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Maltraitance dans une crèche : la défense fait valoir ses droits


La crèche a été fermée huit mois après les premières dénonciations par une employée.

Ce qui s’annonçait comme un procès-fleuve pourrait arriver à son terme plus rapidement que prévu. La défense a demandé la nullité des actes posés par les différentes juridictions pénales. Et donc du procès.

Six semaines de procès, 24 audiences, une trentaine de témoins et presque autant de parties civiles. Le procès de l’ancienne directrice et gérante de la crèche «Léiwe Léiw» à Bous est prévu jusqu’au 14 janvier. Une employée avait dénoncé des actes de maltraitance de la part de la femme de 53 ans en février 2017 et le parquet avait lancé une enquête après la fermeture avec effet immédiat de l’établissement en octobre 2017 par le ministère de l’Éducation nationale.

L’ancienne directrice est notamment accusée de coups et blessures volontaires sur mineurs de moins de 14 ans. Le parquet estime que les faits auraient débuté à l’ouverture de l’établissement en 2014 et concerneraient aussi bien des adultes – trois collaborateurs de la crèche – qu’une quinzaine d’enfants.

Dix-sept faits reprochés

Le procès a commencé hier après-midi face à la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et pourrait déjà se clôturer cet après-midi si le tribunal décide de donner droit aux moyens invoqués durant toute l’audience par la défense.

Son avocat, Me Burg, tente de faire annuler le procès en dénonçant une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, et donc des droits de la défense, pendant la phase d’instruction de l’affaire. Une affaire qui ne devrait, selon lui, pas être plaidée devant une chambre criminelle.

L’audience était compliquée à suivre pour qui n’est pas un professionnel du droit. Dix-sept faits sont reprochés à l’ancienne directrice et gérante de la crèche, dont un a été requalifié en crime par la chambre du conseil. Il propulse à lui seul toute l’affaire face à une chambre criminelle. Un enfant se serait accidentellement renversé de la soupe chaude sur la jambe au moment du repas et il est reproché à la prévenue de ne pas avoir suffisamment soigné sa brûlure.

Or jamais, sur toute la durée de la procédure, la prévenue et son avocat n’auraient pu prendre position quant à cette décision de requalification, alors que la chambre du conseil avait pour obligation de tenir audience en leur présence, dénonce Me Burg. «Si vous laissez passer cela, cela fera jurisprudence, a anticipé l’avocat. C’est devant vous que nous pouvons pour la première fois plaider à propos de cette requalification.»

«On en fait un spectacle public»

La chambre criminelle devrait donc se dessaisir des seize faits qualifiés de délits. «Ils n’ont pas leur place ici», a estimé l’avocat. «Nous sommes face à une affaire correctionnelle.» Il dénonce une «connexité artificielle» voulue par le parquet, qui mélange les faits concernant les adultes et les mineurs, ainsi qu’une instruction menée à charge et un dossier incomplet qui ne rendrait pas compte de l’ambiance réelle à la crèche.

L’avocat a également soulevé l’exception de libellé obscur avant de demander le huis clos pour, dit-il, protéger l’identité des enfants et éviter de rendre publics les faits dont ils sont supposés avoir été victimes. «On en fait un spectacle public», selon l’avocat, pour qui «la place publique n’a rien à faire dans cette affaire».

Irrecevabilité des moyens

«Qui peut le plus, peut le moins», a répliqué la représentante du parquet, qui a estimé le tribunal compétent pour juger l’affaire. Ce n’est qu’à la fin de la procédure que pourra être décidé si la requalification était justifiée ou pas, précise-t-elle. Quant à l’absence de connexité des faits avancée par Me Burg et au moyen de défense de libellé obscur, elle demande au tribunal de les joindre au fond de l’affaire et de les déclarer irrecevables.

Pour elle, les victimes adultes sont également les témoins de faits concernant les enfants, tous nés entre 2012 et 2016. De plus, les faits ont tous eu lieu dans une même période et en un même lieu.

La magistrate a jugé irrecevable l’ensemble des moyens soulevés par la défense de l’ancienne directrice et gérante de la crèche. Les droits de la défense n’ont, selon elle, à aucun moment été violés, de même que la présomption d’innocence, et l’instruction a bien été menée à charge et à décharge.

Aucun mineur à la barre

Elle a également balayé la demande de huis clos. «Les audiences sont publiques. C’est un principe de l’état de droit», note-t-elle avant de préciser qu’il n’existe aucune base légale pour invoquer le huis clos dans le cas actuel. «Après avoir plaidé pour la presse cet après-midi, vous souhaitez l’écarter pour protéger la prévenue.»

«Aucun mineur ne sera appelé à témoigner à la barre, ajoute-t-elle, et «les parents des victimes ont le droit et le besoin de savoir ce qui s’est passé à la crèche». La décision de poursuivre les débats et sous quelle forme repose à présent entre les mains du président de la 12e chambre criminelle et de ses assesseurs.