Inauguré jeudi soir avec le nouveau film de François Ozon, le 13e Luxembourg City Film Festival témoigne d’une ambition sans précédent après les aléas qui ont mis en difficulté ses récentes éditions.
Que de chemin parcouru depuis 2011 et la première édition du Luxembourg City Film Festival (alors nommé Discovery Zone, un nom qu’il a perdu, mais qu’il continue d’incarner dans l’esprit). Parsemé d’embûches, les plus récentes étant une pandémie qui, en 2020, a mis fin à l’évènement en plein milieu des festivités, et une inflation économique qui s’est lourdement répercutée sur les coûts des transports et des hébergements, mettant en péril l’ambition du festival et son bon déroulement.
Pourtant, même au creux de la vague, le LuxFilmFest était parvenu à surfer, une victoire qui se pose en miroir de la période de faste que connaît l’industrie luxembourgeoise du cinéma.
Les salles de cinéma n’ont pas encore retrouvé leur fréquentation d’avant-covid, mais cette année au LuxFilmFest, les invités pleuvent : la quasi-totalité des films de la compétition officielle seront (re)présentés par leurs équipes, venues d’Iran, des Philippines ou encore d’Amérique latine – sans oublier les locaux de l’étape, puisque trois coproductions luxembourgeoises, dont une majoritaire (Maret, de Laura Schroeder), concourent pour le Grand Prix qui sera décerné samedi prochain. Cette 13e édition est en fait signe de chance : c’est la plus ambitieuse de toutes.
«À la force du poignet»
«Un festival s’invente, mais doit aussi se financer», avait souligné, lors de son discours d’inauguration, le président du festival, Georges Santer. «Nous avons été frappés de plein fouet par les conséquences de l’inflation, mais certains de nos partenaires ont choisi de renforcer leur participation (financière). Le reste s’est fait à la force du poignet.»
Voilà qui met les points sur les i pour cet évènement qui a toujours porté en étendard une volonté double de scruter les horizons d’un cinéma novateur et de mettre sur le tapis des problématiques politiques et sociales urgentes.
L’édition 2022, qui a démarré une semaine après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, avait été marquée, avant même son départ, par un scandale : quatre films russes – dont l’un était cofinancé par une société de production appartenant au géant russe Gazpro – avaient été retirés de la programmation. Une décision «critiquée et critiquable», avait alors reconnu Georges Santer, mais qui s’est déjà fait oublier malgré une «crise encore non résolue», a précisé jeudi soir Sam Tanson.
Un an après avoir parlé au public du festival «la voix tremblante», la ministre de la Culture vient de lancer «un projet de soutien pour les films ukrainiens, avec (ses) homologues française et allemande», engagement qui contribue à appuyer la place du Luxembourg sur la carte de l’industrie du cinéma.
Mon crime, Ozon mineur
Si l’Ukraine fera encore partie des débats qui auront lieu au sortir des projections (notamment avec le documentaire We Will Not Fade Away, d’Alisa Kovalenko), ce sont les manifestations du peuple iranien qui trouveront un écho particulier au sein de la programmation cette année, dans la fiction comme dans le documentaire, et avec la présence d’Asghar Farhadi, prestigieux représentant du cinéma iranien aux deux Oscars, qui endossera le rôle de président du jury.
Les questions environnementales, sociales et de genre se retrouvent, elles aussi, disséminées un peu partout dans la programmation générale, comme dans le programme destiné au jeune public.
Avec une majorité de femmes cinéastes dans les deux compétitions, officielle et documentaire, le LuxFilmFest prouve bien que la question de la parité n’est plus à se poser. Et bien que réalisé par un homme, c’est un film de femmes qui a ouvert l’évènement : Mon crime, de François Ozon, conclut une trilogie sur la condition féminine commencée avec 8 Femmes (2002) et Potiche (2010).
Le réalisateur français aborde cette fois la question de la sororité, à travers l’histoire d’une jeune actrice qui s’accuse d’un meurtre dont elle est innocente pour lancer sa carrière et faire le procès du machisme ordinaire. Un Ozon mineur, dont l’exubérance théâtrale fait moins mouche que dans son précédent Peter von Kant (2022), mais qui utilise la légèreté pour rendre accessible un message fort.
Un film qui s’apprécie comme une petite friandise, notamment pour les performances du duo de protagonistes, Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder, et de celles, en roue libre, de Fabrice Luchini et Isabelle Huppert. À en croire les nombreux rires que le film a déclenchés dans la salle, Mon crime était le choix qu’il fallait pour ces retrouvailles, synonyme d’une ouverture réussie.