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Maisons de naissance : bientôt l’accouchement ?


«Les accouchements se font en principe en milieu hospitalier», souligne la ministre de la Santé, Paulette Lenert. Elle se dit toutefois disposée à établir un cadre légal pour établir des maisons de naissance. (photo Fabrizio Pizzolante)

Le groupe de travail appelé à définir le cadre légal pour enfin permettre l’ouverture de maisons de naissance au Luxembourg se réunira une première fois courant janvier. Aucun échéancier n’est établi.

Bientôt une maison de naissance au Luxembourg? Cette question a été formulée dans notre édition du 7 février 2022. L’article en question était lié à l’introduction, au 1er février dernier, d’une nouvelle nomenclature de la Caisse nationale de santé (CNS) qui est venue élargir considérablement le champ d’activité des sages-femmes. Depuis lors, elles sont habilitées à accompagner les femmes enceintes tout au long de leur grossesse et lors d’accouchements à domicile.

«C’est avant tout une victoire pour les femmes», se réjouissait Nadine Barthel, la présidente de l’Association luxembourgeoise des sages-femmes (ALSF). «Jusqu’ici, leur choix se bornait à trouver un gynécologue et une maternité qui leur conviennent. Désormais, elles pourront bénéficier du suivi par une sage-femme et accoucher ailleurs qu’à l’hôpital si elles le souhaitent.» 

La sécurité avant tout

Si les sages-femmes se voient confier le volet physiologique du suivi de la future mère, le volet pathologique reste l’apanage des gynécologues-obstétriciens. Cela n’empêche pas que le règlement grand-ducal de 2019 sur le statut et les attributions des sages-femmes va assez loin, surtout en ce qui concerne la gestion d’urgences.

En clair, la sage-femme est habilitée à pratiquer, de manière autonome, un «accouchement normal». La définition légale est la suivante : «La sage-femme est le professionnel de santé dont la pratique comporte des actes nécessaires au diagnostic, à la surveillance et à l’accompagnement de la grossesse normale, ainsi qu’à la préparation, à la surveillance et à la pratique de l’accouchement normal.»

En cas d’urgence, et dans l’attente d’une aide médicale obligatoire, la sage-femme est notamment habilitée à pratiquer un «accouchement en présentation du siège» ou, si besoin, une «réanimation du nouveau-né y compris l’intubation».

Des précurseurs jugés hors-la-loi

Paulette Lenert. (archives LQ)

Le nouveau cadre statutaire a cependant créé un flou juridique sur la pratique de naissances en dehors de l’hôpital. «L’accouchement à domicile est possible au Luxembourg», soulignait mardi, en réponse à une question parlementaire de déi gréng, la ministre de la Santé, Paulette Lenert. Elle précise que «les sages-femmes sont habilitées à effectuer, sous certaines conditions, des accouchements en milieu extrahospitalier». La condition primordiale est qu’un «accouchement normal» est à attendre (lire par ailleurs), en l’absence de «pathologie maternelle, fœtale ou néonatale pendant la grossesse».

En septembre, finalement, le centre de périnatalité «Lunata», installé à Bertrange, a pris les devants. Dans cette toute première maison de naissance, trois bébés ont vu le jour. Illégal a tranché, le 7 décembre, Paulette Lenert. Des «déficiences» auraient été constatées par la direction de la Santé. Plus concrètement, la ministre a renvoyé vers un cadre légal qui ne permettrait pas la pratique de naissances dans une structure extrahospitalière spécifique.

En réponse aux députés verts Josée Lorsché et Marc Hansen, Paulette Lenert rappelle que «les accouchements se font en principe en milieu hospitalier». «C’est en effet le service d’obstétrique d’un hôpital qui est chargé du diagnostic, du suivi et du traitement de la femme et de l’enfant, notamment lors de l’accouchement, et qui assure le suivi postnatal immédiat de la mère et de l’enfant, par l’intervention coordonnée des professionnels concernés», développe-t-elle, avant de renvoyer vers la présence d’un service de soins intensifs de néonatologie intensive qui, en cas d’urgence, peuvent directement prendre en charge la maman ou le nouveau-né.

