Le commissaire européen à l’Économie, Pierre Moscovici, a fait savoir que les États cités dans l’affaire LuxLeaks résistent.
L’information est passée quasiment inaperçue. La semaine dernière, Pierre Moscovici a fait savoir que la commission spéciale TAXE du Parlement européen, chargée d’enquêter sur les rescrits fiscaux et l’affaire LuxLeaks, se heurtait à la mauvaise volonté des États incriminés.
La commission avait demandé, au mois de juillet, que 25 documents essentiels à son travail soient fournis par les États. Deux mois plus tard, la Commission européenne a annoncé que de nombreux États ne voulaient pas collaborer. Dans un document de travail publié au mois de juillet, il était possible de constater que l’Autriche, la Bulgarie, Chypre, le Danemark, l’Italie, la Roumanie et la Slovénie n’avaient pas donné suite aux demandes de la commission.
Pour le député européen allemand, Fabio de Masi, membre du groupe de la Gauche unitaire, c’est un signe fort envoyé par ces États. «Bienvenue dans un nouveau monde de transparence fiscale, a-t-il confié à The Parliament Magazine. Les paradis fiscaux de l’Union européenne peuvent encore décider de ce que le public peut ou ne peut pas savoir.» Vendredi dernier, la Belgique a placé le Luxembourg sur la liste grise des paradis fiscaux.
Un des documents demandé par la commission TAXE est le rapport dit Krecké, publié en 1997, alors que Jean-Claude Juncker était le Premier ministre du Grand-Duché. Il a été fourni… sans le chapitre concernant les rescrits fiscaux. Et le gouvernement luxembourgeois refuserait de donner ce chaînon manquant. De Masi a demandé à la commission ce qu’elle comptait faire pour obtenir le précieux document et si elle autoriserait les députés européens à l’examiner.
La commissaire européenne à la Concurrence a, de son côté, précisé que la commission «enquête actuellement sur les pratiques de rescrits fiscaux dans tous les pays de l’Union. Elle a demandé aux États membres des informations, afin d’établir les faits au cas par cas.» Selon elle, le rapport Krecké ne fait pas référence à des rescrits précis et est trop ancien pour être pris en compte. «Il est peu probable que les informations qu’il contient puissent être utilisées dans le cadre de l’enquête actuelle», affirme-t-elle à Fabio de Masi.
Une «patate chaude» pour l’Union
Ce n’est pas le seul obstacle que la commission TAXE rencontre dans son enquête. Elle souhaitait auditionner 18 sociétés citées dans l’affaire LuxLeaks. Quatre seulement ont accepté de collaborer (Airbus, BNP Paribas, SSE et Total). De même, Marius Kohl, le fonctionnaire luxembourgeois en charge de la mise en place des rescrits fiscaux, n’a pas pu être auditionné.
Le 17 septembre prochain, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, sera entendu, tout comme le commissaire européen Pierre Moscovici.
Interrogé par le site Euractiv le 31 août, le Premier ministre, Xavier Bettel, a affirmé que le dossier LuxLeaks n’était pas une «patate chaude» pour le seul Luxembourg. Au contraire, il s’agirait, selon lui, «d’une « patate chaude » pour les 28 pays de l’Union, dont vingt qui pratiquent les rescrits fiscaux. Ce qui est important est qu’ils aient tous les mêmes règles du jeu». Le Premier ministre affirme attendre le rapport de la commission TAXE, car il sait déjà que «certains pays avaient des pratiques de rescrits fiscaux très agressives». Toujours prompt à marquer sa bonne volonté, Xavier Bettel conclut en affirmant être en charge d’un gouvernement «qui veut des règles communes pour tous les pays».
La commission devrait rendre ses conclusions avant la fin de l’année.