L’AMMD met le gouvernement devant le fait accompli. Certains de ses membres ouvriront une «clinique» au Findel dans quelques mois. Les socialistes veulent des réponses claires de la ministre.
L’ancien ministre socialiste de la Santé et actuel député Mars Di Bartolomeo est en ébullition. Sa colère est dirigée vers les membres de l’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD), qui non seulement ont résilié les conventions qui lient la profession avec la Caisse nationale de santé (CNS), mais qui forcent la main au gouvernement en créant une clinique privée au Findel.
«Il s’agit-là d’une attaque plus ou moins concertée contre le système de santé et le financement de la santé solidaire», accuse-t-il. Dans son dernier communiqué, l’AMMD annonçait vouloir négocier l’autonomie tarifaire des médecins et médecins-dentistes, avec une mise à jour régulière des actes sur avis du Collège médical et une tarification établie avec tact et mesure, laissant à la CNS le soin de définir la hauteur de sa participation. «Cela illustre bien une attaque claire et nette contre notre système», ajoute Mars Di Bartolomeo.
Les socialistes ont demandé cette semaine à entendre la ministre Martine Deprez au cours d’une réunion de la commission de la Santé et de la Sécurité sociale et son président, Marc Spautz (CSV), n’a pas hésité à donner une suite favorable à leur requête. Lundi, la ministre de la Santé devra livrer la position du gouvernement sur les dernières annonces de l’AMMD.
Les professionnels estiment que dans un système solidaire, un assureur privé doit être incité à prendre ses responsabilités pour compléter les prises en charge des patients. «En d’autres mots, c’est un système à deux vitesses, une médecine de classe qu’ils revendiquent», s’exaspère le député et vice-président de la commission Santé. Les médecins proposent des tarifs et la CNS est libre de rembourser ce qu’elle veut. Le patient est obligé de payer et, s’il veut être remboursé, il prend une assurance complémentaire privée. Pour ceux qui en ont les moyens.
Un site web déjà en ligne
«L’un des principaux arguments et avantages du système actuel, c’est l’accès universel, c’est le financement solidaire, celui-là même que l’AMMD remet en cause, du moins une partie de ses membres, car ils ne sont pas tous d’accord avec la dénonciation de la convention», précise Mars Di Bartolomeo. Cette situation lui rappelle celle vécue il y a plus de vingt ans sous la coalition CSV-DP. «Nous avions eu le même débat quand le ministre Carlo Wagner plaidait pour un déconventionnement, mais suite aux réactions très musclées de mon parti et d’une large partie de la population, cela a été abandonné.» En compensation, les médecins et médecins-dentistes avaient eu droit à une augmentation sensible de leurs tarifs.
Le pompon dans ce bras de fer reste la création de la «Findel Clinic», qui ouvrira ses portes le 1er mars, avec un site web déjà en ligne. «Une clinique, c’est un établissement où on peut également procéder à des opérations, comme dans un hôpital. Ils veulent créer cette impression que c’est une clinique, mais c’est une maison médicale financée par des investisseurs privés, dont certains sont médecins, d’autres non», précise le député. La ministre de la Santé, Martine Deprez, a déclaré à nos confrères de RTL qu’il s’agissait d’un projet immobilier. «Non, il s’agit bien d’un projet de clinique privée, porté par des investisseurs privés dans une société mixte entre investisseurs extérieurs et médecins», insiste-t-il.
«C’est la catastrophe !»
Les socialistes ont le gouvernement dans leur viseur. Le CSV et le DP n’ont jamais été avares en critiques en ce qui concerne la politique de la santé menée par les socialistes pendant des décennies. Ils ont critiqué le projet sur le virage ambulatoire et ils ont promis des modifications. Ils ont retiré le projet sur les sociétés médicales et se sont engagés à en déposer un nouveau. Mais toujours rien à l’horizon depuis deux ans. La ministre avait annoncé lors d’une réunion de commission, récemment, que le projet de loi serait prêt pour la fin de l’année.
«La ministre, depuis des mois, botte en touche et elle déclare aujourd’hui qu’il ne s’agit pas d’une clinique, mais d’un projet immobilier! Pendant ce temps, les médecins marquent des points et nous mettent devant des faits accomplis. Soit le gouvernement est tacitement d’accord avec cette évolution, ce qui est très grave, soit il n’est pas à même de fournir des réponses. Et là, c’est la catastrophe», craint déjà Mars Di Bartolomeo.
Dans la déclaration gouvernementale, la coalition a promis une ouverture aux médecins qui veulent créer des sociétés médicales. «Ce qui se produit maintenant, ce n’est pas une ouverture, ce sont des dégâts», conclut le député socialiste et ancien ministre de la Santé et de la Sécurité sociale.