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Marc Goergen : «Il n’y avait pas de place pour les autres membres du parti»


«Peu importe l’option que prendra le parti, je ne veux pas être en première ligne, ce n’est pas mon caractère», assure Marc Goergen. (Photo : fabrizio pizzolante)

Le député Marc Goergen, devenu pour Sven Clement son pire ennemi, n’exclut pas un nouveau départ pour les pirates. Mais il faudrait d’abord que Sven Clement change son caractère, s’il veut rester dans le parti qu’il a cofondé. La survie des pirates est menacée.

Comment avez-vous rejoint les pirates aux côtés de Sven Clement ?

Marc Goergen : J’ai fait la connaissance de Sven Clement en 2012. Nous nous sommes rencontrés lors d’une manifestation « Freedom not Fear« , pour la protection des données. À ce moment, j’étais politiquement indépendant et neutre après avoir quitté le Parti démocratique. Il m’a demandé de rejoindre le Parti pirate et, comme nous partagions les mêmes valeurs et les mêmes idées, j’ai accepté.

L’idylle a duré quelques années, vous étiez vice-président de 2012 à 2015, puis les choses se sont gâtées. À quel moment précis ?

Tout a basculé lors d’un congrès organisé à Pétange fin 2014 où des membres réunis autour de Sven ont tout fait pour m’éjecter du comité avec d’autres personnes aussi. J’ai senti que le parti était bien content d’avoir un financement étatique, vu nos résultats aux élections législatives de 2013, et qu’à partir de ce moment-là, un petit groupe s’est dégagé autour de Sven Clement et qu’ils se sont chargés de distribuer l’argent. C’est juste mon sentiment. J’ai moi-même quitté le parti en 2014 avant que Sven vienne me rechercher en 2017 pour les élections communales.

Et vous réapparaissez comme coordinateur du parti lors d’un congrès en janvier 2019…

Oui, parce qu’ils n’avaient pas d’autre choix. Ce petit comité qui avait été mis en place autour de Sven Clement a perdu les élections communales de 2017, à part Pétange où nous avons eu deux élus, Starsky Flor et moi-même, et Remich avec Daniel Frères, parce que nous avons mené une campagne différente. Pour les élections législatives de 2018, en suivant notre concept, nous avons obtenu deux sièges au Parlement. Donc, au congrès, j’ai été élu pour devenir coordinateur, face à la candidature d’Andy Maar, qui est fâché avec moi depuis lors, mais je peux le comprendre.

Il faut reconnaître que les tensions sont venues assez rapidement au sein du Parti pirate…

Non, pas vraiment. La situation a vraiment explosé quand Ben Polidori a donné sa démission. Avant, on a essayé de trouver des consensus entre les différents camps. Sven Clement est un personnage qui a beaucoup de compétences et qui est très intelligent, mais il sait aussi le montrer. Il se plaçait toujours au-dessus du lot, et il n’y avait pas de place pour les autres membres du parti. Quand il avait une idée en tête ou un projet, tout le monde devait suivre. Pendant la dernière campagne des législatives, les autres candidats ont demandé un peu plus de visibilité, mais il nous faisait croire que lui seul était sollicité par les médias. Nous avons deux porte-paroles, par exemple, qui n’ont jamais été invités à des débats ou pour des interviews.

Quelle ambiance régnait entre vous le soir des élections législatives, dans votre quartier général ?

Sven était très content ce soir-là, mais il a complètement ignoré ses autres colistiers.

(Sven Clement) a surtout cassé du sucre sur le dos des autres pour éviter de parler du sujet MALT

Comment vous arrangiez-vous à trois à la Chambre des députés ?

Sven et moi avions un arrangement, je le connais par cœur, on intervenait selon les thèmes abordés. Ben Polidori, lui, n’a pas supporté le comportement de Sven. Par exemple, il y a trois semaines, nous devions voter une motion concernant le Science Center pour avoir accès à l’audit. Ben voulait intervenir, mais Sven a de suite levé la main et s’est exprimé à sa place. Autre exemple, il nous a demandé d’intervenir, en son absence ce jour-là, pendant l’heure d’actualité demandée par l’ADR et consacrée aux retraites.

