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« Manu » Morales, le cœur rouge et noir


Les collègues de Manuel Morales lui ont rendu hommage, mercredi matin en gare de Luxembourg. (photo Fabrizio Pizzolante)

Manuel Morales, 43 ans, a perdu la vie mardi dans la dramatique collision de Dudelange. Au club de foot de Rodange, personne n’oubliera le conducteur de train des CFL. Un papa venu d’Espagne, ouvrier dans le bâtiment. Une réussite sociale avec le poste aux CFL… Portrait d’un gamin typique du sud du Luxembourg.

Toute la journée de mardi, on a parlé d’une «collision terrible», de la «galère», de l’éternel «problème de la mobilité transfrontalière»… À en oublier que le premier drame de cet accident est humain. Il a un nom et un visage  : Manuel Morales, 43 ans, qui a grandi à Rodange et qui vivait à Lamadelaine.

«Manu était quelqu’un d’une grande gentillesse», lâche Antonio, un pote d’enfance ému. Manu le fils d’immigré espagnol, Antonio le fils d’immigré portugais. Leur passion commune? Le football. Et l’envie de prouver, sur un terrain comme dans la vie, que l’on vaut quelque chose dans ce pays.

À travers leur amitié, c’est toute l’histoire du Sud ouvrier que l’on retrouve. «Son papa était venu du sud de l’Espagne, de Malaga je crois. Il bossait dans le bâtiment. Vous savez comment c’est chez nous : on veut toujours un meilleur métier pour les enfants. » Manu était devenu conducteur de train pour les CFL, «la grande entreprise nationale». Ce n’était pas un rêve de gosse. «Ça lui est venu plus tard », confie Antonio. « Il était très fier de son métier. »» C’est terrible que cette vie bien menée se soit arrêtée si brutalement.

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«Son frère bosse aussi aux CFL, avec tout un groupe d’amis. J’ai été mis au courant du drame en fin de matinée, par SMS. Je n’y croyais pas.» Les nouvelles sont confuses après l’accident. «Dans un premier temps, on me dit : « Il est à l’hôpital, il va s’en sortir. » L’annonce de son décès est venue après, je ne savais plus quoi penser.»

Manu est mort comme un capitaine sur son bateau  : aux commandes. On pourra pleurer toutes les larmes qu’on veut, refaire l’accident cent fois… une réalité brutale s’impose : Manu est mort au travail, pour gagner sa vie, une vie dont il aimait tant profiter. «Il restait attaché à ses racines », glisse Antonio. « Il retournait souvent dans le sud de l’Espagne, même pour un grand week-end parfois. »

Manuel Morales a entraîné par le passé la section féminine du FC Rodange. «C'est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès de notre membre», pouvait-on lire hier sur le compte Facebook du club. (photo Facebook / FC Rodange)

Manuel Morales a entraîné par le passé la section féminine du FC Rodange. «C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès de notre membre», pouvait-on lire mardi sur le compte Facebook du club. (photo Facebook / FC Rodange)

Des souvenirs qui ne s’effaceront jamais

Manuel Morales laisse un frère, une sœur et sa femme dans la tristesse. Quant à ses potes du foot, les bons souvenirs ne sont pas près de s’effacer. «Manu était fan du Real Madrid », sourit Antonio. « Il est même allé les voir jouer une fois. »

Mais son club de cœur, c’était le FC  Rodange  91. Manu le défenseur, Antonio le milieu de terrain : pas de passe téléphonée, un simple regard pour demander le ballon. Tous les footballeurs amateurs qui jouent avec leurs potes d’enfance connaissent ce sentiment. « »Bon, Manu, ce n’était pas toujours un technicien », s’amuse Antonio pour détendre l’atmosphère. « En revanche, il faisait partie de ces défenseurs qui mettent du cœur à l’ouvrage. »

L’envie de prouver que l’on vaut quelque chose. La fierté du Sud, mais du Luxembourg cette fois. Pas cette crânerie, cet amour propre de star. Mais ce point d’honneur à s’en sortir, ce truc qui fait chaud au cœur et qu’on ressent à la première poignée de main, que ce soit à Rodange, à Esch ou à Dudelange. «Manu était discret, réservé même», décrit Antonio.

Pas du style à se mettre en avant, même dans la générosité. «Il a entraîné les équipes réserves du FC Rodange pendant des années », souligne Antonio. « Il avait arrêté il y a deux ans. » Manu continuait à jouer en «vétéran». 43  ans, c’est vieux au football. Mais purée, c’est trop jeune pour partir.

Hubert Gamelon