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[LuxFilmFest] Le «Crazy», une maison de fous!


Fränz Hausemer, le «Monsieur cinéma muet» du Luxembourg, reprend son rythme annuel de trois séances par jour, jusqu’à vendredi. (Photo : archives lq)

De retour dans la cour des Capucins, le Crazy Cinématographe, animé par le bonimenteur Fränz Hausemer, regarde cette année le cinéma des frères Lumière.

Dans une époque où tout file à vitesse grand V, le LuxFilmFest a à cœur de refléter, dans sa programmation, les évolutions sociales, politiques et technologiques du monde. Au beau milieu de la profusion de films proposée par le festival, un rendez-vous demeure hors du temps : le Crazy Cinématographe, projet lancé par la Cinémathèque de la Ville de Luxembourg pour le festival, et qui prend comme chaque année ses quartiers dans la cour des Capucins. «Le concept est toujours le même, ce sont les films qui changent» : un atelier-spectacle dans la même tradition foraine que les premières projections publiques du cinématographe, il y a plus d’un siècle. Avec un pianiste accompagnant les projections en «live», Philippe Marion, et un bonimenteur en la personne de Fränz Hausemer. Ce dernier, qui y va de ses commentaires tandis que les images défilent à l’écran, a concocté cette année un programme comme un vrai retour aux sources : ce sont les frères Auguste et Louis Lumière, inventeurs du cinéma, qui sont à l’honneur.

«Les Lumière, c’est un nom emblématique, connu même des gens peu familiers avec l’histoire du cinéma», dit le maître de cérémonie, qui a retrouvé hier son chapiteau des Capucins. Trois séances du «Crazy» sont programmées chaque jour jusqu’à vendredi, et s’il «ne compte plus» les séances qu’il a animées, il assure ne pas s’en lasser. En 45 minutes, Fränz Hausemer éveille son public (essentiellement des enfants âgés de six ans et plus, bien que les inscriptions restent ouvertes à tous selon les places disponibles) aux premières évolutions de ce qui deviendra le cinéma : «flipbooks», praxinoscope… Un contexte «important à faire valoir», assure le bonimenteur, «car notre public cible grandit dans un monde où le film est dématérialisé, désincarné même. Et on ne peut pas expliquer le cinéma avec un disque dur et un projecteur numérique.»

Apprendre et s’émerveiller

Au-delà de la technologie, encore jeune à l’échelle de l’histoire du monde mais déjà si lointaine à l’heure de Netflix, il importe tout autant à Fränz Hausemer de «donner à voir le regard qu’avaient les premiers cinéastes», bien différent de ce que l’on peut voir en salles aujourd’hui. «C’est frais, innocent, et pourtant, ça ne vole pas très haut. Il ne faut pas oublier que c’est du spectacle forain, qui est politiquement très incorrect! Montrer ces films aujourd’hui nous apprend beaucoup sur le changement de mœurs, de sensibilités…» Mais assure que les milliers d’enfants qu’il a accueillis sous son chapiteau depuis la première édition du LuxFilmFest (alors appelé Discovery Zone), issus de «toutes origines et confessions», sont toujours très réceptifs au spectacle. «Ça fait du bien à tout le monde et ça ne heurte personne!»

Après toutes ces années à porter fièrement son aura de «Monsieur cinéma muet» au Luxembourg, Fränz Hausemer, également musicien et réalisateur – on lui doit le documentaire Schwaarze Mann (2018) sur la vie de Jacques Leurs, «premier homme de couleur» au Luxembourg –,  continue d’être surpris par son public, qu’il a vu évoluer : «Les enfants nous apprennent qu’eux-mêmes changent; leur regard est différent au fil du temps, mais l’émerveillement reste le même.» Lui-même s’est trouvé ému, à l’issue de la dernière séance hier, lorsqu’une spectatrice lui a rapporté qu’elle a «grandi à Besançon, dans l’appartement des frères Lumière. Comme s’il y avait un lien invisible entre ces pionniers de l’expérience cinématographique et cette petite fille venue voir leurs films, en 2024, avec des yeux éveillés.»

«De la provocation!»

L’attraction principale du «Crazy» cette année, c’est L’Arroseur arrosé (1895), l’un des plus fameux films des Lumière, mais celui qui a soulevé le plus de discussions est le film montrant la «performance incroyable» des Kremo, une famille d’acrobates suisses filmée par les Lumière en 1899. Hier matin, «certains jeunes spectateurs ont tout de suite dit que c’étaient des effets spéciaux», sourit Fränz Hausemer. «Pour eux, qui vivent dans un monde numérique où l’on peut créer une image de toutes pièces, si ce qu’on voit à l’écran a l’air dangereux, il est presque impossible que ce soit réel. Mais au final, ce n’est guère que du cirque filmé.» Les plus jeunes sont-ils moins facilement impressionnés? Pas selon Fränz Hausemer, qui voit bien «l’intérêt» avec lequel les enfants du «Crazy» regardent «des films faits avec trois bouts de ficelle et des acteurs qui se donnent à fond».

Pour autant, ce bonimenteur vivant à cheval entre deux époques glisse une observation : la moyenne d’âge de son public cible baisse, qui se trouve quelque part entre 5 et 8 ans aujourd’hui. Un âge à partir duquel les enfants manipulent déjà le smartphone de leurs parents, voguant dans un «flou entre fiction et réalité». «On vit des temps intéressants, conclut Fränz Hausemer, et j’espère ne jamais vivre le jour où des enfants de six ans s’ennuieront pendant une séance du Crazy Cinématographe. J’aime qu’on amène ces vieux trucs dans notre époque; c’est presque de la provocation!»

«Crazy Cinématographe for Kids»,
à 9 h, 10 h 30 et 14 h 30. Jusqu’à vendredi.
Cour des Capucins – Luxembourg.

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