Mais il a fait son apparition à la dernière minute et a pris la parole. Il s’impose partout, tout le temps. Il ne laisse pas de place aux autres membres du parti. Le 15 juillet, Ben Polidori a craqué et il a quitté le parti. Entre le comportement de Sven, qui voyage beaucoup et se vante de ses privilèges, ses affaires avec le dossier MALT qui confond des intérêts privés avec ceux du parti, c’en était trop pour Ben. Sven me reproche, pendant ce temps, d’aller chez McDonald’s.

Est-ce que les résultats des dernières législatives n’ont pas participé à alimenter des rancœurs alors que les sondages donnaient jusqu’à sept sièges à votre parti ?

Non, les législatives n’ont pas été un échec, nous avons obtenu trois députés. On nous disait plutôt que les pirates allaient disparaître en 2018 comme ils ont disparu dans d’autres pays, un peu comme les verts qui ont connu une dégringolade au niveau européen. Il faut être honnête et reconnaître que tout a bien fonctionné pendant cinq ans. Nous avions de bons sondages et toujours plus de membres.

Dans quel état se retrouve le parti aujourd’hui ?

Dans un sale état. Tout le monde est touché, parce que nous sommes le parti qui milite pour la transparence et nous avons un scandale au sein même du parti avec cette affaire MALT. Tout le monde est un peu démotivé et se demande comment cela a pu arriver.

L’affaire MALT est actuellement à l’instruction. N’empêche que l’Office national de l’accueil (ONA), qui s’est senti lésé par cette application de traduction mise au point par une société de Sven Clement, mais proposée par le Parti pirate, réclame aujourd’hui le remboursement de 92 000 euros. Qui va les payer ?

Le parti était prêt à faire un crédit pour rembourser cette somme. Mais au soir du 15 juillet, lors d’une réunion à notre siège, le parti a demandé que 17 000 euros soient remboursés par la société de Sven Clement et Jerry Weyer, mais Sven a refusé, estimant que nous devions tous payer avec nos jetons. C’était le deuxième éclat après la démission de Ben Polidori. Toute cette affaire MALT est nébuleuse et l’ONA a commis des erreurs aussi, je pense, car on ne confie pas à un parti politique ce genre de service.

Vous avez demandé au président de la Chambre des députés d’analyser la comptabilité de la sensibilité pirate, alors que Sven Clement vous reproche, entre autres, d’avoir emprunté de l’argent destiné à payer les frais des députés. Vous avez la conscience tranquille ?

Oui, d’autant que c’est Sven Clement lui-même qui m’a proposé d’emprunter auprès de la fraction. Quant aux autres dépenses, si la Cour des comptes demande de les rembourser, je le ferai tout de suite. Je comprends que Sven soit fâché avec moi puisque j’ai demandé toute la transparence dans le dossier MALT. Mais, lors de sa conférence de presse solo, il a tout confondu, il a balancé des chiffres et livré le nombre de jetons que les autres mandataires ont versé au parti. Il a tout cassé. Il a surtout cassé du sucre sur le dos des autres pour éviter de parler du sujet MALT.

Comment envisagez-vous l’avenir aux côtés de Sven Clement à la Chambre puisque vos statuts vous obligent à un mariage forcé ?

Le parti peut toujours changer ses statuts, mais on ne peut pas changer le règlement de la Chambre des députés. Les membres du parti m’ont demandé de rester et je ne compte pas quitter le parti.

«Sven Clement est un personnage qui a beaucoup de compétences et qui est très intelligent, mais il sait aussi le montrer», affirme Marc Goergen. (Photo : fabrizio pizzolante)

Le Parti pirate va fêter ses 15 ans en octobre prochain, l’ambiance risque d’être tendue…

Cela va être très difficile. Je ne pense pas qu’on puisse faire une fête cette année. Il faut d’abord clarifier tous les dossiers.

La survie du parti est-elle menacée ?

Oui, clairement. Beaucoup dépend de Sven Clement. Il tient à son bébé, mais son bébé ne tient peut-être plus à lui. Il a organisé cette fameuse conférence de presse qui a touché beaucoup de monde et s’il ne s’excuse pas auprès d’eux ni auprès du parti; ça va être difficile de recréer des liens. Pour l’instant, il n’a reconnu aucune de ses erreurs, il pense encore que le parti va payer pour le dossier MALT, qu’il va revenir ici au siège et faire comme à son habitude, c’est-à-dire tout diriger. Cette éventualité paraît exclue, selon les sentiments exprimés par les autres membres du parti.

