ÉLIMINATOIRES EURO U21 Les rescapés de l’accident de Languidic, jeudi soir, seront sur le terrain ce mardi soir, à la Frontière, contre les Féroé. Avec le sentiment d’être miraculés.
Ce soir, à Esch-sur-Alzette, les espoirs luxembourgeois lancent leur campagne des éliminatoires de l’Euro après un accident spectaculaire heureusement sans conséquence dramatique, en France, à la veille du match qu’ils devaient disputer contre les Bleuets à Lorient. Après avoir vu l’UEFA annuler la rencontre et avoir été rapatriés en train, ils ont eu trois jours pour oublier ce qui leur était arrivé. Et ils n’y arrivent pas.
Comment allez-vous, un peu plus de trois jours après cet accident de bus qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques ?
Mario Mutsch : Pour le moment, on ne peut pas encore voir dans les têtes. Mais je cherche une communication très ouverte avec mes joueurs. À notre retour, des psychologues sont venus nous expliquer qu’il y avait plusieurs phases qui suivaient ce genre d’accident et que cela pouvait durer environ quatre semaines. Avec des cauchemars, par exemple. Je demande un feedback à tout le monde jusque dans les séances et je me rends compte que certains ont du mal à dormir, se réveillent en pleine nuit. C’est normal. On réagit tous différemment à ce genre d’évènements. Ce que je sais, c’est qu’on est passés tout près d’une catastrophe très grave. Sans la rambarde de sécurité, notre bus se serait couché sur le flanc et il y aurait eu des morts. On a eu énormément de chance. Et on essaye de l’oublier. On essaye de ne plus trop en parler. Moi, je travaille avec un coach mental. Je peux m’ouvrir à lui. C’est une solution que j’ai proposée aux joueurs. Ils doivent trouver leur chemin.
Comment était-ce, dans ce bus ?
Sur la base des photos publiées dans les journaux, je comprends que les gens ne se rendent pas bien compte. Le bus roulait à haute vitesse et il a versé à 90 km/h dans le fossé. Cela lui a pris 150 m pour s’arrêter, le long de la rambarde, sachant qu’un peu avant et un peu après, il y avait des piliers en béton sur la route. On a eu beaucoup de chance d’avoir cet accident loin de ces piliers. Et heureusement aussi que l’un des membres du staff s’est aperçu qu’on quittait notre trajectoire. Cela nous a permis de nous préparer à l’impact. Se tenir à quelque chose, au moins. Parce que certains de mes joueurs ont volé, dans ce bus. J’ai retrouvé notre entraîneur des gardiens, Laurent Mond, couché à mes pieds.
Sans la rambarde de sécurité, il y aurait eu des morts
L’équipe pour affronter les Féroé, vous la concevez sur une base tactique ou psychologique ?
Les deux. On nous a aussi dit, en tout cas, que le sport faisait du bien. Pendant une heure trente, tu ne penses pas à autre chose, au moins.
Comment vont les corps? Un accident, même sans problèmes avérés, laisse souvent des séquelles invisibles.
Chacun a l’occasion de voir les kinés. Et je remarque qu’ils sont très, très demandés depuis quelques jours. Et tant mieux. Qu’ils y aillent. On ne peut pas voir ce qui se passe dans un corps. Moi-même, j’ai beaucoup de tensions dans le corps. Le choc a été énorme.
Le match contre les Féroé, c’est un petit miracle si vous le gagnez, vu les circonstances ?
On ne sait jamais. Nous sommes des êtres humains et ce genre de choses peut nous forcer à nous surpasser. On peut déjà s’estimer heureux de jouer un match. Oui, on a de la chance de pouvoir encore jouer au foot. Et après le match, je ne ferai de reproches à personne.
Certains de nos joueurs ont du mal à dormir
Certains de vos garçons auraient-ils voulu jouer contre la France, juste pour ce que pouvait représenter ce match, pour eux ?
Moi, je n’avais aucun doute sur le fait qu’on ne jouerait pas. Et si on nous avait demandé de le faire, j’aurais refusé de jouer. Les gens ne peuvent pas se rendre compte parce qu’ils n’étaient pas dans ce bus avec nous pour se rendre compte à quel point on a eu de la chance. Quand le car s’est immobilisé, j’ai eu 45 secondes de sidération, sans aucun sentiment. Pas de peur, pas de joie. Je ne comprenais juste pas ce qu’il se passait. Quant aux joueurs, je ne sais pas si certains auraient aimé le jouer, ce match. Certains se disent peut-être qu’ils ne seront plus là pour affronter la France, dans un an (NDLR : la rencontre a été remise à octobre 2026). Mais je peux me poser la même question : mon contrat se termine bientôt.
Depuis ? Les déplacements en bus…
Hier (NDLR : dimanche), on en a pris un pour aller à l’entraînement. Dans ces bus modernes, qui freinent tout seuls en cas d’obstacle ou qui redressent si on se rapproche trop de la ligne, il y a des bruits, des vibrations. Alors le moindre mouvement nous ramenait là-bas… C’est encore trop frais dans nos têtes. Mais on doit rester positifs sur le sujet : monter dans un bus, c’est ce que les footballeurs font tous les jours.
Comment prépare-t-on une rencontre dans ces conditions? L’aborde-t-on vraiment avec une chance d’y faire quelque chose? Mario Mutsch n’a pas la réponse. «On s’est préparés comme on a pu, c’est-à-dire du mieux possible.» En face, il y aura le surprenant leader de groupe, dont les ambitions de jeu ne semblent pas folles, mais qui excelle en bloc bas et a surpris de la sorte l’Estonie et l’Islande. «Il faudra des joueurs calmes, techniques, sereins. Et être au clair dans tout ce qu’on fait.» Pas évident à mettre en place avec des garçons encore secoués par ce qui leur est arrivé et en train d’essayer de retrouver une forme de paix intérieure. «Mais au Luxembourg, on doit prouver à chaque match, surtout que désormais, il y a des attentes dans toutes les catégories. Je vais redemander à mes joueurs d’être humbles et de bosser dur.»
Lundi
Estonie – Islande
Mardi
19 h 30 : Luxembourg – Féroé
Classement
1. Îles Féroé 6 (2;+2)
2. Suisse 3 (1;+2)
3. Luxembourg 0 (0;0)
. France 0 (0;0)
5. Islande 0 (1;-1)
6. Estonie 0 (1;-3)