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Marc Spautz : «Cette alliance avec l’AfD est à 100 % regrettable»


Marc Spautz, chef du groupe parlementaire chrétien-social, dit ne plus rien comprendre. Le virage à 180 degrés de son parti frère le déçoit.

Les chrétiens-démocrates allemands n’ont pas rechigné à obtenir les voix du parti d’extrême droite AfD pour faire voter des résolutions sur l’immigration. Et ça fait vraiment désordre.

Le tabou a été brisé en Allemagne, et le cordon sanitaire par la même occasion, mercredi, alors que la CDU (Union chrétienne-démocrate) et l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) parti d’extrême droite, ont uni leurs voix au Bundestag pour voter deux résolutions parlementaires proposées par Friedrich Merz, chef de file de la CDU (lire aussi en page 11). Ces textes qui concernent l’immigration visent notamment à rétablir de manière permanente les contrôles aux frontières.

Ces deux partis, avec l’aide du FDP (Parti libéral démocrate), sont parvenus à réunir 348 votes positifs, alors que 345 étaient contre et 10 se sont abstenus.

«Je n’y comprends plus rien», nous confie Marc Spautz, le chef de la fraction des chrétiens-sociaux à la Chambre des députés. Il répète inlassablement être complètement opposé à la réintroduction des contrôles aux frontières «qui vont à l’encontre d’une Europe unie». Le député CSV démonte les arguments de ceux qui y sont favorables : «Les attentats qu’a connus l’Allemagne ont été perpétrés par des individus qui vivaient déjà depuis longtemps dans le pays, et un contrôle aux frontières n’auraient rien changé», analyse-t-il., estimant que c’est à l’Union européenne de renforcer ses frontières extérieures, mais pas à l’intérieur du bloc.

Quant à l’alliance de son parti cousin avec l’extrême droite, elle le chagrine profondément. «Officiellement, je ne fais jamais de déclarations en ce qui concerne les partis des autres pays, mais je suis quand même étonné de la direction prise par la CDU dans ce dossier.» Il a encore très clairement en souvenir les déclarations de Merkel et de Kohl, pro-immigration.  «On assiste à un virage à 180 degrés dans la politique migratoire et cette alliance avec l’AfD est à 100 % regrettable», se permet-il de dire quand même.

Comme beaucoup, il estime que la fermeture des frontières «ne fera que causer des problèmes économiques dans la région de Trèves, entre les travailleurs frontaliers qui viennent gagner leur vie au Luxembourg et les Luxembourgeois qui vont faire leurs achats à Trèves», fait-il remarquer.

Beaucoup plus virulent, l’ancien député européen et ancien président du CSV, Frank Engel, déclare sur Facebook que «la CDU en Allemagne ne peut plus être mon parti de référence». Celui qui a quitté la politique depuis son échec aux dernières législatives sous les couleurs de Fokus, dit assister depuis plusieurs années «à une intensification de la haine politique, qui s’installe au même titre que le savoir politique et la culture politique».

Il fustige l’orientation prise par la CDU qui a trouvé, depuis mercredi, un nouveau partenaire de coalition possible : l’AfD. «En Allemagne, aujourd’hui, tous les critères éthiques ont été jetés par-dessus bord», écrit-il. «On ne peut pas commémorer les 80 ans de la libération d’Auschwitz et voter avec les fascistes», poursuit-il. «Tout cela me fait mal parce que je n’ai jamais voulu ça. Voter avec les nazis, ou d’autres fascistes, extrémistes de droite, ne me serait jamais arrivé», assure-t-il, avant de conclure que mercredi, «la CDU a perdu son âme».

«Le jour du déshonneur»

Autre réaction, celle de David Wagner, député déi Lénk, pour qui c’est «le jour du déshonneur». Sur Facebook également, il déclare «qu’il n’y a pas de quoi rire». Il note que les voix de FDP (Parti libéral démocrate, cousin du DP) se sont jointes aussi à celles de la CDU/CSU et de l’AfD. «Ces partis trouvent des points communs idéologiques avec le parti successeur du Parti national-socialiste des travailleurs allemands.

Pour le député déi Lénk, «ces partis tombent en disgrâce». Il attend que leurs «partis frères luxembourgeois, le CSV et le DP», trouvent «les mots justes». En lorgnant du côté de la France, il critique aussi l’actuel Premier ministre, François Bayrou qui «se transforme de plus en plus en chef du gouvernement non pas de la France, mais de Le Pen».

Jusqu’ici, les partis traditionnels en Allemagne avaient exclu toute coopération avec l’extrême droite au niveau fédéral. La fin d’une ère, car les chrétiens-démocrates avaient prévenu qu’ils étaient prêts à faire adopter leurs résolutions avec le soutien du parti d’extrême droite AfD. C’est chose faite et ce changement de cap jette la consternation en Allemagne comme ailleurs en Europe.