Karin Waringo a relancé, au nom du groupe Luxembourg under destruction, une nouvelle pétition pour protéger le patrimoine architectural. Parce que rien n’a changé, selon elle.
Pourquoi relancer une nouvelle pétition, deux ans après la première qui avait remporté un vif succès?
Karin Waringo : À l’époque, avec le soutien d’autres associations actives dans la défense du patrimoine, nous avions obtenu un débat au Parlement, mais le résultat a été plutôt décevant. La présidente (NDLR : de la commission des Pétitions, Nancy Kemp-Arendt) nous a assuré qu’une campagne de sensibilisation serait réalisée dans le cadre de la nouvelle loi, mais ce n’est pas ce que nous avions demandé. Les maisons sont classées à titre individuel, alors que nous souhaitions que tous les bâtiments construits avant 1955 soient automatiquement protégés. Cette fois, nous avons fixé la date à 1957 comme un clin d’œil, vu que deux ans se sont écoulés depuis la dernière pétition.
La nouvelle loi a été votée il y a un an, mais elle ne vous procure pas satisfaction. Pourquoi?
Parce que rien ne change. On a pourtant eu des réunions avec la ministre de la Culture, Sam Tanson, avant l’audience publique et on avait l’impression qu’elle était favorable à notre pétition. Au sein de la population, c’est quelque chose qui touche les gens quand même et le ministère de la Culture avait proposé une disposition similaire avec une date butoir pour les immeubles à protéger. Le Conseil d’État avait émis une opposition formelle au principe de protection systématique des bâtiments construits avant une certaine date.
Il y a cinq fois plus d’immeubles protégés au niveau communal, avec des critères différents
Il y a une quinzaine d’années, déjà, les députés de la commission de la Culture, inquiets du nombre de démolitions, avaient proposé 1914 comme date butoir. Le Conseil d’État alertait sur une insécurité juridique, car il était difficile d’avoir une certitude sur la date de construction. Nous ne sommes pas attachés à une date, mais il en faut une, alors nous avions choisi 1955, une époque où on construisait encore des immeubles de qualité. Ce qui est important pour nous, c’est de donner un signal, parce que la situation est choquante. J’ai assisté à une conférence d’un membre du Liser qui évoquait le rythme de renouvellement d’un tissu urbain, en général extrêmement lent, de l’ordre de 2 % par an. Mais ici, au Luxembourg, des rues entières sont démolies.
Il existe un inventaire national et chaque commune dispose du sien également. N’est-ce pas une garantie suffisante?
En fait, tout continu comme avant. Les Sites et Monuments, devenus Institut national pour le patrimoine architectural, font une politique de sapeur-pompier. Si certains immeubles ont été sauvés, ce fut grâce à l’intervention de la société civile. Mais, bien souvent, on sait trop tard quand un immeuble est en danger. En général, c’est quand on voit l’affiche avec le grand point rouge au milieu, qui symbolise l’autorisation de démolition. Quelle assurance donne une inscription à l’inventaire national ou communal? Prenons l’exemple de la Villa Marx, située à l’angle de l’avenue du Dix-Septembre et du boulevard Pierre-Dupong à Merl-Belair, une maison de maître protégée par l’État et la commune. Il y a eu un recours et le tribunal a donné raison aux propriétaires et a annulé la protection.
Les communes ont dressé chacune l’inventaire des bâtiments à préserver dans leur plan d’aménagement général (PAG). Leur rôle n’est pas négligeable dans le domaine de la protection du patrimoine architectural…
Les communes ont bien sûr leur rôle à jouer, elles ont même une grande responsabilité pour le patrimoine. Il y a cinq fois plus d’immeubles protégés au niveau communal, avec des critères différents de ceux listés dans la loi. Des critères esthétiques plutôt ou historiques, mais jamais les critères scientifiques établis par la nouvelle loi.
Il y a aussi des bâtiments classés au niveau national, mais qui ne sont pas protégés au niveau communal, comme le château d’Eisenborn, par exemple, qui ne bénéficie pas d’une protection particulière au niveau du PAG. La commune ne peut pas s’opposer à sa démolition, elle peut imposer que la nouvelle construction respecte le gabarit de l’ancien bâtiment. Le ministère ne s’y est pas opposé.
C’est un problème de critères, selon vous ?
Leurs critères sont discutables, comme celui de l’authenticité. Ça veut dire quoi? Une forteresse du Moyen Âge, c’est normal qu’elle ait subi maintes transformations, comme Larochette. La protection a minima, c’est le gabarit et la façade, et le reste, c’est démoli. Notre groupe Luxembourg under destruction s’est rendu compte de tout ce dysfonctionnement et ça nous a rendus fous de constater que des immeubles protégés peuvent être démolis malgré tout.
Ce sont des décisions politiques et le ministère vient avec des critères scientifiques. Les députés, comme le ministère, nous félicitent pour notre combat et à la fin, on n’obtient rien. On a assisté à la démolition de la gare d’Ettelbruck et on s’est dit qu’il fallait repartir avec une pétition. Même protégé, le patrimoine est menacé dans ce pays. Un bâtiment peut être classé au niveau national, mais les propriétaires discutent avec le Service des sites et monuments et, au final, ils obtiennent satisfaction.
Ce que revendique le groupe Luxembourg under destruction dans sa pétition : moratoire général sur les démolitions. Tout bâtiment construit avant 1957 devrait être automatiquement protégé, sa démolition partielle ou totale autorisée seulement dans des cas exceptionnels et dûment motivés. Le changement d’affectation d’immeubles qui ne servent plus leur fonction initiale devrait être facilité.
Harmonisation des critères de protection au niveau national et communal; différenciation du degré de protection en fonction de la valeur historique et architecturale d’un immeuble, de sa rareté et de son authenticité. Transparence dans les procédures de classement. Pour tous les bâtiments appartenant à des entités publiques, le public devrait avoir librement accès au dossier et pouvoir émettre son avis.
Mesures en faveur du maintien et de la conservation du petit patrimoine telles que notamment les ponts et murets, lavoirs et croix de chemin.
Campagnes d’information et de sensibilisation sur la valeur du patrimoine architectural et les qualités du bâti ancien en commençant par les écoles et en incluant tous les acteurs impliqués dans le processus de protection et de conservation du patrimoine.
Développement d’un savoir-faire spécifique au niveau des bureaux d’études et des entreprises artisanales.
Accompagnement gratuit de tous les propriétaires privés souhaitant réhabiliter un bâtiment ancien, notamment en ce qui concerne l’amélioration de ses performances énergétiques et le traitement de pathologies (défauts structurels, humidité …), et ceci indépendamment du fait qu’il soit protégé ou non.
C’est la récente démolition de la gare d’Ettelbruck, témoin incontestable de l’évolution économique et sociale du pays, qui a motivé les pétitionnaires à relancer le débat. Ils rappellent qu’au niveau communal, la protection du patrimoine se résume bien souvent à une «protection du gabarit» qui permet la démolition d’un immeuble sous condition que le nouvel immeuble qui vient le remplacer soit construit respecte les mêmes alignements et dimensions extérieures. L’actuelle politique de densification se fait bien souvent au détriment du bâti ancien, regrettent-ils et de nombreux immeubles sont également sacrifiés sous prétexte de leurs mauvaises performances énergétiques.
En même temps protéger des bâtiments des années cinquante alors qu’ils sont énergivores et qu’ils ne représente pas vraiment des bâtisses significatives d’un patrimoine ? Où est l’intérêt et quand on sais que la rénovation de vieux bâtiments au normes est exigences techniques actuelles coûte jusqu’à 5 plus cher comment financer cela ?