Selon un scénario spécifique et si le confinement ne se prolonge pas en mai, le PIB luxembourgeois pourrait chuter de 5% en 2020 avant de renouer avec la croissance en 2021. En cas de prolongation du confinement sur l’ensemble du mois de mai, le PIB pourrait chuter de 10%.
Alors que les ministres des Finances européens n’arrivent pas à se mettre d’accord sur un plan de relance post-épidémie, les économistes et les entrepreneurs, eux, sont déjà en train d’y réfléchir tout en tentant d’esquisser les impacts de cette crise sanitaire exceptionnelle.
S’il est difficile de quantifier le coût de la crise, les économistes sont en train d’analyser la situation à l’aide d’indicateurs économiques et de prévisions. Seule certitude, avec une activité économique paralysée et au moins 15% des salariés au chômage partiel, le produit intérieur brut (PIB) luxembourgeois va en prendre un coup. «Compte tenu des mesures de soutien annoncées jusqu’à présent, tant du gouvernement national que des institutions européennes telles que la Banque centrale européenne et la Commission européenne, nous prévoyons une forte contraction du PIB réel du Luxembourg d’environ 4% en 2020”, a souligné cette semaine Steffen Dyck, VP-Sr Credit Officer de l’agence de notation Moody’s, avant de préciser: “Le plus grand impact se fera sentir dès la deuxième quinzaine de mars tout au long du deuxième trimestre, avant que l’économie ne commence à se redresser au troisième trimestre, en supposant que les restrictions à la vie publique et à l’activité économique soient progressivement levées à partir de début mai. Nous prévoyons que la croissance du PIB réel rebondira relativement fortement et atteindra environ 3% en 2021.»
—————————————————————————
À lire aussi : Coronavirus, un coût incalculable au Luxembourg
–————————————————————————–
La Chambre de commerce et la Fondation Idea tablent, dans un scénario, sur une chute du PIB de 5% en 2020 avant une reprise de la croissance en 2021. “Une simulation préliminaire – et non une projection macroéconomique – effectuée par la Chambre de commerce et la Fondation Idea indique qu’en cas de maintien des restrictions actuelles jusqu’à la fin du mois d’avril, le PIB pourrait chuter de l’ordre de 5% en 2020. Vu que les cicatrices durables sur le tissu productif pourraient alors sans doute être minimisées (grâce notamment aux mesures de stabilisation et d’aides décidées par le gouvernement), la croissance en 2021 pourrait être le miroir inversé de la chute de 2020. Nous serions donc plutôt dans un scénario de reprise en V, avec comme « perte macroéconomique » et donc socioéconomique la simple « renonciation » à deux années de croissance « normale » (-5 en 2020 et +5 en 2021 au lieu d’avoir deux fois une croissance d’environ 2,5%), soit un « manque à gagner » d’environ 3 milliards d’euros de richesses non produites», écrit Marc Wagener, chief operating officer de la Chambre de commerce, sur le site de la Fondation Idea.
Pour autant, il faut comprendre qu’il s’agit uniquement d’un scénario possible. «En fonction du scénario de récession et de reprise postérieure, l’on parle par exemple d’une reprise économique en « V ». Dans ce cas, une chute en 2020 serait suivie d’une reprise quasi mécanique et parallèle en 2021. L’économie se réinscrivant par la suite dans son profil de croissance d’avant-crise à partir de 2022. Or, l’évolution peut aussi être en « U » : la chute serait suivie d’une stagnation et/ou d’une reprise assez molle, sans garantie que la trajectoire de croissance d’avant-crise puisse être atteinte de nouveau, à moyen terme. En fonction de la trajectoire de croissance post-crise, l’épisode récessif aura donc schématiquement été, soit un « trou d’air » temporaire, soit un décrochage durable, presque irrattrapable», explique encore le numéro deux de la Chambre de commerce.
L’inconnue de l’équation réside dans la durée des restrictions et du confinement. Mais plus cette inconnue va être longue, plus elle va peser de plus en plus lourd dans la balance économique et surtout sur cette fameuse relance économique. Un prolongement du confinement sur l’ensemble du mois de mai pourrait plonger le Luxembourg dans une récession de plus de 10% en 2020 comme l’explique Marc Wagener : «La simple « reconduction » de l’ensemble des restrictions et des mesures de confinement sur tout le mois de mai générerait, dans la simulation préliminaire, une récession de plus de 10% en 2020 suivie d’une reprise de « seulement » 5 à 6% en 2021. Les finances publiques afficheraient un déficit de plus de 7% en 2020 et dépassant même encore 3% en 2021.»
La France veut éviter le naufrage
L’économie française n’aura pas mis longtemps à s’effondrer, heurtée de plein fouet par l’épidémie de Covid-19 : dès le premier trimestre, le produit intérieur brut (PIB) a plongé laissant augurer une récession d’une ampleur inédite en France cette année.
Selon une estimation publiée hier par la Banque de France, le PIB a chuté d’environ 6% sur les trois premiers mois de l’année, soit la pire performance trimestrielle de l’économie française depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Depuis 1945, seul le deuxième trimestre de 1968 avait connu un effondrement «du même ordre de grandeur», note-t-elle. Le PIB avait alors chuté de 5,3%. Si dans ce contexte d’incertitude la banque centrale française ne s’avance pas sur une prévision annuelle, elle considère que chaque quinzaine de confinement entraînerait une perte de PIB de 1,5% sur un an.
Le mois d’avril sera «au moins aussi mauvais que la dernière quinzaine de mars», a déjà prévenu le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, sur RTL.
«La croissance sera fortement négative en 2020», a-t-il encore affirmé, tout en anticipant un «rebond» en 2021. Le gouvernement français prépare aussi les esprits à un scénario noir cette année. Lundi, le ministre de l’Économie française, Bruno Le Maire, a déjà prévenu s’attendre à une contraction de l’économie «très au-delà» des -2,9% enregistrés en 2009 après la crise financière de 2008, pire performance de l’économie française depuis 1945.
Et le ministre a comparé à plusieurs reprises «le choc» à la grande dépression ayant suivi le crash boursier de 1929, insistant sur l’enjeu : «éviter le naufrage».
Récession de 4,2% attendue en Allemagne
Même combat en Allemagne, qui est tout de même financièrement mieux armée que la France, où l’économie allemande devrait se contracter de 9,8% au deuxième trimestre de cette année en raison de la pandémie de coronavirus, là aussi, du jamais vu dans l’histoire récente, selon les projections communes des principaux instituts économiques publiées en milieu de semaine. Sur l’ensemble de l’année, les instituts allemands s’attendent à une récession de 4,2%, soit un peu moins que ce qu’anticipe le gouvernement, avant un net rebond en 2021, avec une croissance du produit intérieur brut (PIB) projetée de 5,8%. Le ministre allemand de l’Économie, Peter Altmaier, a indiqué récemment que la récession serait au moins comparable à celle de la crise financière, qui a vu le PIB allemand fléchir de 5%.
Jeremy Zabatta (avec AFP)