On entend peu parler d’elle. Pourtant, en accompagnant chaque année des centaines de personnes en détresse, la Fondation Maison de la porte ouverte (FMPO) fait partie des poids lourds du secteur social luxembourgeois.
Elle est entrée à la Maison de la porte ouverte en 1991 et ne l’a plus jamais quittée. Alors que la fondation célèbre ses 50 ans, Myriam Mersch-Zimmer, aujourd’hui directrice générale, ne cache pas sa fierté : elle raconte comment l’engagement des équipes auprès des personnes en détresse a toujours poussé la structure à se renouveler.
La FMPO est rarement sous les projecteurs alors que son expertise est reconnue dans le milieu. Pourquoi cette discrétion ?
Ce n’est pas volontaire, mais c’est un fait, nous ne sommes pas sur le devant de la scène. On se concentre sur notre cœur de métier, le travail social et l’encadrement des personnes vulnérables. Nos foyers, Paula-Bové, Don-Bosco, St-Joseph ou Sichem, sont bien plus connus du public que la fondation elle-même.
Vous n’avez pas besoin d’être davantage connus pour générer des dons privés ?
Si, bien sûr. Nous recevons des dons privés, mais la majeure partie de nos financements provient de l’État : différents ministères de tutelle soutiennent nos activités. Les dons sont un complément nécessaire : nous avons par exemple financé notre nouveau foyer, inauguré en janvier, à hauteur de 20%.
Ce nouveau foyer, quelle est sa fonction ?
Il s’agit de l’agrandissement de notre centre d’accueil de garçons de 10 à 18 ans en ville. Nous disposons maintenant de 31 places au lieu de 12. Ce foyer offre un accueil d’urgence pour enfants placés sur décision de justice, pour une durée de 3 à 6 mois. Ce sont des jeunes qui sont déscolarisés, qui ont des comportements problématiques ou des soucis dans leur famille. S’ajoute désormais un accueil psychothérapeutique qui assure l’encadrement de ceux qui en ont besoin.
Cette unité n’existait pas ?
Non, c’est justement parce qu’au moment de leur sortie, on ne trouvait pas de structure adaptée pour ces jeunes avec besoin de suivi psychologique qu’on l’a créée nous-mêmes !
Les problèmes du terrain nous poussent à réagir, à trouver des solutions
Si on observe l’évolution de vos activités, il semble que, souvent, un projet en amène un autre…
Oui, c’est tout à fait ça ! Ce sont toujours les problématiques rencontrées sur le terrain, auprès de nos bénéficiaires, qui nous poussent à réagir et à trouver des solutions concrètes. En 2016, on a ouvert un foyer pour mineurs non accompagnés. Et puis, à l’âge de 18 ans, ils devaient soudain quitter la structure. On s’est dit que ce n’était pas possible : ces jeunes, on les connaissait, on s’était investis auprès d’eux… Alors on a créé un service de logement encadré pour eux.
Vos bailleurs de fonds vous suivent facilement ?
Oui, on a cette chance, car nous avons construit une relation de confiance avec les autorités. Quand il a fallu redoubler d’efforts pour trouver un logement aux femmes qui sortaient de nos foyers, on s’est engagé là-dedans et le ministère nous a accordé un demi-poste supplémentaire. Notre moteur, c’est toujours l’adaptation de nos activités aux besoins de nos bénéficiaires.
Cette façon de fonctionner explique pourquoi la FMPO a souvent joué un rôle de précurseur.
Sans doute. C’est sur le terrain que notre association est née, dans le quartier de la Gare, auprès de travailleurs immigrés. Combler un besoin qu’on repère, c’est dans notre ADN. En 1976, il n’y avait aucun foyer pour femmes en détresse dans le pays. Le nôtre fut le tout premier de ce genre. C’est ensuite face au besoin d’accueil des femmes enceintes ou avec bébé que nous avons ouvert un foyer pour jeunes mamans en 1987 : une première aussi. Notre accueil de jour pour adolescents, en 1995, et notre foyer pour jeunes parents en difficulté en 2013, ont suivi. Ce type de structure n’existait pas alors au Luxembourg.
