une référence au passé nazi de l’Allemagne. Il a demandé aux sociaux-démocrates du SPD, troisième partenaire de la coalition d’Angela Merkel, de refuser. Et ces derniers semblent encore hésiter sur les solutions proposées.
Trouver un accord avec les pays d’entrée
En principe, les renvois de migrants doivent se faire en accord avec les pays d’entrée et non de manière unilatérale par l’Allemagne. Mais si des accords ne peuvent être trouvés, il est prévu de refouler les migrants vers l’Autriche. Reste à savoir ce qu’en penseront Vienne et Rome.
Le gouvernement autrichien associant extrême droite et conservateurs, qui vient de prendre la présidence tournante de l’Union européenne, a déjà prévenu qu’en pareil cas il prendrait des mesures identiques à ses propres frontières. Avec le risque d’un effet domino en Europe.
« Si l’Allemagne croit qu’ils peuvent simplement renvoyer des gens en Autriche, en bafouant le droit international, nous expliquerons aux Allemands que nous ne les accueillerons pas », a prévenu la semaine dernière le ministre de l’Intérieur autrichien Herbert Kickl.
Le Quotidien/ AFP