Mariano Rajoy a lancé la procédure permettant de suspendre l’autonomie de la Catalogne. Il a également annoncé la destitution du gouvernement catalan.
Le chef du gouvernement espagnol a annoncé samedi la destitution de l’exécutif catalan de Carles Puigdemont et la convocation d’élections régionales dans les six mois, afin de reprendre le contrôle de la Catalogne, au bord de la sécession.
Invoquant l’article 155 de la Constitution, jamais encore utilisé, Mariano Rajoy a demandé au Sénat de lui confier la faculté de dissoudre le parlement catalan, afin de «convoquer des élections dans un délai maximum de six mois».
M. Rajoy demande aussi que le gouvernement catalan présidé par Carles Puigdemont soit démis de ses fonctions, qui seront exercées «en principe par les ministères (nationaux) aussi longtemps que durera cette situation exceptionnelle».
«Ni l’autonomie catalane ni la gouvernance autonome ne sont suspendues», a affirmé Mariano Rajoy, pour tenter de rassurer des Catalans très attachés à leur autonomie récupérée après la fin de la dictature de Francisco Franco en 1975.
Mais le détail des mesures, publiées ensuite par ses services, montre que Madrid veut prendre toutes les manettes de l’administration de la région, depuis la police autonome jusqu’à la radio et la télévision publiques, et mettre le parlement régional sous tutelle.
Ces mesures devraient être approuvées d’ici le 27 octobre au Sénat, où le parti de M. Rajoy est majoritaire. Il s’est assuré de plus de l’appui du parti socialiste (PSOE), principale force d’opposition, et des centristes de Ciudadanos.
La réaction en Catalogne ne s’est pas fait attendre, avec des concerts de casseroles dans plusieurs quartiers de Barcelone.
Manifestation à Barcelone
Dans l’après-midi, M. Puigdemont a pris la tête d’une grande manifestation, convoquée à l’origine pour réclamer la libération de deux leaders indépendantistes emprisonnés pour sédition.
Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues criant «liberté» et «indépendance».
«Ils peuvent détruire le gouvernement (catalan), ils peuvent détruire tout ce qu’ils veulent mais nous continuerons à lutter», a lancé Meritxell Agut, une employée de banque de 22 ans.
M. Puigdemont devait faire une déclaration officielle à 21h locales (19h GMT). Il avait menacé de convoquer le parlement régional pour proclamer l’indépendance si le gouvernement déclenchait l’article 155.
Le parquet se prépare à le poursuivre pour «rébellion» s’il passe à l’acte, a déclaré à l’AFP un de ses porte-paroles. Ce crime est passible de 30 ans de prison.
Le FC Barcelone a de son côté dit soutenir «les institutions démocratiques de Catalogne choisies par ses citoyens». «Nous voulons exprimer notre soutien et notre solidarité à l’égard de tous les secteurs affectés», a déclaré le président du club Josep Maria Bartomeu devant ses supporters-actionnaires.
Mariano Rajoy a dit vouloir ramener la légalité en Catalogne, rétablir la coexistence dans une communauté qui s’est déchirée depuis des mois sur la question de l’indépendance, et préserver le redressement économique dans une des régions les plus riches d’Espagne.
La veille, le roi d’Espagne avait affirmé que l’Etat saurait faire face à cette «tentative inacceptable de sécession (…) avec ses institutions démocratiques légitimes».
L’Europe désapprouve
M. Puigdemont affirme avoir un mandat pour faire sécession, après avoir organisé un référendum d’autodétermination interdit par la justice, un processus déclenché en novembre 2015 avec pour objectif d’instaurer une république indépendante au plus tard en 2017.
D’après eux, plus de deux millions de Catalans, soit 43% de l’électorat, ont voté à 90% oui à l’indépendance malgré des interventions parfois violentes de la police pour les en empêcher.
L’aile dure de la coalition pousse Carles Puigdemont à consommer la rupture mais cet ancien journaliste de 54 ans coiffé à la Beatles temporise devant l’impact économique de la crise et le manque d’appuis à l’étranger.
La France et l’Allemagne ont fermement condamné ses efforts en vue de la sécession et l’UE répète qu’elle ne reconnaîtra pas l’indépendance de la Catalogne, qui s’exclurait automatiquement de l’Union.
Vendredi, le président du Parlement européen Antonio Tajani avait dénoncé avec virulence ceux qui «sèment la discorde (et) ignorent volontairement les lois», dans une allusion transparente aux dirigeants catalans qui défient l’Etat depuis deux ans.
Emmenées par les deux plus grandes banques catalanes, Caixabank et Sabadell, près de 1 200 entreprises ont transféré leur siège social hors de Catalogne, les investissements sont suspendus et les réservations d’hôtel chutent dans la région la plus touristique d’Espagne.
Le Quotidien/AFP