La ministre socialiste garde toutefois la porte ouverte pour la création de maisons de naissance au Luxembourg, à l’image de ce qui se fait déjà dans la Grande Région. Dès le mois de juillet, elle s’est entretenue avec les représentants de l’ASBL «Gebuertshaus». Après cette première entrevue, Paulette Lenert a décidé d’instaurer un groupe de travail auquel toutes les parties prenantes ont été invitées. «Ce groupe de travail est plus particulièrement chargé d’identifier les enjeux, les éventuels avantages, inconvénients ou risques associés aux accouchements extrahospitaliers dans l’optique bien évidemment d’une prise en charge optimale de la patientèle», détaille la ministre socialiste.

Le Luxembourg compte 230 sages-femmes

À l’hôpital, les futures mamans sont accompagnées par une sage-femme de permanence. Les sages-femmes libérales, qui peuvent être la personne de confiance à laquelle il est fait référence, n’ont pas accès aux maternités. De plus, on ne peut exclure que le gynécologue de la future maman soit remplacé lors de l’accouchement par le médecin qui est de service.Une prise en charge individualisée est pourtant qualifiée de décisive par l’association des sages-femmes. Elle permet «de reconnaître très tôt de possibles facteurs de risque. Les mesures adéquates peuvent dès lors être prises sans stress.»

En février dernier, la présidente de l’ALSF, Nadine Barthel, développait dans nos colonnes : «Nous avons une meilleure compréhension de la transformation du corps des femmes et nous les aidons à trouver en elles leurs propres ressources. Ce qui réduit beaucoup leur stress.» Début 2022, le Luxembourg comptait environ 230 sages-femmes, dont deux tiers de frontalières. Parmi elles, on retrouve 40 sages-femmes libérales. «Sans cette main-d’œuvre des pays voisins, la situation serait critique», analysait Nadine Barthel, ajoutant qu’elle aimerait voir plus d’élèves s’orienter vers cette filière alors que les chiffres de la formation stagnent ces dernières années.

«Formées pour détecter des complications»

La première réunion doit encore avoir lieu courant janvier. En dépit de «l’actualité du dossier et de l’urgence qui en découle», comme le font remarquer les deux élus de déi gréng, aucun échéancier pour la clôture des travaux n’est avancé. «Le calendrier sera défini en tenant compte de l’avancement des travaux du groupe de travail précité», se contente d’écrire Paulette Lenert.

Les sages-femmes ne cachent pas leur impatience. Dans un communiqué diffusé le 22 décembre, l’ALSF souligne que «les sages-femmes sont formées pour accompagner les femmes pendant la naissance et disposent des compétences pour constater si l’accouchement se déroule normalement, ou s’il existe des indices pour des complications qui nécessitent une prise en charge médicale à l’hôpital», souligne l’ALSF. Il reste à convaincre la ministre, qui base sa décision prise début décembre sur un avis du Conseil supérieur de certaines professions de santé.

Les sages-femmes militent pour le libre choix du lieu de naissance, sans refuser une coopération médicale rapprochée.

L’Association luxembourgeoise des sages-femmes (ALSF) a souligné, le 22 décembre dernier, qu’«une aide à l’accouchement ne peut pas être atteinte en interdisant certains lieux de naissance. Nous devons, par contre, nous assurer qu’à l’endroit où les femmes veulent mettre leur enfant au monde, une prise en charge professionnelle et compétente sera garantie.»

Pour assurer une prise en charge sûre de la naissance, les conditions suivantes devraient être réunies : le libre choix de la femme (hôpital, domicile ou maison de naissance) et un accompagnement par une personne de confiance compétente. «Cela n’exclut pas une coopération entre les différentes institutions et professions de santé.

Une telle collaboration est même fortement souhaitable», souligne le communiqué signé par l’ALSF.Au Luxembourg, par contre, la plupart des femmes enceintes ne pourraient pas vraiment choisir où accoucher, faute de maisons de naissance et en raison du nombre limité de sages-femmes disponibles pour les naissances à domicile.

D. M. (avec Ch. B.)