Le monde agricole est satisfait, le texte qu’il a sous les yeux aujourd’hui s’éloigne de l’original qui avait provoqué colère et indignation. Les discussions ont porté leurs fruits.
Ils s’étaient donné deux heures pour aborder une demi-douzaine de thèmes avec une quarantaine de représentants autour de la table. Le sommet agricole à Senningen a débordé sur l’horaire, mais l’échange fut «constructif».
La Chambre d’agriculture, dans son avis sur le projet de loi concernant le soutien au développement durable des zones rurales, autrement dit la loi agraire, s’était émue en lisant que les auteurs réduisaient le texte à l’organisation du cadre financier de la politique agricole commune (PAC) pour la période 2023 à 2027. Les agriculteurs, eux, voient avant tout «l’importance économique et sociale de cette loi au regard du devenir de plus en plus incertain du monde agricole».
En un peu plus de vingt ans et trois lois agraires plus tard, le nombre d’exploitations a diminué de 31,5 % et pour les viticulteurs, cette baisse atteint les 45 % depuis l’an 2000.
Plusieurs dispositions revues
Les exploitations se restructurent, doivent s’équiper et se moderniser «dans un cadre normatif de plus en plus complexe», en plus d’essuyer des critiques que la Chambre d’agriculture juge «injustifiées» contre les pratiques d’élevage.
L’institution avait sévèrement éreinté le projet de loi et le monde agricole avait défilé sous les fenêtres du parlement, en octobre dernier, pour réclamer les ajustements qui le rendraient acceptable. Plusieurs dispositions devaient être revues, dans le cadre général, en plus des détails qui devaient être discutés pour aboutir aux règlements. D’où les nombreuses discussions bilatérales et le sommet d’hier à Senningen pour un grand tour de table.
Il y avait d’abord la définition de l’agriculteur actif, que les professionnels voulaient plus valorisante. Le gouvernement a fait des concessions en accordant à la Chambre d’agriculture que le soutien financier de la PAC soit ciblé prioritairement vers les agriculteurs dont le revenu agricole constitue une part substantielle, sinon la totalité, de leur revenu et qui contribue aux objectifs environnementaux.
Concernant le soutien aux jeunes agriculteurs, comme le revendique la chambre professionnelle, il favorisera les qualifications professionnelles renforcées. Parmi ses revendications, la chambre exigeait au moins un niveau DAP et des majorations pour la prime d’installation d’un jeune diplômé.
Une aide à l’investissement plus adaptée
Un autre point essentiel des discussions concerne l’aide à l’investissement. Elle sera adaptée et revue à la hausse en ce qui concerne l’acquisition des machines agricoles dont la liste a été allongée elle aussi. Des mesures d’aides seront ajustées dans le sens d’un plus grand soutien envers des investissements visant des objectifs environnementaux et de bien-être animal.
Un des points d’achoppement concerne la réduction des émissions d’ammoniac qui entraîne une limitation du cheptel que conteste la Chambre d’agriculture. Elle assimile ce régime d’autorisation dans la production animale à un gel des cheptels pour la grande majorité des exploitations. Les discussions visent à trouver une solution pour permettre aux exploitations agricoles à la pointe de la technologie et qui peuvent démontrer des résultats en matière de respect des seuils d’émissions, d’accroître leur cheptel sous certaines conditions. Un groupe de travail entre les experts du ministère et du secteur est chargé d’élaborer un système de monitoring et de définir les seuils à respecter.
Revenu équitable
La Chambre d’agriculture espère que la future loi agraire sera à la hauteur des attentes des exploitations familiales que les auteurs du projet prétendent vouloir soutenir et protéger. Pour en être assurée, la chambre demande à être associé aux adaptations que nécessite le plan stratégique national (PSN) pour la mise en œuvre de la PAC et qu’il soit amendé le plus vite possible.
L’engagement financier du Grand-Duché dans le cadre du PSN 2023-2027 s’élève à 164 millions d’euros pour les paiements directs, dont 41 millions d’euros pour les éco-régimes, et à 301 millions d’euros pour le développement rural. Plus de la moitié des dépenses sont prévues pour réaliser des objectifs environnementaux. Le budget des mesures nationales complémentaires s’élève à 336 millions d’euros.
Jeudi, le ministre de l’Agriculture, Claude Haagen, s’est dit persuadé que la future loi agraire «réussira à assurer un revenu équitable aux producteurs, à soutenir leur compétitivité, à leur garantir de la prévisibilité, à mieux aider les filières en difficulté et à diversifier davantage la production agricole indigène».
La ministre de l’Environnement, Joëlle Welfring, a assuré au monde agricole que les nouvelles normes et les futurs règlements seront élaborés en concertation avec tous les acteurs. Et enfin, Xavier Bettel a convenu avec les jeunes agriculteurs d’instaurer un groupe de réflexion («Zukunftsdësch Landwirtschaft») qui se penchera sur les questions liées à l’entreprise agricole familiale du futur et aux conditions cadres à considérer aux niveaux environnementaux, économiques et sociaux.