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Luxembourg, ville en chantier : «Les clients ne veulent plus venir»


L'avenue de la Liberté en chantier n'a plus les faveurs des clients. (illustration Fabrizio Pizzolante)

Liquidations totales, boutiques vides, clients absents, les commerçants de Luxembourg se plaignent des effets des chantiers sur leurs affaires.

Avenue de la Liberté à Luxembourg, le bruit est assourdissant. Sur le macadam, les véhicules slaloment entre les lignes jaunes. Sur ce qu’il reste de trottoirs, les piétons se frôlent quand ils n’enjambent pas les tranchées creusées par des pelleteuses. Cet axe principal de la capitale est un immense chantier en raison des travaux préparant l’arrivée du tram. En attendant, rien ne va plus. Hormis les personnes qui y vivent ou y travaillent, le public évite le quartier au grand dam de ses commerçants dont les boutiques se vident et les chiffres d’affaires sont en chute libre.

«Au début de l’année, c’était vraiment très moche. On avait un trou devant la boutique. Il fallait emprunter une passerelle pour y accéder et il y avait énormément de bruit», indique Jessica, stock manager de la boutique de vêtements Extrabold. «On a perdu beaucoup de chiffre d’affaires. Maintenant ça va un peu mieux, mais on ne réalise pas le chiffre qu’on avait fait l’an dernier à la même période.» Alexandra, vendeuse chez Nael Boutique, confirme : «La boutique est vide. Il y a moins de clients qui passent. La circulation est difficile et les trottoirs sont sales. Aujourd’hui, il pleut et j’ai des projections de sable mouillé jusqu’aux genoux.»

Du garçon de café de la place de Paris au citadin, tout le monde a constaté un déclin des conditions de travail et de vie dans le quartier. Les terrasses des cafés étaient moins fréquentées cet été, des commerces ont mis la clé sous la porte et l’accès à certaines rues est devenu presque impossible. «Entre la gare et la place des Martyrs, il n’y a plus d’arrêt de bus pour remonter vers le centre-ville à pied», témoigne une cliente.

«Notre manque à gagner est réel»

«Il faut marcher dans des couloirs qui remplacent les trottoirs, passer sur des passerelles, se frayer un chemin dans ce labyrinthe de barrières pour trouver par où passer. Tout cela pour descendre du bus à Hamilius. Je comprends que les gens préfèrent éviter le quartier. Déjà qu’il a mauvaise réputation…»

«La Ville de Luxembourg a promis des dédommagements à la fin des travaux», explique Jessica. «Notre boutique tient le coup. Elle existe depuis douze ans. Les petits commerces plus récents sont déjà en difficulté. S’ils doivent attendre la fin des travaux pour être dédommagés, je ne sais pas comment ils vont faire pour s’en sortir.» Les commerçants devront livrer leur chiffre d’affaires avant et pendant les travaux à l’administration communale pour obtenir un dédommagement. «Nous n’aurons pas trop de mal à prouver notre manque à gagner. Il est réel», poursuit Jessica. «Les gens nous disent vraiment qu’ils ne veulent plus venir dans le quartier.» Dernier coup dur pour les commerçants, l’incendie du parking Rousegäertchen, «seul petit plus qui nous restait». «La Ville nous envoie ses médiateurs. Tout ce qui compte pour eux est que le chantier se termine rapidement. C’est comme ça. Regardez en face, il n’y a plus de magasins», note Jessica alors que dans l’avenue, les marteaux-piqueurs ont repris leur concert.

La situation n’est guère plus enviable de l’autre côté du pont Adolphe. «Les clientes ont énormément de mal à trouver des places de stationnement et mettent un temps fou pour arriver jusqu’au centre-ville. Elles arrivent énervées alors qu’elles viennent chez nous pour passer un moment de détente», regrette une esthéticienne qui, en l’absence de son gérant, préfère rester anonyme.

Manque de stationnement

Un phénomène également constaté par Isabelle Cappannelli, gérante de la boutique IKKS située dans la Grand-Rue. «Notre porte est équipée d’un compteur. Cela nous permet de faire des statistiques. Nous avons connu une augmentation de trafic depuis le début de l’année. Cela peut être dû à notre collection qui plaît peut-être davantage que les années précédentes ou à notre égérie ou encore à d’autres facteurs, mais cela n’empêche pas nos bonnes clientes de se plaindre des conditions pour arriver jusqu’à nous», explique-t-elle. «En semaine, la fréquentation est plus calme et composée de personnes vivant au centre-ville ou y travaillant.»

Isabelle Cappannelli dénonce l’impact négatif des différents chantiers autour du centre-ville et du manque de stationnement malgré la réouverture du parking Hamilius. «Je travaille ici depuis 2003. Si je compare le passage d’il y a dix ans et celui d’aujourd’hui, nous avons clairement perdu en fréquentation. Il fut un temps, les clientes se bousculaient dans les escaliers pour faire leurs essayages, se souvient la gérante. Les achats en ligne y sont aussi pour quelque chose ainsi que la multiplication des points de vente. Ce n’est pas particulier au Luxembourg.»

De part et d’autre de la vallée de la Pétrusse, les commerçants attendent la fin de tous les travaux prévus avec impatience. Ils ne sont pas au bout de leur peine. La fin du chantier du tram entre la place de l’Étoile et la gare centrale est prévue pour fin 2020.

Sophie Kieffer