Flore Munoz développe des couvercles faits à la main pour protéger les verres contre les drogues en soirée.
Une dizaine de jeunes filles qui titubent après quelques verres lors d’une fête, leurs amies qui ne voient pas que de l’ivresse dans leur comportement, le doute qui s’installe chez les organisateurs et finalement une intervention des pompiers et deux plaintes déposées auprès des forces de l’ordre. Ce scénario s’est déroulé la semaine passée lors du bal d’halloween célébré à Ell, après qu’un homme a été suspecté d’avoir drogué plusieurs participantes de la soirée à leur insu. Les autorités ne trouveront aucune preuve et le flou restera tenace. Mais cette nuit-là, le message diffusé par le DJ après ces incidents était clair : «Faites attention à ne pas laisser traîner vos verres.»
Une de mes amies s’est fait droguer dans un bar
Une main en protection sur le récipient et l’esprit bien loin des festivités, compliqué de retrouver un peu d’insouciance dans ces conditions. La genèse du projet de Flore Munoz, Alsacienne de 31 ans installée au Luxembourg depuis le début de l’année, commence également lors d’une fête qui vire au cauchemar. «Une de mes amies s’est fait droguer, il y a cinq ans, dans un bar de Strasbourg. Nous étions en boîte de nuit et elle s’est retrouvée dans un état second, je ne l’avais jamais vue comme ça. Elle n’était pas ivre», raconte la jeune femme. «Ce genre d’expérience n’arrive pas qu’aux autres. Depuis, je ne suis pas à l’aise pour sortir, je préfère d’ailleurs toujours être accompagnée.»
Un chouchou comme protection
Quelques mois après son arrivée Grand-Duché et en réaction à cette expérience qui a laissé des traces, Flore Munoz se lance dans la création de couvercles pour verre. Un opercule pour protéger et pour permettre à la fête de continuer. Après pas mal d’hésitations, elle baptise son idée : Out Off Trouble. Une expression qui signifie «Sortie d’affaire». Le concept est très simple : une protection en lycra conçue pour s’adapter à tous les formats de verres standards utilisés dans l’événementiel et le monde de la nuit. Que vous buviez dans une canette en métal ou dans une flûte à champagne, celle-ci se place sur le récipient et empêche les individus mal intentionnés d’y glisser des drogues.
On peut le porter au quotidien
L’objet se décline en deux versions. La première est appelée par sa conceptrice la Smart Cup. Il s’agit de la protection pour verre en elle-même, un rond de tissu extensible. Le second se présente sous la forme d’un chouchou qui révèle dans ses plis le fameux couvercle antidrogues. «On peut le porter au quotidien autour du poignet ou pour faire une queue de cheval et lorsqu’on en a besoin, on peut sortir et utiliser la protection.» Une astuce pour conserver l’opercule et le transporter partout très facilement. À noter que la Smart Cup est percée d’un petit trou pour y glisser une paille afin de boire, l’esprit léger, son cocktail ou son soft drink.
En ce moment, en pleines démarches pour faire breveter ses produits, l’autoentrepreneuse prévient : «C’est un produit qui s’adresse à tous, aux femmes comme aux hommes, mais c’est avant tout un outil de prévention. Une prévention pour retrouver l’insouciance mais qui n’enlève pas la nécessité de continuer à faire attention. Cette protection dissuade, mais le risque zéro n’existe pas.»
Entre l’Alsace et le Luxembourg
Depuis son arrivée au Luxembourg au début de l’année 2022, Flore Munoz, dont la profession principale est product manager chez CFM, consacre la quasi-totalité de son temps libre à son projet. Une partie de son salon s’est littéralement transformé en atelier de couture, tandis qu’un autre espace est réservé au développement de la marque et à divers prototypes publicitaires. «Je n’ai pas encore beaucoup d’amis au Luxembourg, du coup, je passe mon temps à coudre, à faire des démarches administratives et à chercher comment faire évoluer Out Off Trouble.»
C’était important que des artisans alsaciens participent
Côté conception des opercules, l’autoentrepreneuse a pris le parti d’une réalisation 100 % à la main. Si elle participe à la couture, la majorité du travail est faite par une professionnelle, dans la région natale de Flore, c’est-à-dire l’Alsace. L’un de ses imprimeurs y est également installé. «J’ai grandi et j’ai toujours vécu en Alsace. J’y ai des contacts et c’était important pour moi que des artisans alsaciens participent au projet», souligne la jeune femme. Pour le Grand-Duché, un second imprimeur se charge de l’impression sur les couvercles de protection.
Mais c’est surtout ici que la Française compte tout mettre en œuvre pour que son couvercle investisse les soirées. «Partout où il y a des risques», résume-t-elle. Bars, discothèques, restaurants constituent un cœur de cible que Flore Munoz souhaite élargir en contactant la grande distribution, les associations, les écoles, les communes…
En attendant, les particuliers peuvent se rendre sur le site internet outofftrouble.com où elle met en vente l’ensemble de sa gamme de produits. Niveau prix, un chouchou vous coûtera 12,90 euros et vous pourrez posséder trois Smart Cups pour le même prix. Couleurs ou petites phrases telles que «Non à la drogue» ou «Vous ne passerez pas!», les couvercles en lycra peuvent être personnalisés par l’acheteur ou l’entreprise qui les commande. De quoi donner des idées pour se sentir moins vulnérable et enflammer le dancefloor sans être inquiété.
Bal d’Ell : comment assurer la sécurité ?
Plusieurs membres du SC Ell, club qui organise le Elloween bal d’Ell, se sont réunis lundi soir afin de trouver des solutions pour améliorer la sécurité de la prochaine édition. Pour rappel, à la suite de la fête, deux plaintes ont été déposées en raison du comportement intriguant de plusieurs jeunes filles qui y avaient consommé de l’alcool. D’après les organisateurs, ces dernières auraient pu être droguées à leur insu.
Contacté mercredi, Paul Wilwerding, secrétaire du SC Ell, indique que le club souhaite «une meilleure collaboration avec la police». «Nous contacterons les autorités en amont du prochain bal afin de mieux encadrer l’évènement et de prévenir ce type d’incidents», annonce-t-il.
«Le sujet nous touche et nous souhaitons assurer la sécurité des jeunes. Pour l’an prochain, nous avons émis trois idées. Rien n’est tranché pour le moment.» La première serait de relever l’âge d’entrée de 16 à 18 ans. «Compliqué, car sur les 500 entrées, la moitié des participants ont moins de 18 ans.» La seconde possibilité serait de maintenir l’accès aux 16 ans et plus mais de supprimer les alcools forts. Enfin, les membres du SC Ell pensent à prévoir des couvercles sur les gobelets. Une solution qui pourrait voir naître une collaboration entre Out Off Trouble et les organisateurs du Elloween. Les deux parties se disent intéressées.