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Marathon en moins de 2 heures : «Kipchoge est-il encore un humain?»


Courir un marathon en moins de 2 heures s'apparente autant à un challenge physiologique qu'à une « guerre intérieure ». L'Homo sapiens (l'espèce humaine) sortira-il grandi de ce défi ? (Montage : Damien Giuliano)

Ce samedi, à 8h15, à Vienne, le Kényan Eliud Kipchoge tentera une nouvelle fois de devenir le premier homme à courir le marathon en moins de 2 heures. Baptisé Ineos 1:59 Challenge, ce défi hors norme fait toutefois grincer des dents Hakim Bagy, coach sportif au Luxembourg et ancien marathonien de haut niveau (record personnel en 2h11’06 »).

« Deux heures pour parcourir 42,195 kilomètres et boucler un marathon… Un Everest à l’échelle de la course à pied, un record longtemps considéré comme impossible pour le corps humain… » Ces propos écrits en 2015 par Ed Caesar dans son best-seller, Deux Heures, ont aujourd’hui une résonance particulière. Car, cette barrière mythique des deux heures n’a, semble-t-il, jamais été si proche de tomber.

En effet, après une première tentative manquée d’un rien (2h00’25 ») en 2017 à Monza (Italie, projet  »Breaking 2 » de Nike), Eliud Kipchoge – qui est sans doute le plus grand marathonien de l’histoire (recordman du monde en 2h01’39 » à Berlin l’an passé, champion olympique, 12 victoires… en 13 marathons disputés) va ce samedi matin (départ à 8h15) retenter sa chance à Vienne. Et aussi bien physiquement que mentalement, le Kényan de 34 ans se dit prêt à abattre ce mur.

Son terrain de jeu dans la capitale autrichienne ? Une boucle plate et roulante de 9,6 km, répétée 4,4 fois et composée de deux longues lignes droites de 4,3 km au cœur du parc du Prater. 41 lièvres (notamment Bernard Lagat, Selemon Barega, Julien Wanders ou encore les trois frères Ingebrigtsen), tous sous contrat avec la marque à la virgule (NDLR : ils porteront d’ailleurs tous les Nike ZoomX Vaporfly NEXT% aux pieds le jour J), se relayeront pour aider Kipchoge dans sa tentative. Chaque meneur d’allure touchera 10 000 dollars. Kipchoge, lui, une prime de 1 million de dollars en cas de réussite.

Regroupés en cinq équipes de 7 (plus 6 remplaçants) formant un V renouvelé tous les 5 km censé protéger du vent la fusée Kipchoge, les lièvres imprimeront une allure de 2’50 » au kilomètre (soit 21,10 km/h) derrière une voiture ouvreuse (drafting). « Soit 17″ par 100 m, 34″ par 200 m, 68″ par 400 m, 28’30 par 10 km, 59’59 au semi », écrit judicieusement ATHLE.ch. Des chronos ahurissants qui permettent de mieux saisir la portée de l’exploit. Même si cette performance incroyable, en raison de l’aide dont il disposera, ne pourra pas être homologuée comme un record du monde. N’empêche, si Kipchoge réussit, elle fera date, marquera l’histoire et inspirera le monde. « C’est comme le premier homme qui a marché sur la Lune, moi je serai le premier homme à courir un marathon sous les deux heures », a glissé Kipchoge prophétiquement mi-août.

« En fait, avec Kipchoge, je pense qu’on est là sur une autre planète, estime Hakim Bagy (51 ans), coach au Luxembourg et ancien marathonien de haut niveau. C’est comme lorsque je regardais Armstrong qui préparait le Tour de France : il était dans une soufflerie pour avoir la position la plus aérodynamique possible. Là, le mec, Kipchoge, est pris en charge par une multinationale (Ineos) qui prend soin de lui et gère tout pour lui. Entre guillemets, lui, il ne fait rien, si ce n’est courir, manger, dormir. »

Opéré du genou il y a six semaines, le parrain du marathon de Metz (qui se déroule ce dimanche) juge la réussite de Kipchoge très probable à Vienne. Même s’il a un avis mitigé sur la question : « Bien sûr, comme ça, on peut faire moins de 2 heures, c’est du domaine du possible. Il est loin de sa famille toute la semaine (NDLR : il s’entraîne jusqu’au samedi matin à Kaptagat avec son groupe  »Global » avant de retrouver pour le week-end son épouse Grace et ses enfants Lyne, Griffin et Jordon), il n’a pas besoin d’appeler le kiné pour se faire masser ni même d’aller chercher son pain. Il ne se préoccupe de rien. Alors oui, c’est beau de le voir courir, il a une superbe foulée et tout. Mais je m’interroge : dans ces conditions, le mec, on le considère encore comme un humain ou une machine ? »

Ismaël Bouchafra-Hennequin

La course est à suivre en direct, via un livestream YouTube