La mendicité visée par le collège échevinal est celle des bandes organisées. La Ville a réagi parce que la loi relative à la traite des êtres humains n’est pas appliquée. Contre-attaque.
Le collège échevinal a été officiellement averti mardi matin du veto ministériel, le secrétariat, la veille au soir. La députée-maire de la capitale, Lydie Polfer, ironise sur la rapidité avec laquelle Taina Bofferding a organisé sa conférence de presse. Elle annonce sans tarder, elle non plus, que le conseil va charger un avocat d’introduire un recours en annulation de la décision prise par la ministre.
La riposte de Lydie Polfer est cinglante. Elle affiche d’abord une surprise feinte : «Diekirch, Ettelbruck et Dudelange ont les mêmes dispositions depuis des années, mais le ministère n’est pas intervenu alors qu’il en avait le pouvoir», remarque-t-elle. Il ne fait aucun doute aux yeux de la majorité communale que l’intervention de Taina Bofferding dans ce dossier est «purement politique», selon Lydie Polfer. Les autres communes vont revoir leur règlement à leur tour, «mais ça vient tard», note la bourgmestre.
Juridiquement, elle descend en flèche l’avis du ministère. «Nous avons aussi de bons juristes et avons très bien analysé la situation.» L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, cité par Taina Bofferding le matin même et rédigé par le juge luxembourgeois Georges Ravarini, dit bien que l’on peut réglementer la mendicité «invasive» et «c’est exactement ce que l’on fait», martèle Lydie Polfer.
Elle sait bien que le code pénal interdit la mendicité dans le cadre de la traite des êtres humains, mais elle demande que la loi soit dès lors appliquée. Il s’agit de bandes organisées, un phénomène bien connu, mais que personne ne combat. La police peut toujours faire des constats et dresser des procès-verbaux, il faut que la justice suive.
«Combien de condamnations jusqu’à présent ?», questionne-t-elle. «Il ne se passe jamais rien», déplore-t-elle en insistant sur le statut de victimes de ces mendiants à la solde de trafiquants. «Il y a un vrai marché derrière!», souligne-t-elle avec force. «C’est dur à prouver, nous répondent les autorités judiciaires, mais dans un État de droit, les textes de loi doivent être respectés», poursuit Lydie Polfer.
Le collège échevinal se défend d’avoir ignoré le droit national en la matière. D’ailleurs, l’article 563 alinéa 6 du code pénal punit toujours d’une amende «les vagabonds et ceux qui auront été trouvés mendiants». Si l’article a été aboli en 2008, c’est à cause d’une erreur de formulation. Le législateur n’a jamais voulu abolir le point 6 de l’alinéa 2, mais l’alinéa 2 du point 6, sauf que les autorités judiciaires considèrent que le point 6 a été abrogé dans son intégralité. «Depuis 2018, cet article est à nouveau réapparu», affirme Lydie Polfer. Sur le site Legilux, il est fait référence à cette erreur de formulation. Si le législateur s’est trompé, il n’a jamais réajusté son tir jusqu’à présent.
La capitale n’est pas la seule ville européenne à avoir pris des arrêtés antimendicité. «La grande différence avec tous les autres pays, c’est que toutes les communes à l’étranger ont une police municipale sous les ordres du conseil communal qui dicte ses priorités. Le plus frustrant, c’est de savoir qu’on est responsable de la salubrité et la sécurité, et de ne pas avoir de moyens pour réagir. C’est tout aussi frustrant pour Dudelange et Ettelbruck ou Diekirch, qui ont aussi modifié leur règlement de police, sans que cela ne dérange le ministère», constate amèrement Lydie Polfer.
Le premier échevin, Serge Wilmes (CSV), a indiqué que la Ville de Luxembourg disposait d’un ratio d’un travailleur social ou streetworker pour cinq sans-abri. «Peu de capitales en Europe peuvent en dire autant», affirme-t-il.