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« Mensonges » et « diffamation » : James Comey enfonce Donald Trump


L'ancien directeur du FBI a qualifié Trump de menteur à plusieurs reprises. (photo AFP)

L’ancien directeur du FBI James Comey a commencé jeudi à livrer un témoignage exceptionnel au Sénat sur le président des États-Unis Donald Trump, qui l’a limogé le mois dernier après l’avoir pressé pendant des mois dans l’enquête sur la Russie.

Dans une salle comble, James Comey est venu raconter ses conversations privées avec le locataire de la Maison Blanche devant la commission du Renseignement du Sénat, une séance retransmise par toutes les grandes chaînes de télévision américaines lors d’émissions spéciales, dans la tradition des grandes auditions parlementaires qui ont marqué l’histoire du pays.

La quinzaine de sénateurs assis en face de l’ancien premier flic des États-Unis veulent savoir si les multiples requêtes présidentielles, formulées en tête à tête dans l’intimité du Bureau ovale ou de la Maison Blanche, représentent une interférence politique et une entrave à la justice, un délit majeur qui dans le passé à conduit au lancement par le Congrès de procédures de destitution contre les présidents Richard Nixon et Bill Clinton. Il a commencé par répondre que ce n’était pas son rôle de qualifier juridiquement les requêtes du président.

Trump ne lui a pas demandé « d’arrêter » l’enquête, mais…

A la question de savoir si le président ou l’administration lui avait demandé « d’arrêter » l’enquête menée par le FBI sur les ingérences russes, il a répondu « non ». Mais il a jugé que les actions du dirigeant américain étaient « très dérangeantes », ne mâchant pas ses mots contre lui. Il a dénoncé les explications changeantes du locataire de la Maison Blanche sur les motifs de son licenciement, et accusé l’administration de l’avoir « diffamé », défendant l’honneur du FBI qu’il dirigeait depuis 2013. « Ce sont des mensonges purs et simples », a-t-il dit des propos tenus par l’administration à l’époque sur le mauvais état supposé de la police fédérale à son départ.

… de lever le pied

James Comey, 56 ans, a choisi de ne pas lire la déclaration écrite explosive qu’il avait fait publier la veille, répondant de suite aux questions pour gagner du temps. Dans celle-ci, il y confirmait que Donald Trump lui avait demandé de lever le pied sur l’enquête visant l’un de ses fidèles, le général Michael Flynn, ex-conseiller à la sécurité nationale, évincé en février pour n’avoir pas dit toute la vérité sur ses discussions avec l’ambassadeur russe aux États-Unis. « J’espère que vous pourrez trouver une façon d’abandonner cela, de lâcher Flynn. C’est un homme bien », aurait ainsi plaidé Donald Trump le 14 février, un jour après le départ du général.

« J’ai besoin de loyauté »

Cette phrase à elle seule contredit le milliardaire, qui avait nié il y a trois semaines avoir formulé une telle demande. A l’époque, ce conseiller était visé par une enquête pénale, a confirmé jeudi James Comey. Il y a aussi relaté un dîner à la Maison Blanche, le 27 janvier, lors duquel Donald Trump lui aurait dit : « J’ai besoin de loyauté, je m’attends à de la loyauté », une demande ambigüe adressée à l’homme qui supervisait à l’époque l’enquête sur une éventuelle collusion entre des membres de l’équipe de campagne de Donald Trump et la Russie pendant la campagne présidentielle de 2016. Pour le vice-président démocrate de la commission, Mark Warner, cette exigence de loyauté ressemble à une menace. « Le président lui-même semble avoir tenté d’influencer ou de coopter le directeur du FBI », a déclaré Mark Warner.

L’audition doit durer toute la matinée, puis James Comey s’exprimera à huis-clos devant les mêmes sénateurs afin de pouvoir évoquer librement des informations classifiées.

Comey consignait tout par écrit

Plus de 300 personnes avaient fait la queue pendant des heures pour rafler l’un des 88 sièges réservés au public, dans ce bâtiment annexe du Capitole. « C’est un moment d’histoire et je voulais être là », dit une collaboratrice parlementaire, une couverture sur les épaules, qui a passé la nuit dans son bureau. Plus de 120 journalistes et une cinquantaine de photographes couvrent l’audition.

Le témoignage de James Comey confirme ce que ses proches avaient fait fuiter dans les médias ces dernières semaines. L’ancien procureur avait pris l’habitude de consigner par écrit tous ses échanges individuels avec le président américain, pour les méthodes duquel il ne cache pas son dédain. « Je craignais honnêtement qu’il ne mente sur la nature de nos rencontres », a-t-il expliqué devant les sénateurs, rappelant qu’il ne le faisait pas sous George W. Bush ou Barack Obama, qu’il n’avait d’ailleurs rencontré en tête à tête que deux fois.

Le Quotidien/AFP