Les présidents de l’OGBL et du LCGB se disent confiants avant la manifestation de ce samedi, à Luxembourg. Les récentes attaques du patronat auraient encore renforcé la mobilisation.
Combien de personnes vont finalement défiler ce samedi dans les rues de la capitale? Le front syndical refuse d’avancer un chiffre. Les présidents de l’OGBL et du LCGB se sont néanmoins dits confiants, à la veille de ce rendez-vous crucial pour le mouvement syndical luxembourgeois.
«Je suis un peu nerveuse, mais mon état d’esprit est positif. Il y a aussi une certaine réjouissance d’être arrivée au bout d’un travail de longue haleine. Depuis que je suis engagée à l’OGBL, je n’ai encore jamais connu un tel enthousiasme et une si grande mobilisation dans nos rangs. Les échos que l’on reçoit sont également très encourageants», indique Nora Back. De son côté, Patrick Dury est «serein et déterminé. Et je suis également optimiste. Les syndicalistes sont toujours optimistes. La mobilisation me donne un très bon sentiment.»
«Du bon ou du mauvais côté»
L’objectif est clair : augmenter encore la pression tant sur le gouvernement que sur le patronat, qui, selon le chef de file du LCGB, mènent une «attaque sans précédent contre les syndicats et les acquis sociaux, durement négociés au fil des cent dernières années».
Les agissements du Premier ministre, Luc Frieden, qui «dit être le CEO du pays», auraient mené à un «climat social exécrable». «C’est grave», ajoute Patrick Dury, pour qui la manifestation de ce samedi est d’une importance primordiale : «Il s’agit d’une journée où l’on décide si on se situe du bon ou du mauvais côté.»
La liste des discordes majeures entre syndicats et gouvernement est très longue, à commencer par la réforme envisagée des pensions.
OGBL et LCGB dénoncent plus particulièrement la piste qui consisterait à augmenter le nombre d’années de cotisation avant de pouvoir partir à la retraite.
Les autres conflits majeurs concernent le droit du travail, dont la remise en question du droit exclusif des syndicats à négocier et signer des conventions collectives. La libéralisation des heures d’ouverture dans le commerce suscite aussi la colère du front syndical.
Plus globalement, OGBL et LCGB, rejoints en cela par le syndicat de la fonction publique (CGFP), dénoncent l’absence d’un véritable dialogue social, un des piliers du modèle social luxembourgeois.
«Notre volonté de mener un dialogue constructif et de faire des concessions reste présente. Nous ne sommes pas opposés au changement, comme nous le reproche le patronat», clame Nora Back.
Ces derniers jours, le camp patronal a, en effet, lancé une salve d’attaques contre le camp syndical, dénonçant une mobilisation construite sur des «mythes» et qui cherche à s’opposer «à des réformes visant à moderniser et à faire progresser la société et le cadre socio-économique du pays».
«Ces propos nous aident finalement, et il faut même remercier le patronat. Il y a tellement de fausses allégations, des remarques de très bas niveau, qui permettent aux gens de voir le vrai visage des patrons. Ces attaques montrent que le patronat se sent menacé», lance Nora Back.
Patrick Dury se montre encore plus virulent. Il refuse de réagir à «toutes les conneries» qui proviennent des employeurs. «La seule bonne chose est que le salariat dans son ensemble découvre leur vraie pensée», renchérit le président du LCGB.
Autour d’une table le 9 juillet? Décision, lundi
Dans ces conditions se pose la question de savoir quand les syndicats se remettront à la table des négociations, que ce soit avec le gouvernement ou les représentants du camp patronal. Le Premier ministre invite les partenaires sociaux à une (première) réunion de concertation, fixée au 9 juillet.
La CGFP, le syndicat de la fonction publique, compte y participer. Qu’en est-il de l’OGBL et du LCGB? «Aucune décision ne sera prise avant lundi. Il nous faudra d’abord prendre un peu de recul après la manifestation», informe Nora Back.
En principe, le front syndical est disposé à renouer le dialogue. «Nous avons mis des centaines de pages de propositions sur la table, notamment en ce qui concerne les pensions. Aucune négociation n’a encore eu lieu. Si le gouvernement continue à camper sur ses positions, je ne vois pas quelles pourraient être des concessions de la part des syndicats», met en garde Patrick Dury.
Le fait que le chef du gouvernement et le vice-Premier ministre, Xavier Bettel, ait fait, ces derniers jours, des ouvertures dans le dossier des pensions «est déjà un premier succès», note Nora Back.
«J’en ai pris note. Les ministres de la Sécurité sociale et du Travail doivent aussi prendre leurs responsabilités. Pour l’instant, la base de confiance est rompue», souligne Patrick Dury.
La manifestation de samedi sera soutenue par un large front sociétal et politique ainsi que par des organisations syndicales françaises, belges, allemandes, néerlandaises, autrichiennes et portugaises.
En 1982, 80 000 travailleurs mobilisés pour l’index
9 octobre 1973 : 32 000 travailleurs de la sidérurgie défilent dans la capitale. L’ancêtre de l’OGBL, le Lëtzebuerger Arbechterverband (LAV), arrache le droit à un logement moderne, l’égalité des chances et de l’accès à l’éducation, une réforme de la Sécurité sociale, la cogestion des salariés et la généralisation de l’indexation des salaires.
18 décembre 1976 : un front syndical uni mobilise 12 000 personnes pour manifester contre la répercussion de la crise sidérurgique.
5 avril 1982 : grève générale pour l’index, avec 80 000 personnes qui stoppent le travail et bloquent le pays. Auparavant, le 27 mars, 40 000 personnes descendent dans la rue.
21 juillet 1998 : 20 000 fonctionnaires répondent à l’appel du syndicat CGFP pour manifester contre un démantèlement social.
Avril 2003 : 15 000 personnes dans la rue, pour contester la position du gouvernement en faveur de la seconde guerre du Golfe.
16 mai 2009 : les syndicats du pays, tous réunis, mobilisent plus de 30 000 personnes dans la capitale contre le paquet d’austérité ficelé par le gouvernement CSV-DP, à la suite de la crise financière mondiale. Le slogan : «Nous ne voulons pas payer pour votre crise!»