Contrainte de quitter la ville le 24 septembre, l’ONG a pu reprendre ses activités en octobre suite à l’accord de cessez-le-feu mais la situation sur place reste compliquée.
Le 24 septembre dernier, alors que l’offensive israélienne redoublait sur Gaza, Médecins sans frontières (MSF) se voyait contraint de quitter la ville. Un départ qui ne signifiait en rien la fin du travail des équipes sur le terrain. «Malgré la suspension des activités médicales de MSF, l’organisation a toujours continué de soutenir les activités essentielles des hôpitaux du ministère de la Santé, notamment ceux d’Al-Helou et d’Al-Shifa», rappelle Cristina Fernández, Communication and Advocacy Officer pour MSF Luxembourg.
À la suite du cessez-le-feu négocié entre Israël et le Hamas, le 10 octobre dernier, plus de 402 488 mouvements de déplacement ont été enregistrés du sud vers le nord. Après analyse de la situation, l’ONG a donc décidé de retourner en ville pour reprendre peu à peu ses activités malgré un système de santé en ruines. Le 15 octobre, elle a ainsi rouvert sa clinique de soins des plaies à Gaza et soigné plus de 640 blessés depuis. «Les équipes de MSF surveillent et évaluent actuellement la situation dans le nord de Gaza afin de déterminer si les conditions permettent une reprise sécurisée des activités, ajoute Cristina Fernández. Concernant les autres zones, dans le sud de Gaza, les équipes de MSF continuent de fournir des soins vitaux.»
La mission est d’autant plus difficile que les bombardements ne se sont pas arrêtés malgré le cessez-le-feu. Depuis son instauration, près d’une centaine de personnes ont perdu la vie et plus de 300 ont été blessées. «Je suis ici depuis trois semaines et demie et j’ai été témoin de nombreuses victimes ; j’ai pris en charge de nombreux patients souffrant de traumatismes, raconte le médecin urgentiste Morten Rostrup. Et maintenant, cela fait une semaine que le cessez-le-feu a commencé. J’ai vu quelques nouveaux cas de traumatismes. Les gens sont très inquiets à l’idée qu’une guerre totale reprenne.»
Deux millions de personnes sans toit
Depuis le 14 octobre, MSF a également repris la distribution d’eau par camion-citerne dans la ville de Gaza. Pendant neuf jours consécutifs, l’ONG a fourni entre 90 000 et 180 000 litres d’eau potable par jour, répartis sur 9 à 14 sites de distribution. Mais le problème sur place reste toujours le même : un manque cruel de matériels médicaux, de médicaments, de nourriture, d’eau et d’abris. Deux millions de personnes s’apprêtent à affronter l’hiver sans toit.
MSF exhorte donc les autorités israéliennes à permettre un acheminement «suffisant et sans entrave» de l’aide humanitaire. «Parallèlement, le mécanisme de coordination humanitaire dirigé par l’ONU doit être rétabli afin de garantir un accès sûr et impartial à l’aide pour toutes les personnes dans le besoin, où qu’elles se trouvent dans la bande de Gaza.» Les évacuations médicales de patients nécessitant des soins spécialisés doivent également reprendre. «Celles-ci sont actuellement stoppées à la fois par les autorités israéliennes et par le manque de volonté politique des pays à accepter des patients, comme c’est le cas du Luxembourg», précise Cristina Fernández.
Deux personnes évacuées vers le Luxembourg
Le Grand-Duché n’a jusqu’à présent accepté d’accueillir que deux personnes. Insuffisant pour MSF qui rappelle que le pays «dispose d’un système de santé solide, d’hôpitaux compétents et de la capacité d’offrir des soins spécialisés à des patients grièvement blessés ou souffrants de multiples pathologies.»
Si près de 8 000 patients ont déjà été transportés, environ 15 600 personnes attendent encore une évacuation médicale depuis la bande de Gaza. Dans une lettre adressée aux dirigeants du monde entier, le président international de MSF, Javid Abdelmoneim, demande à ce que les Etats augmentent «de manière drastique» les évacuations. «Des mesures décisives doivent être prises dès maintenant pour contribuer à mettre fin au cycle de violence extrême et implacable.»
Un médecin de MSF toujours emprisonné
Arrêté le 26 octobre 2024 par les forces israéliennes lors d’une opération militaire à l’hôpital Kamal Adwan, le docteur Mohammed Obeid, chirurgien orthopédiste, est détenu depuis près d’un an sans pouvoir entrer en contact avec sa famille. MSF espérait que l’accord de cessez-le-feu puisse entraîner sa libération mais celui-ci est toujours détenu. «Son conseiller juridique a réussi à le voir en détention, mais pas aussi fréquemment que nous l’espérions. Après presque un an de détention, nous restons profondément préoccupés par sa sécurité et son bien-être.» Son cas n’est pas isolé : selon l’OMS, plus de 300 travailleurs de la santé de Gaza sont détenus par les forces israéliennes depuis octobre 2023.