Est-ce possible d’envisager un nouveau départ sans Sven Clement ?

Encore une fois, c’est vraiment une situation difficile que nous vivons actuellement. Mais c’est aussi une chance de pouvoir repartir sur des bases saines, même avec Sven, s’il est d’accord de changer son caractère, on peut avoir un avenir ensemble, en tant que parti et même à la Chambre des députés. Il doit laisser de l’air pour les autres, pas pour moi, je suis déjà député.

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Nauffrage imminent ?

Comptez-vous aussi des membres dans votre parti qui ne choisissent pas de camp, c’est-à-dire ni le vôtre ni celui de Sven Clement ?

Ceux qui me soutiennent, je leur conseille de ne pas trop s’exprimer en public pour ne pas mettre de l’huile sur le feu et garder toutes les chances de se reconstruire.

Avez-vous eu des contacts récents avec Sven Clement ?

Non, aucun. La dernière fois que je l’ai eu au téléphone, c’était le matin du 15 juillet, quand Ben a décidé de nous quitter. Il ne l’avait pas dit à Sven, c’est moi qui l’ai averti juste avant la conférence de presse sur notre bilan parlementaire. Je ne voulais qu’il débarque devant les journalistes sans le savoir. Le soir même, il nous a dit qu’il s’en fichait et que c’était de toute façon au parti de payer pour MALT. Depuis lors, on ne s’est pas reparlé.

Concernant votre programme politique, comment voyez-vous les choses après ce crash sur la transparence et la protection des données ?

Nous devons être plus clairs en vue des prochaines élections. On lance maintenant une grande campagne interne avec la participation de tous les membres et beaucoup de transparence. Nous serons d’ailleurs le parti le plus transparent du pays. Aucun autre ne fait autant de contrôles et d’audits que nous.

La réforme des nouveaux statuts du parti est-elle déjà bien avancée ?

Nous travaillons bien sur le sujet avec Tommy Klein comme responsable, nous avons déjà une ébauche et elle sera présentée dans les quatre circonscriptions avec des échanges. En novembre ou décembre, il y aura un congrès pour procéder au vote. La plus grande réforme concerne le comité de direction dans lequel apparaîtront d’office tous les mandataires. Neuf autres personnes seront élues lors du congrès et les jeunes pirates seront également représentés par deux membres. Nous voulons une structure très simple. Mon poste de coordinateur sera élargi à une équipe de coordination, par exemple. Nous travaillons depuis longtemps sur la réforme de nos statuts, bien avant l’éclatement du parti qu’a entraîné la démission de Ben Polidori.

Est-ce que vous visez le leadership du Parti pirate ?

Non. D’ailleurs, j’ai proposé moi-même en 2021 que Sven Clement soit notre tête de liste. Peu importe l’option que prendra le parti, je ne veux pas être en première ligne, ce n’est pas mon caractère. Je reste député, et nous avons d’autres personnes qui sont très bien.

Repères

État civil. Marc Goergen est né le 12 janvier 1985 à Luxembourg. Il est marié et père de deux enfants de 3 et 5 ans.

Formation. Après son examen de première, il se forme sur le tas en communication, métier qu’il exerce jusqu’en 2019.

Politique. Après un passage au DP, il décide de rester indépendant avant de rejoindre le Parti pirate en 2012. Il en sera le coordinateur à partir de 2019.

Conseiller. Marc Goergen fait campagne à Pétange pour les élections communales de 2017 et il est élu conseiller, réélu en 2023. Il décide de ne pas cumuler les mandats et quitte le conseil communal de Pétange.

Député. Il entre à la Chambre des députés en 2018 aux côtés de Sven Clement, puis est réélu en 2023.

2 plusieurs commentaires

  1. C’est complètement n’importe quoi, je suis un ancien pirate et ce parti est corrompu jusqu’à la moëlle, choisi ses candidats sans consultation de la base et rembourse à certains des frais et à d’autres pas… magouille et compagnie… avec deux dictateurs à la tête…

  2. Kevin Welter

    Il est évident que le député veut continuer a briller à la chambre, sinon il n’y plus de revenu et de l’argent de la chambre, pour le coiffeur, festoyer aux restos et les rencontres avec ses supporters au McDo.

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