La maison dédiée aux victimes de la traite des êtres humains en est le dernier exemple ?
Oui, en 2019, on a ouvert cette maison, avec d’autres associations, qui offre un accompagnement complet à cinq personnes, femmes ou hommes. Nous les soutenons psychologiquement dans leur reconstruction et les assistons dans les démarches auprès de la police et de la justice pour la reconnaissance de leur statut de victime de la traite des êtres humains. C’est une prise en charge à long terme.
Ce fut une année extrêmement stressante et épuisante
Quel regard jetez-vous sur ce chemin parcouru ?
C’est une grande fierté. On progresse sans arrêt, on innove ! Tout cela n’est possible que grâce à l’engagement sans faille de notre personnel. On déplace des montagnes pour pouvoir donner toutes les clés pour réussir à nos bénéficiaires.
Comment avez-vous traversé l’épreuve de la crise sanitaire ?
Ce fut une année extrêmement stressante et épuisante ! Dès le début, on a dû revoir complètement notre organisation pour assurer la continuité de nos activités ainsi que l’encadrement et la sécurité des mineurs et adultes dans nos foyers. Auprès des enfants, notre personnel a été mobilisé 24 h/24 puisqu’il n’y avait plus d’école, il a fallu mettre en place des visites virtuelles avec les parents. On a aussi ouvert, avec d’autres associations, la helpline dédiée aux violences domestiques, le 2060 1060. Tout ça avec la peur de voir le virus contaminer nos structures. Ce qui ne s’est pas produit. J’ai été marquée par la solidarité dont tout le monde a fait preuve durant cette période.
Dans ce contexte difficile, avez-vous pu travailler sur de nouveaux projets ?
Oui, plein ! On lancera cet été « Relation2test », un questionnaire en ligne permettant d’identifier les prémisses de la violence au sein d’un couple : par exemple, si on ne donne plus son avis par peur de la réaction de son partenaire, c’est problématique. Ces petits signes ne doivent pas être ignorés car ils peuvent mener à des violences. Pour les parents, on souhaite créer un espace de rencontre, où ils peuvent échanger en groupe ou en consultation individuelle, et profiter de l’expertise de notre personnel. Enfin, en septembre, on devrait ouvrir une nouvelle structure d’accueil de jour pour enfants.
Y a-t-il un domaine que vous souhaitez développer davantage dans les années à venir ?
Oui, la formation. Nous avons obtenu, en 2020, l’agrément d’organisme de formation professionnelle continue. On veut s’impliquer beaucoup plus dans ce domaine et offrir des formations sur la violence domestique, la parentalité ou la traite des êtres humains. L’idée est de former les professionnels du secteur mais aussi de proposer des séances de sensibilisation au grand public.
Entretien avec Christelle Brucker
Les chiffres de 2019
119 mineurs et jeunes adultes encadrés
792 enfants, femmes et hommes soutenus
41 travailleurs immigrés hébergés
130 collaborateurs
12 structures d’accueil
172 lits disponibles
7 services de consultation ou d’assistance
Les activités de la Fondation Maison de la porte ouverte
En 1971, le curé Jean Heinisch vient en aide à un groupe de travailleurs immigrés sans logement : c’est l’acte fondateur de la Maison de la porte ouverte, association montée par des religieuses et des habitants du quartier de la Gare à Luxembourg, qui deviendra, en 1993, la fondation du même nom.
Récompensée à deux reprises par le prix Janusz-Korczak de la fondation Kannerschlass, la FMPO est engagée contre toute forme de violence et promeut une approche sociale et pédagogique inclusive.
La FMPO compte 130 salariés au service de :
– 11 centres d’accueil jour et nuit pour enfants, adolescents et mineurs non accompagnés, jeunes mamans, jeunes couples, femmes et victimes de la traite des êtres humains,
– 1 centre d’accueil de jour pour adolescents,
– 1 service d’assistance en famille,
– 3 services de consultation pour jeunes mamans, parents et femmes en détresse,
– 1 service d’assistance pour victimes de la traite des êtres humains,
– 2 services de logements en milieu ouvert pour jeunes adultes, femmes et familles.