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«Marga», un refuge pour les femmes toxicomanes à Neudorf


En plus d’une équipe de cinq éducatrices, les résidentes peuvent compter sur le chien thérapeutique Henri. (Photos : Fabrizio Pizzolante)

Longtemps dans les tiroirs, le projet d’une structure pour femmes toxicomanes à Luxembourg se concrétise enfin avec la maison «Marga» installée dans le quartier de Neudorf.

Sous le pont de l’autoroute A1, dans une vieille maison en contrebas de la rue de Neudorf, l’endroit sombre et bruyant ne fait pas rêver. Mais il a le mérite d’exister.

Des années que le Conseil national de défense sociale (CNDS) qui gère l’Abrigado – institution d’aide aux personnes souffrant de toxicomanie implanté à Bonnevoie – réclamait un lieu spécifiquement dédié à l’accueil des femmes.

Chaque jour, elles sont environ une centaine à fréquenter le centre de consommation de drogues près de la gare, soit un peu moins de 20% des visiteurs.

Un cocon entre femmes

C’est là que l’idée d’une structure réservée aux femmes a germé : une petite pièce avait été aménagée pour permettre à ces bénéficiaires de prendre un peu de temps pour elles, comme une parenthèse dans le tumulte du quotidien dans la rue.

Les femmes profitaient de ce cocon pour se maquiller, se coiffer, se faire les ongles, ou simplement discuter autour d’une tasse de café. Un moyen aussi de libérer leur parole, à mesure que la confiance se tissait avec les encadrants, et donc de mieux les aider.

Il est prévu de lancer un programme de substitution prochainement au sein de «Marga». (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Appartenant à la Ville de Luxembourg et inoccupée jusque-là, la maison «Marga», qui a ouvert ses portes le 1er décembre dernier à Neudorf après un sérieux ravalement, leur offre désormais cet espace protégé, ce refuge, dont elles ont tant besoin.

Des gestes simples mais rares

Car pour ces femmes, dont la plupart sont sans-abri et subissent la prostitution, les gestes les plus simples sont devenus rares : cuisiner un plat, partager un jeu de société, ou se poser au calme, sous un plaid.

Financée par le ministère de la Santé et la Ville de Luxembourg, l’inauguration de la maison «Marga» ce jeudi marque donc une avancée importante dans le soutien apporté à cette population extrêmement vulnérable.

Une première du genre

C’est la première structure d’accueil pour toxicomanes à proposer à la fois un espace de repos dans la journée, à l’abri de toute violence, des soins médicaux, y compris gynécologiques, et une offre d’aide et de soutien.

Pilotée par le CNDS, elle répond aux besoins spécifiques de ces femmes, notamment en situation d’urgence, face aux différentes formes de violence – psychologiques, sexuelles, physiques – et aux problèmes de santé, tant physiques que mentaux, qui se cumulent souvent.

Aucun jugement

Autant de facteurs qui, combinés à une grande précarité, exposent les femmes toxicomanes à toutes sortes d’abus et compliquent leur prise en charge dans les centres d’accueil existants.

La ministre de la Santé, présente jeudi, a indiqué qu’elle souhaitait mettre en place d’autres lieux comme celui-ci. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Point fort de la maison : son espace non mixte, où les bénéficiaires peuvent consommer en toute sécurité, tout en accédant à un accompagnement pour réduire les risques.

Un cadre bienveillant où elles ne sont pas jugées, et où elles peuvent aussi amorcer, si elles le souhaitent, un travail de stabilisation de leur consommation.

Une stratégie de décentralisation

Concrètement, les services proposés incluent consultations médicales, soins des plaies, substitution à bas seuil et activités structurantes, afin de favoriser leur réhabilitation. La distribution de médicaments en doses quotidiennes, associée à des activités préventives, contribue à la stabilité des résidentes.

Innovante, cette structure s’inscrit dans la stratégie nationale de décentralisation des centres d’accueil des toxicomanes, qui vise à garantir un accès équitable et optimal aux services.

Quinze places disponibles

Le ministère espère aussi désengorger l’Abrigado, mais vu le peu de places disponibles – une quinzaine seulement – et l’éloignement du centre-ville, pas sûr que cela suffise. Quoi qu’il en soit, l’accueil des femmes à Bonnevoie continuera comme avant, «Marga» étant un service complémentaire.

Présente jeudi soir pour couper le ruban, la bourgmestre Lydie Polfer a souligné : «Cet endroit nous a paru judicieux, ça reste sur le territoire de la ville tout étant un peu excentré, pour que les femmes puissent être tranquilles.»

«Elles ont des vies difficiles et ici, elles trouvent dans la journée un peu de paix. J’espère que cela aidera certaines à se libérer de la dépendance.»

Sur trois étages, la maison offre deux chambres mansardées avec trois lits chacune, une grande salle de bain, une cuisine conviviale, un coin salon avec canapé d’angle et petites tables, et une pièce relaxante avec des lumières projetées au plafond.

Il y a aussi une salle de consultation équipée, et pour la consommation de drogues, même principe qu’à l’Abrigado, une salle spéciale est prévue, ainsi que deux cabines installées dans le jardin.

La maison «Marga» au 530 rue de Neudorf est ouverte tous les jours de 10 à 16 heures. Accès en bus, ligne 9.

De nouveaux containers pour l’Abrigado

Depuis 21 ans, l’Abrigado (anciennement «Fixerstuff») à Bonnevoie constitue une structure d’accueil et d’hébergement d’urgence avec salle de consommation à moindre risque pour les toxicomanes. Une offre à bas seuil gratuite et anonyme qui se présente comme un lieu de protection et de repos pour les usagers. Les containers de la route de Thionville abritent à la fois le Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, le service médical, l’échange de matériel de consommation et la salle de consommation.

En 2023, celle-ci a enregistré près de 44 517 passages, soit 136 visites par jour en moyenne. Quant au service médical, il assure 1 200 consultations par mois, dont 21% concernent des femmes. Face à cette affluence, et alors que les containers actuels montrent des signes de faiblesse, la construction d’un bâtiment supplémentaire sur le site est programmée. Un projet annoncé il y a un an par la ministre de la Santé et qui devrait se réaliser d’ici 2026.