Jusqu’à présent, au Grand-Duché, étaient jugées par un juge unique essentiellement des infractions en relation avec la circulation routière (dont les accidents ne causant que des dégâts matériels). En août, une nouvelle loi a allongé la liste des affaires relevant de sa compétence. Vendredi, un juge unique a ainsi siégé pour un accident de la route ayant fait trois blessés.
Le 15 septembre 2017, un jeune conducteur avait perdu le contrôle de son véhicule et atterri dans un pré à Bissen. Est-ce que le juge unique est compétent pour juger cette affaire dans laquelle il y a eu un dommage corporel? C’est la question qui planait, vendredi matin, dans la petite salle d’audience 1.04 du tribunal d’arrondissement. Pour la première fois depuis l’entrée en vigueur, au mois d’août, de la nouvelle loi, la 13e chambre correctionnelle était en effet saisie d’un accident incluant un dommage corporel dans la composition de juge unique.
Cette loi veut que, dorénavant, toute une série d’affaires (rébellions, menaces d’attentat, outrages, coups et blessures…) passent devant le juge unique. L’idée était dans les tuyaux depuis un certain temps, l’objectif étant qu’en abandonnant la composition collégiale à trois juges davantage de magistrats soient disponibles pour d’autres tâches.
Retour à l’affaire qui nous intéresse : le 15 septembre 2017, vers 19 h 20, un jeune conducteur roulant à une vitesse dangereuse perd le contrôle de sa BMW dans un virage. Avec ses deux passagers, il termine sa course dans un champ entre Bissen et Colmar-Berg. Vu l’état de la voiture, le trio a beaucoup de chance. Tous sont blessés mais réussissent à sortir du véhicule avec leur chien avant l’arrivée des secours.
«On a déjanté dans le virage»
Appelé comme témoin vendredi, le passager a décrit l’accident : devant eux roulaient une moto et une voiture. Dans l’habitacle, ils auraient rigolé. Ils se seraient dit qu’ils allaient leur montrer comment on double. La suite, on la connaît. Avant d’atterrir dans la prairie, leur BMW avait renversé plusieurs piliers d’une clôture. Le témoin pense savoir la raison de l’accident : « On a déjanté dans le virage. Les dimensions des pneus de la BMW ne correspondaient pas aux jantes qu’on avait montées. »
Vendredi matin, ce moment de frayeur semblait bien loin. Les trois copains, âgés aujourd’hui de 21, 22 et 19 ans, avaient le sourire. « On a clarifié cela entre nous », expliquait le passager qui s’était pris le rétroviseur et des éclats de verre en plein visage. Tout comme la jeune fille qui avait pris place sur la banquette arrière, il a souffert de maux de tête et de dos. Mais aucun d’entre eux ne réclame de dommages et intérêts au conducteur, qui se retrouve sur le banc des prévenus : « Il est suffisamment grand pour en tirer une leçon. » D’après leurs dires, c’est le chien qui a eu le plus de mal à remonter dans une voiture après le choc : « La fois suivante, il tremblait, il avait peur .»
Le conducteur avait échappé aux éclats de verre. Au moment de l’accident, sa fenêtre était ouverte… Aujourd’hui, il roule de nouveau en BMW. « On espère qu’elle a de bons pneus », lui a glissé le juge.
Une affaire qui fera jurisprudence
L’agriculteur, qui a dû remonter la clôture pour ses bêtes, était également présent, vendredi, lors du procès. « Il y a quatre semaines, un autre chauffard a terminé sa course dans la prairie… » Visiblement, ce n’est ni la première ni la dernière fois qu’il a dû faire réparer des dégâts le long de cette route, limitée à 90 km/h. Il avait un message à faire passer au prévenu : « Si tu faisais partie des pompiers, tu conduirais moins vite… »
« J’espère que cet accident a été une leçon pour les trois concernés », a soulevé le substitut principal avant de requérir une amende ainsi qu’une interdiction de conduire de 24 mois contre le conducteur. Une peine qui pourrait néanmoins être assortie d’un sursis.
Dans ce dossier, c’est plutôt la compétence du juge unique qui pose question. Le parquet s’est rapporté à prudence de justice. Le texte ne semble visiblement pas clair. Car le juge a d’ores et déjà averti le prévenu : « Dans le pire des cas, vous devrez revenir devant une composition collégiale où nous siègerons à trois juges. »
Rendez-vous le 15 novembre pour le prononcé. Une chose est sûre : cette affaire fera jurisprudence.
Fabienne Armborst